(New York) D’un bout à l’autre de l’Ohio, les téléspectateurs ont vu au cours des derniers mois quantité de pubs rappelant les épithètes péjoratives utilisées par J. D. Vance pour dénigrer Donald Trump en 2016 : « idiot », « répréhensible » et « toxique », entre autres.

Qui est J. D. Vance ? En 2016, cet ancien Marine, diplômé de la prestigieuse université Yale et investisseur en capital-risque, a fait paraître Hillbilly Elegy, ses mémoires sur sa jeunesse chaotique dans les Appalaches et la crise de l’Amérique blanche ouvrière, dont Netflix a fait un film. Mardi, il sera l’un des candidats à la primaire républicaine, qui déterminera probablement le vainqueur potentiel de l’élection sénatoriale de l’Ohio en novembre prochain.

Et, malgré tout le mal qu’il a dit au sujet de Donald Trump avant l’élection présidentielle de 2016, il a récemment reçu l’appui de ce dernier, le 15 avril. « C’est le type qui a dit des choses merdiques sur moi », a reconnu l’ex-président lors d’un rassemblement récent en Ohio aux côtés de Vance. « Mais vous savez quoi ? Tous les autres l’ont fait aussi. En fait, si je m’en tenais à cette norme, je ne pense pas que je n’aurais jamais soutenu qui que ce soit dans le pays. »

Je veux choisir quelqu’un qui va gagner, et cet homme va gagner.

Donald Trump, au sujet de J. D. Vance

Le choix de Donald Trump, qui a plongé les républicains dans une guerre fratricide, représentera la mesure la plus importante jusqu’à maintenant de l’influence de l’ex-président au sein de son parti. Avant de recevoir l’appui de celui qu’il considère aujourd’hui comme le « meilleur président de [sa] vie », J. D. Vance tirait de l’arrière dans plusieurs sondages sur l’ancien trésorier de l’Ohio Josh Mandel, qui jouit du soutien du sénateur républicain du Texas Ted Cruz et de l’ancien conseiller pour la sécurité nationale de la Maison-Blanche Michael Flynn, entre autres. Selon au moins deux sondages récents, il mène désormais la course.

Une « nouvelle droite »

Mais la primaire républicaine d’Ohio pourrait également constituer une percée pour ce que certains appellent la « nouvelle droite » américaine. Une droite nationaliste qui flirte avec l’autoritarisme et dont l’un des plus importants bailleurs de fonds est le milliardaire Peter Thiel, cofondateur de PayPal et investisseur de la première heure dans Facebook.

PHOTO REBECCA BLACKWELL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Peter Thiel, cofondateur de PayPal

Thiel a versé plus de 10 millions de dollars dans deux comités d’action politique pour soutenir la candidature au Sénat de deux de ses anciens employés. L’un d’eux, Blake Masters, tente de ravir aux démocrates le siège que détient le sénateur d’Arizona Mark Kelly. L’autre, J. D. Vance, veut remplacer au Sénat le républicain Rob Portman, qui a annoncé sa retraite.

Les trois hommes – Thiel, Masters et Vance – ont un ami en commun, Curtis Yarvin, ex-programmeur et blogueur souvent présenté comme le « prophète » de cette nouvelle droite, qui voit en Donald Trump un allié utile. Dans son numéro courant, le magazine Vanity Fair décrit quelques-unes des idées de ce « néo-réactionnaire », dont celle d’installer à la tête du gouvernement américain « un PDG national, [ou] ce qu’on appelle un dictateur ».

Il a abandonné depuis le mot « dictateur », mais son penchant vers l’autoritarisme demeure. Et J. D. Vance, 37 ans, a repris à son compte une de ses idées maîtresses – le démantèlement de l’appareil administratif, qu’il appelle le « régime » – lors d’une entrevue avec Vanity Fair.

Je pense que Trump va se représenter en 2024. Je pense que ce que Trump devrait faire, si je devais lui donner un seul conseil, c’est de virer chaque bureaucrate de niveau intermédiaire, chaque fonctionnaire de l’État administratif, et de les remplacer par nos gens.

J. D. Vance, en entrevue avec Vanity Fair

« Et quand les tribunaux interviennent pour vous stopper, tenez-vous devant le pays et dites : “Le président de la Cour suprême a rendu sa décision, voyons voir s’il peut l’appliquer” », a-t-il ajouté, laissant entendre qu’il était prêt à défier l’ordre constitutionnel.

La guerre en Ukraine ? Bof…

J. D. Vance ne se permet pas de tels appels à l’autoritarisme en campagne électorale. Mais il tient des propos aussi controversés que Donald Trump, sinon plus, sur plusieurs autres sujets, dont la guerre en Ukraine.

« Je dois être honnête avec vous, je ne me soucie pas vraiment de ce qui arrive à l’Ukraine d’une manière ou d’une autre », a-t-il déclaré lors d’une entrevue accordée dans le cadre de la balado de Steve Bannon, ex-stratège de Donald Trump. « Je me soucie du fait que dans ma communauté, en ce moment, la principale cause de décès chez les 18-45 ans est le fentanyl mexicain qui traverse la frontière sud. »

De là à accuser Joe Biden de laisser entrer le fentanyl mexicain aux États-Unis de façon intentionnelle, il n’y a qu’un pas.

« Si vous vouliez tuer un groupe d’électeurs MAGA en plein cœur du pays, comment mieux les cibler, eux et leurs enfants, si ce n’est avec ce fentanyl ? », a dit J. D. Vance, dont la mère a elle-même été dépendante des opiacés. « Cela semble vraiment intentionnel. C’est comme si Biden voulait punir les gens qui n’ont pas voté pour lui. »

Josh Mandel, l’un des principaux rivaux de J. D. Vance, n’est pas en reste, notamment sur la question de l’immigration illégale. Il prône l’expulsion de tous les clandestins. Il ne représente pas moins le choix de l’élite républicaine d’Ohio et du Club for Growth, l’organisation économique conservatrice qui a financé plusieurs des pubs rappelant les commentaires négatifs de J. D. Vance à propos de Donald Trump en 2016.

Deux autres candidats sont en lice pour la primaire républicaine, dont l’un a refusé de faire campagne dans le but d’obtenir l’appui de Donald Trump. Il s’agit du sénateur d’État Matt Dolan, qui devançait J. D. Vance par un point de pourcentage dans au moins un sondage publié la semaine dernière. Sa victoire aurait l’effet d’un séisme pour les trumpistes.

Le gagnant de la primaire républicaine affrontera le représentant démocrate d’Ohio Tim Ryan en novembre.