L’enquête se poursuit, mais des accusations se font attendre… et pourraient ne jamais venir

(New York) Lorsque deux douzaines de New-Yorkais sont entrés dans un tribunal de Manhattan cette semaine pour terminer leur service de grand jury, ils n’avaient plus sous les yeux le cas d’un homme qui aurait été l’accusé criminel le plus célèbre du monde.

Cet homme, Donald Trump, faisait cette année l’objet d’accusations criminelles potentielles de la part du grand jury concernant ses pratiques commerciales. Mais depuis que le procureur de Manhattan, Alvin Bragg, a cessé de présenter aux jurés des éléments de preuve concernant Trump, de nouveaux signes sont apparus indiquant que l’ancien président ne serait pas inculpé à Manhattan dans un avenir proche – voire pas du tout.

Selon des personnes ayant connaissance de l’affaire, au moins trois des témoins autrefois au cœur de l’affaire n’ont pas reçu de nouvelles du bureau du procureur depuis des mois ou n’ont pas été invités à témoigner.

Ces dernières semaines, un procureur du bureau du procureur de Manhattan qui jouait un rôle clé dans l’enquête a cessé de se concentrer sur une cause potentielle contre Trump, ont déclaré d’autres personnes ayant connaissance de l’enquête – une décision qui fait suite à la démission, plus tôt cette année, des deux procureurs principaux qui dirigeaient l’enquête.

Les procureurs restants travaillant sur l’enquête Trump ont abandonné la « cellule de crise » qu’ils utilisaient pour préparer leur présentation au grand jury au début de l’année, ont déclaré les témoins, laissant derrière eux une vaste suite de bureaux et une salle de conférence au 15e étage du bureau du procureur de district dans le Lower Manhattan.

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Alvin Bragg, procureur de Manhattan

La fin du mandat du grand jury à la fin du mois n’empêche pas les procureurs de convoquer un nouveau jury. Mais les récents développements soulignent la possibilité réduite que Trump fasse face à des accusations sous la direction d’Alvin Bragg, qui, avec plusieurs autres procureurs, avait des inquiétudes quant à la solidité de la preuve. Certaines personnes proches de l’enquête estiment qu’elle ne débouchera pas sur une inculpation de l’ancien président, à moins que contre toute attente, un témoin ne coopère – ce qui est peu probable dans une enquête qui dure depuis plus de trois ans.

« Un travail en cours »

Ces dernières semaines, les procureurs de Bragg ont remis quelques assignations supplémentaires, ce qui indique qu’ils poursuivent l’enquête, mais n’ont pas trouvé de nouvelle voie pour inculper Trump. Selon des personnes ayant connaissance de l’affaire, ces assignations, qui n’avaient pas encore été signalées, semblent porter sur le même sujet que celui qui fait depuis longtemps l’objet de l’enquête, à savoir si M. Trump a faussement gonflé la valeur de ses actifs dans ses états financiers annuels.

Les citations à comparaître suggèrent que, plutôt que de poursuivre une nouvelle théorie de l’affaire, M. Bragg s’intéresse à d’autres entités qui ont reçu les états financiers de M. Trump alors qu’il cherchait à contracter des prêts et poursuivait d’autres activités, et que les procureurs recherchent des victimes potentielles de l’ancien président.

L’une des citations à comparaître a été adressée à une grande institution financière qui pourrait avoir reçu les états financiers de M. Trump. Une deuxième assignation à comparaître envoyée à la Trump Organization faisait suite à une demande antérieure adressée à la société concernant des documents relatifs à la valeur de ses propriétés. La troisième assignation a été adressée à l’agence de la Ville de New York chargée du suivi des fournisseurs municipaux, dont Trump, qui fait des affaires avec la ville depuis des années, exploitant un terrain de golf dans le Bronx et une patinoire à Central Park.

Dans une entrevue accordée ce mois-ci, M. Bragg a déclaré que ses procureurs interrogeaient de nouveaux témoins et examinaient des preuves supplémentaires. Il a refusé de fournir des détails, citant la loi sur le secret du grand jury, mais a déclaré qu’il fallait laisser l’enquête suivre son cours.

« C’est un travail en cours », a déclaré M. Bragg.

Nous avons des procureurs expérimentés qui travaillent tous les jours. Cela ne va pas se faire selon un calendrier précis.

Alvin Bragg, procureur de Manhattan

Mais constituer un nouveau grand jury pourrait occasionner des défis pour toute affaire potentielle. Les avocats de Trump pourraient faire valoir – et un juge pourrait leur donner raison – que les procureurs ont fait une chasse inappropriée à un groupe de jurés plus favorables.

Il faudrait également du temps pour préparer une nouvelle présentation des preuves et des mois pour présenter un dossier aux jurés.

Le bureau de M. Bragg ne dispose pas d’un temps illimité pour inculper Trump. Les témoins pourraient oublier des informations clés. Les procureurs seraient également confrontés à une date limite pour déposer les accusations dans les cinq ans suivant la commission de tout crime, bien qu’il existe certaines exceptions qui prolongent le délai. Et si M. Trump devait annoncer une nouvelle course à la présidence, M. Bragg serait susceptible de subir des pressions politiques pour ne pas inculper un candidat de premier plan à la Maison-Blanche.

Enquête civile

Mais alors même que l’enquête criminelle disparaît de la scène publique, la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, semble prête à prendre des mesures contre M. Trump dans le cadre de son enquête visant à déterminer s’il a faussement gonflé la valeur de ses actifs dans ses états financiers annuels – cela même qui est au centre de l’enquête criminelle.

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Letitia James, procureure générale de l’État de New York

Lors d’une audience lundi, au cours de laquelle un juge a déclaré M. Trump coupable d’outrage au tribunal pour ne pas s’être entièrement conformé à une assignation à produire des documents de Mme James, un avocat de son bureau a déclaré que la procureure générale prendrait probablement des mesures contre l’ancien président dans un avenir proche. Comme son enquête est civile, Mme James peut intenter une action en justice, mais ne peut porter d’accusations criminelles.

Trump a longtemps nié tout acte répréhensible et a accusé M. Bragg et Mme James, qui sont tous deux noirs et démocrates, d’être des « racistes » à motivation politique. S’il est finalement poursuivi ou inculpé, ses avocats seront susceptibles d’invoquer la clause de non-responsabilité selon laquelle ses états financiers n’ont pas été vérifiés par ses comptables et qu’ils ont été soumis à des institutions financières sophistiquées qui ont mené leurs propres vérifications préalables.

Le bureau de James participe également à l’enquête criminelle du procureur de district, ouverte par le prédécesseur de Bragg, Cyrus Vance Jr., il y a plus de trois ans.

Lisez la version originale de cet article du New York Times (en anglais)