(Alexandria) La justice américaine a entamé mercredi le procès d’un djihadiste de l’État islamique (EI) accusé d’avoir fait partie d’une cellule « terrifiante » spécialisée dans la capture et l’exécution d’otages occidentaux.

Dès l’ouverture des débats, l’avocat d’El Shafee el-Sheikh, un homme de 33 ans déchu de sa nationalité britannique, a toutefois assuré que son client n’avait « pas fait partie des Beatles ».

Ce surnom avait été donné par des otages occidentaux à un groupe de geôliers ayant un accent britannique, qui avaient acquis une sinistre notoriété en 2014 en mettant en scène l’exécution de captifs dans d’insoutenables vidéos de propagande.

Ils sont soupçonnés d’avoir, entre 2012 et 2015, enlevé 27 otages occidentaux, originaires d’une quinzaine de pays. « Tous ont été maltraités, brutalisés aux mains des “Beatles” », a rappelé le procureur John Gibbs. Ils étaient « absolument terrifiants ».

« En secret, les otages leur avaient donné des surnoms et El Shafee el-Sheikh était Ringo », a assuré le procureur.

Parmi les otages figuraient quatre Américains : les journalistes James Foley et Steven Sotloff, ainsi que les travailleurs humanitaires Kayla Mueller et Peter Kassig.

« Méprisables » 

Les trois hommes ont été décapités face à des caméras, comme d’autres otages britanniques et japonais.

La jeune Kayla Mueller a été réduite en « esclavage » et « violée » par le chef de l’EI Abou Bakr al-Baghdadi, avant de mourir en 2015 dans des circonstances floues.

Ce sont des actes « méprisables, insensés, nous ne le contestons pas », a commenté l’avocat de l’accusé, Ed MacMahon.

Mais les geôliers étaient toujours masqués et avaient « les mêmes caractéristiques, le même parcours, le même accent », a-t-il relevé, mettant en doute la crédibilité de leur identification par les otages libérés.

Pour Me MacMahon, El Shafee el-Sheikh s’est bien rendu en Syrie en 2012 et a rejoint les rangs de l’EI, mais « il n’était pas membre des “Beatles” ».

Il « n’était pas impliqué dans les enlèvements ni les meurtres », a-t-il soutenu, en demandant aux jurés de l’acquitter.

Dans un échange avec l’AFP, la mère de James Foley, Diane, s’est dite « surprise » par cette ligne de défense, mais mise sur le « solide » dossier d’accusation pour obtenir justice.

« Facteur temps »

Un ancien militaire danois est ensuite monté à la barre des témoins pour raconter comment il avait négocié pendant des mois pour obtenir la libération d’un photographe danois, Daniel Rye Ottosen.

Il a lu des courriels d’un cynisme glaçant, adressés à la famille du jeune homme, pour réclamer des rançons de plus en plus élevées.

« Vous négociez la vie de votre fils unique et le temps est un facteur », ont-ils notamment écrit aux parents, en accompagnant leur propos de photos ou vidéos d’otages exécutés.

Au total, une quarantaine de témoins devraient être appelés à témoigner lors des trois à quatre semaines de procès.

Parmi eux figureront d’anciens otages et une femme yézidie, ancienne esclave de l’EI, qui a été détenue pendant plusieurs mois avec Kayla Mueller.

« Sans compassion » 

El Shafee el-Sheikh a été arrêté par les forces kurdes syriennes en 2018 avec Alexanda Kotey, un autre membre présumé des « Beatles ».

Alors qu’il était leur captif, il a admis, dans des interviews accordées à plusieurs médias, avoir « interagi » sans « compassion » avec les otages.

Mais il a cherché à minimiser son rôle, en se décrivant comme un intermédiaire chargé de récupérer les adresses courriel des proches des détenus pour négocier les rançons.

Les deux hommes avaient été transférés en 2019 aux forces américaines en Irak et en 2020 aux États-Unis.

Depuis, Alexanda Kotey a plaidé coupable dans l’espoir de purger une partie de sa peine – qui sera prononcée fin avril – au Royaume-Uni.

La figure la plus marquante des « Beatles », Mohammed Emwazi, dit « Jihadi John », qui apparaissait armé d’un couteau de boucher sur les films montrant l’exécution des otages, est mort dans une attaque de drone américain en 2015.

Un quatrième djihadiste britannique, Aine Davis, est en prison en Turquie, où il a été condamné pour terrorisme.

El Shafee el-Sheikh encourt une peine de prison à vie incompressible, les États-Unis s’étant engagés à ne pas requérir la peine de mort afin d’obtenir la coopération judiciaire de Londres.