(New York) La famille Sackler, propriétaire du laboratoire pharmaceutique Purdue, a accepté de payer 4,28 milliards de dollars, soit plus que prévu initialement, dans le cadre d’un nouveau plan de sortie de faillite proposé pour solder les poursuites l’accusant d’avoir alimenté la crise des opiacés.

Les procureurs de plusieurs États l’ont sans tarder jugé insuffisant.

Purdue avait déjà accepté de plaider coupable en octobre pour sa promotion agressive du médicament antidouleur OxyContin, dont il connaissait la puissance addictive.  

Ses pratiques commerciales, comme celles d’autres pharmaceutiques, grossistes et chaînes de pharmacies, ont conduit à partir de la fin des années 90 à une surconsommation d’anti-douleurs aux opiacés, à l’origine d’une explosion des overdoses aux États-Unis.

Espérant solder l’avalanche de litiges à son encontre, Purdue avait déposé le bilan en septembre 2019. Mais le montage proposé à l’époque avait été rejeté par plus d’une vingtaine de procureurs.

Le groupe a présenté lundi soir un nouveau plan, qui pourrait ouvrir la voie à un règlement global de nombreux litiges liés aux opiacés actuellement devant les tribunaux américains.

Comme prévu par l’accord passé l’an dernier avec le ministère américain de la Justice, l’entreprise basée dans le Connecticut prévoit de se dissoudre pour créer une nouvelle société dont le but serait d’aider à régler la crise des opiacés, en versant de l’argent aux divers acteurs estimant avoir pâti de la crise et en développant des médicaments contre les overdoses et la dépendance.

1,5 milliard de plus

Le laboratoire estime que ces nouveaux traitements qu’il distribuerait à prix coûtant équivaudraient à une valeur de 4 milliards de dollars.  

Purdue propose de faire un premier versement de 500 millions de dollars en espèces dès sa sortie de faillite et d’y ajouter environ 1 milliard de dollars d’ici fin 2024 grâce aux revenus générés par la nouvelle entreprise.  

La famille Sackler, propriétaire de l’entreprise, verserait pour sa part 4,275 milliards de dollars en plus de l’amende de 225 millions déjà prévue déboursés sur neuf ans.  

Elle avait initialement proposé,  en septembre 2019, de payer 3 milliards de dollars.

La restructuration vaudrait au total 10 milliards de dollars.

Le plan de sortie de faillite présenté par Purdue prévoit de créer de nouvelles entités pour répondre aux demandes des divers acteurs impliqués : les États et collectivités locales, les tribus amérindiennes, les soignants ou tuteurs d’enfants nés avec des syndromes de sevrage, les victimes.

La très controversée famille Sackler, qui finançait des musées du monde entier avant de se voir bannie à la suite de la crise des opiacés, n’aurait aucun rôle dans la gestion ou la gouvernance de la nouvelle société américaine, supervisée par des personnes indépendantes.

Elle pourrait en revanche conserver pendant encore sept ans les activités de Purdue à l’étranger.

« Avec les overdoses de médicaments toujours à des niveaux records, il est plus que temps d’utiliser les actifs de Purdue pour aider à résoudre la crise », a déclaré Steve Miller, président du conseil d’administration de Purdue, dans un communiqué. « Nous sommes convaincus que ce plan répond à cet objectif », a-t-il ajouté.  

Il doit encore être approuvé par un juge des faillites.

« Immunité à rabais »

Plusieurs procureurs d’États ont déjà fait part de leur « déception ».

« Bien qu’il contienne des améliorations par rapport à la proposition que Purdue avait présentée et que nous avions rejetée en septembre 2019, elle n’est pas à la hauteur de ce que les familles et les survivants méritent », ont écrit plusieurs d’entre eux dans un communiqué commun.

Dans un message sur Facebook, la procureure de l’État du Massachussetts Maura Healey a dénoncé ce qu’elle considère comme une « insulte ».

« Les Sackler veulent utiliser la catastrophe qu’ils ont créée pour s’acheter une immunité à rabais. Aux termes de cet accord, ils repartiront plus riches », déplore-t-elle.

Elle prévoit, comme 25 autres procureurs généraux selon elle, de demander des changements.  

D’autres entreprises ont été accusées d’avoir alimenté la crise des opiacés et la flambée d’overdoses qu’elle a entrainée — avec environ 500 000 morts aux États-Unis depuis 1999.  

Mais il est reproché à Purdue d’avoir été le premier laboratoire à pousser le corps médical à surprescrire l’Oxycontin à partir des années 90, alors que ces puissants médicaments étaient jusque-là réservés au traitement des maladies graves.