Environ une heure s’est écoulée entre l’arrivée d’un tueur à l’école primaire Robb d’Uvalde, au Texas, et le moment où il a été abattu, mardi. Près d’une heure au cours de laquelle des parents désespérés ont afflué aux abords de l’école, implorant les policiers d’intervenir, proposant d’entrer eux-mêmes dans l’établissement pour secourir les enfants.

Ce qu’il faut savoir

  • Le tireur aurait eu la voie libre pour entrer dans l’école, selon le département de la Sécurité publique ;
  • Des questions subsistent, notamment sur le délai d’intervention des forces de l’ordre ;
  • Six personnes étaient toujours hospitalisées jeudi, dont quatre dans un état grave.

« Il y avait au moins 40 agents armés jusqu’aux dents, mais ils n’ont rien fait jusqu’à ce qu’il soit trop tard », a dénoncé à ABC Jacinto Cazares, père de la petite Jacklyn, 10 ans, tuée mardi dans son école avec 18 camarades de classe et 2 enseignantes.

Le délai d’intervention des policiers a soulevé de nombreuses questions. Des parents et d’autres résidants s’étaient précipités vers l’école mardi en apprenant que des coups de feu y avaient été entendus. Des vidéos captées sur le moment montrent des parents qui crient aux policiers d’agir.

Daniel Myers, un pasteur de 72 ans, était à l’extérieur de l’école environ 30 minutes après l’entrée du tireur dans l’établissement. Il a décrit à l’Agence France-Presse comment les policiers ont attendu, en l’absence d’une unité spécialisée, et comment les parents assistant à la scène étaient « désespérés ».

PHOTO KIN MAN HUI, ASSOCIATED PRESS

Sous le regard de policiers, le pasteur Daniel Myers, place une croix devant l’école élémentaire Robb.

Ils étaient prêts à rentrer [dans l’établissement]. L’un des proches a dit : “J’ai été militaire, donnez-moi juste un pistolet, je vais y aller. Je ne vais pas hésiter. Je vais y aller.”

Daniel Myers

Chaque seconde compte

Dans ce genre de situation, « chaque seconde compte », a souligné à La Presse Marc Parent, chef de la direction de Commissionnaires du Québec et ex-directeur du Service de police de la Ville de Montréal. « Dans une situation de tueur actif, c’est clair qu’au SPVM, la façon d’intervenir est d’aller neutraliser la menace dans les plus brefs délais, dit celui qui a aussi été chef d’équipe du Groupe d’intervention tactique de Montréal. Nous n’attendrons pas l’unité d’élite pour intervenir. Ces pratiques se sont raffinées au fil des années, suivant les évènements de la Polytechnique [en 1989]. »

[L’objectif est de] neutraliser et confiner la menace dans les plus brefs délais pour protéger la vie parce qu’on sait que, ce qui compte le plus, c’est d’intervenir dans les premières secondes et minutes qui suivent le signalement.

Marc Parent, ex-directeur du Service de police de la Ville de Montréal

Le directeur régional pour la partie sud du Texas au département de la Sécurité publique, Victor Escalon, a d’ailleurs confirmé dans une conférence de presse jeudi à Uvalde que la « majorité » des coups de feu avait retenti dans les premières minutes de l’attaque. Sans toutefois aller jusqu’à confirmer que les 21 personnes tuées avaient péri peu après l’arrivée du tireur, comme l’avait avancé une source policière au New York Times plus tôt jeudi, en réponse aux nombreuses critiques sur l’heure écoulée sans intervention policière directe.

Sans porte verrouillée ni gardien

M. Escalon a affirmé que les premiers policiers sont arrivés quelques minutes après l’arrivée du tueur, mais ont dû reculer et attendre les renforts après avoir été pris pour cibles.

Le tireur, identifié comme Salvador Ramos, 18 ans, aurait pu entrer dans l’école « sans obstacle », a affirmé M. Escalon. L’établissement n’aurait pas été verrouillé ni protégé par un garde armé, a-t-il précisé, contredisant des informations véhiculées au cours des derniers jours.

Le tireur a été abattu par les forces de l’ordre.

Une enquête est toujours en cours pour tenter d’élucider les évènements, qui ont aussi fait 17 blessés, dont 3 policiers.

Six personnes se trouvaient toujours à l’hôpital jeudi, donc une sexagénaire qui serait la grand-mère du tireur. La femme de 66 ans était dans un état « grave ». Salvador Ramos lui aurait tiré une balle au visage avant de prendre son véhicule pour se diriger vers l’école primaire.

PHOTO ALLISON DINNER, AGENCE FRANCE-PRESSE

Victor Escalon, directeur régional pour la partie sud du Texas au département de la Sécurité publique

Se cacher sous une table

Au surlendemain de l’attaque, la ville de 16 000 habitants, comme le reste du pays, était toujours sous le choc.

« C’est le temps de mourir », aurait dit le tueur en faisant irruption dans la classe de quatrième année.

C’est ce qu’un survivant de l’attaque, un garçon de 9 ans, a raconté au média KENS à San Antonio. « J’ai dit à mon ami que nous devions nous cacher pour qu’il ne nous voie pas », a-t-il ajouté. Avec quatre autres enfants, il se serait réfugié sous une table recouverte d’une nappe, échappant au sort réservé à la majorité de ses camarades de classe.

L’identité du garçon n’a pas été révélée. Il a livré son témoignage sans montrer son visage. Il a raconté que sa classe regardait le film La famille Addams lorsqu’il a entendu des coups de feu.

Les enfants avaient appris à se cacher en silence si une telle situation survenait, un entraînement donné dans nombre d’établissements américains en réponse aux tueries survenues dans les écoles.

Le président américain Joe Biden et sa femme Jill se rendront à Uvalde dimanche pour rencontrer les familles des victimes.

Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press, KENS et le Washington Post