Plusieurs États américains viennent d’adopter des lois antiavortement qui comptent parmi les plus restrictives au monde. Explications.

108

C’est le nombre de lois restreignant l’accès à l’avortement qui ont été adoptées dans 19 États en 2021 aux États-Unis, un record selon l’Institut Guttmacher, organisation pro-choix. Cette année, l’avortement pourrait faire l’objet de plus de restrictions : en date du 24 mars, les législatures de 46 États étudiaient 1885 dispositions en lien avec les droits sexuels et la santé reproductive.

Environ 1350 restrictions à l’avortement ont été adoptées par les États depuis 1973 [année où l’avortement a été légalisé dans tous les États aux États-Unis], soit 28 restrictions par année en moyenne. Un nouveau record a été établi en 2021, avec 108 restrictions promulguées. Ces restrictions ont depuis longtemps une incidence importante sur les femmes, en particulier sur certains groupes, comme les personnes à faibles revenus, les jeunes, etc.

Joerg Dreweke, directeur associé aux communications de l’Institut Guttmacher

54 %

C’est le pourcentage d’avortements survenus aux États-Unis en 2020 réalisés au moyen de pilules abortives – qui ne nécessitent pas d’intervention chirurgicale et qui peuvent être utilisées jusqu’à la 10e semaine de grossesse. Plusieurs États dirigés par des républicains tentent de bannir le recours à ces pilules abortives, comme vient de le faire le Dakota du Sud, par exemple. Selon l’organisation Planned Parenthood, au moins 24 États travaillent à restreindre l’accès aux pilules abortives.

INFOGRAPHIE INSTITUT GUTTMACHER.

Les pilules abortives sont aujourd’hui utilisées dans une majorité d’avortements aux États-Unis.

Jusqu’à 10 ans de prison en Oklahoma

L’Assemblée législative de l’Oklahoma a adopté mardi une loi qui fait de la pratique d’un avortement dans l’État un crime qui peut entraîner 10 ans de prison ou une amende de 100 000 $. Le gouverneur républicain de l’État, Kevin Stitt, devrait signer la loi, qui entrerait en vigueur à la fin de l’été. L’Oklahoma accueille des milliers de femmes du Texas qui veulent un avortement après que la pratique a été bannie au Texas le 1er septembre dernier.

En ce moment, les droits reproductifs sont attaqués dans les États de notre nation. La législature de l’Oklahoma a avancé un projet de loi honteux qui interdirait presque tous les avortements s’il entrait en vigueur. S’il est signé, ce projet de loi ne fera qu’empêcher les femmes d’obtenir les soins de santé dont elles ont besoin.

Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis, sur Twitter le 6 avril 2022

PHOTO FOURNIE PAR MICHAEL LABOSSIERE

Michael LaBossiere, auteur et spécialiste des théories du savoir et professeur au département de philosophie à la Florida A&M University

Si les lois antiavortement étaient motivées par le désir de sauver des vies, on pourrait s’attendre à ce que ces États agissent d’autres manières pour protéger les bébés. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Les États qui imposent les plus grandes restrictions à l’avortement tendent à avoir des taux de mortalité infantile (et maternelle) statistiquement plus élevés. Ces États ont également tendance à avoir des taux élevés de pauvreté infantile, ce qui est néfaste pour les bébés. La meilleure explication, dans la plupart des cas, serait que ces lois visent à nuire aux femmes et que l’argument de vouloir « sauver les bébés » est avancé de mauvaise foi.

Michael LaBossiere, auteur et spécialiste des théories du savoir et professeur au département de philosophie à la Florida Agricultural and Mechanical University

Le Colorado prend les devants

Pendant que des États tentent de bannir le droit à l’avortement, d’autres veulent le protéger : cette semaine, Jared Polis, gouverneur du Colorado, a promulgué une loi qui modifie la Constitution de l’État afin d’y inscrire que les femmes enceintes peuvent décider de poursuivre leur grossesse et d’accoucher, ou alors de se faire avorter. La loi interdit aux entités publiques de refuser ou de restreindre ce droit. Aux États-Unis, 15 États ont inscrit le droit à l’avortement dans leur Constitution.

La fin de Roe v. Wade ?

INSTITUT GUTTMACHER ET LE WASHINGTON POST

Les États susceptibles d’interdire l’avortement si Roe v. Wade devait être invalidé. Sources : Institut Guttmacher et The Washington Post

La Cour suprême des États-Unis pourrait rendre en juin une décision qui aura une conséquence majeure sur l’arrêt Roe v. Wade, qui a légalisé l’avortement partout aux États-Unis. L’arrêt pourrait être renversé ou affaibli. Pressentant cette éventualité, 13 États américains ont déjà adopté des lois qui interdiraient automatiquement les avortements sur leur territoire si la Cour suprême devait invalider Roe v. Wade. Si c’est le cas, les cliniques des États favorables à l’avortement s’attendent à être inondées d’appels – et l’avortement pourrait dès lors être inaccessible aux adolescentes ou aux femmes qui n’ont pas le temps ou les ressources nécessaires pour se rendre dans un État où l’opération est permise.

L’Espagne complètement à l’opposé

L’Espagne est située à près de 6000 km des États-Unis, mais ce n’est rien comparativement à la distance idéologique qui sépare les pays sur la question du droit à l’avortement. Cette semaine, les élus espagnols ont adopté une réforme qui prévoit des peines de prison pour les militants antiavortement qui seraient reconnus coupables de « harcèlement » envers des femmes afin de tenter de les convaincre de ne pas se faire avorter, a rapporté l’Agence France-Presse. En effet, les gens reconnus coupables d’avoir harcelé une femme en vue de faire « obstacle à l’exercice du droit à l’interruption volontaire de grossesse » par des « actes gênants, offensifs, d’intimidation ou de pression » pourront être condamnés à des peines allant de trois mois à un an de prison ou à des travaux d’intérêt général.