(Washington) Un jeune Américain a été inculpé mercredi de tentative de meurtre après avoir été arrêté, lourdement armé, près du domicile d’un juge conservateur de la Cour suprême des États-Unis qu’il voulait tuer avant de se suicider.

Son projet avorté, condamné par l’ensemble de la classe politique, a encore fait monter la tension autour de la haute juridiction, qui doit rendre d’ici au 30 juin des décisions très attendues sur le droit à l’avortement et les armes à feu.

Nicholas Roske, 26 ans, s’est rendu au milieu de la nuit au domicile du juge conservateur Brett Kavanaugh à Chevy Chase, une banlieue cossue du nord de Washington, selon des documents judiciaires.

Arrivé en taxi avec un sac à dos et une valise, il a constaté la présence de policiers et s’est éloigné de la maison. Peu après, il a appelé les services locaux de secours pour signaler ses intentions suicidaire et meurtrière.

Dépêchés sur place, des policiers l’ont interpellé sans difficulté vers 1 h 50 (5 h 50 GMT). Dans ses bagages, ils ont retrouvé une arme de poing, deux chargeurs et des munitions, un couteau, du gaz lacrymogène, des menottes, un gilet pare-balles…

Lors de son interrogatoire, il a déclaré aux enquêteurs être en colère contre la Cour suprême à cause d’un projet d’arrêt sur l’avortement et d’une fusillade meurtrière dans une école du Texas.  

Convaincu que le juge Kavanaugh soutient une extension du droit au port d’armes, il a expliqué avoir « voulu donner un sens à sa vie » en le tuant.

« Inacceptables »

Le président démocrate Joe Biden a, par la voix de sa porte-parole, « condamné avec force » les actes du jeune homme. Les « menaces de violence » et les « tentatives d’intimidation contre des juges n’ont pas de place dans notre société », a déclaré Karine Jean-Pierre.

Elles « frappent le cœur de notre démocratie et nous ne les tolérerons pas », a ajouté son ministre de la Justice Merrick Garland, en soulignant avoir renforcé leur protection le mois dernier.

La Cour suprême est au cœur d’une tempête politique depuis la fuite, début mai, d’un projet d’arrêt laissant entendre qu’elle est prête à enterrer sa décision historique de 1973 « Roe v. Wade », dans laquelle elle a reconnu le droit des femmes à avorter.

Peu après cette révélation, une barrière de sécurité avait été érigée autour du bâtiment de marbre blanc qui abrite ses travaux sur la colline du Capitole, où des manifestants se sont régulièrement rassemblés ces dernières semaines.

Un petit cortège avait également défilé en mai entre les maisons de Brett Kavanaugh et du chef de la Cour, John Roberts. Cette démarche avait déjà été critiquée par la Maison-Blanche, pour qui les juges « devraient pouvoir faire leur travail sans crainte pour leur sécurité personnelle ».

« Apocalyptiques »

Mais mercredi, les républicains ont laissé entendre que les détracteurs de la Cour – parmi lesquels se trouvent de nombreux démocrates – portaient une part de responsabilité dans l’action de Nicholas Roske.

« C’est exactement le genre d’évènements que beaucoup craignaient après les discours sans limites, inconscients et apocalyptiques tenus par des personnalités depuis des mois contre la Cour », a déclaré leur chef au Sénat Mitch McConnell dans l’hémicycle.

La Cour suprême fait l’objet de vives critiques à gauche depuis son remaniement par l’ancien président républicain Donald Trump qui y a fait entrer trois juges sur neuf, dont Brett Kavanaugh.

Forte de sa nouvelle majorité ultraconservatrice, elle semble prête à révolutionner le droit à l’avortement, mais aussi le port d’armes.

Appelée à se prononcer sur une loi centenaire de New York, elle pourrait affirmer que les Américains disposent d’un droit à porter une arme à feu en dehors de leur domicile et ainsi compliquer les efforts des États qui tentent de limiter leur circulation dans les espaces publics.  

Une telle décision raviverait la douleur d’une Amérique en deuil depuis des tueries dans une école du Texas et un supermarché fréquenté par des Afro-Américains près de la frontière avec le Canada.

Le juge Kavanaugh, qui avait été confirmé en 2018 après un débat acrimonieux impliquant des accusations d’agressions sexuelles remontant à sa jeunesse, incarne pour de nombreux progressistes américains le visage du virage à droite de la haute Cour.

Pour certains observateurs, il est toutefois soucieux de l’image de la Cour et pourrait former une alliance avec le chef Roberts pour rendre des décisions en demi-teinte.