Un groupe d’élus démocrates scandalisés par une série d’exécutions effectuées par l’administration de Donald Trump demande au nouveau président américain, Joe Biden, de commuer « immédiatement » la peine des détenus fédéraux condamnés à mort et de leur assurer une procédure « équitable » pour établir une peine d’emprisonnement appropriée.

« Nous apprécions votre opposition déclarée à la peine de mort et nous vous demandons d’agir rapidement et de manière décisive à ce sujet », plaident deux élues afro-américaines, Ayanna Pressley et Cori Bush, dans une lettre adressée vendredi au chef d’État avec l’appui d’une trentaine de membres du Congrès.

Les auteures de la missive relèvent que les Américains ont été témoins d’une série « haineuse » de 13 exécutions fédérales qui se sont déroulées en partie durant la période de transition suivant l’élection présidentielle, contrairement à la tradition, alors que le pays est aux prises avec une pandémie sans précédent compliquant toute défense juridique.

Au total, 13 personnes ont été exécutées en sept mois, soit « plus que [par] toute autre administration depuis un siècle et demi », notent-elles.

Les élues s’indignent notamment de l’exécution de Lisa Montgomery, une femme de 52 ans qui est devenue le 12 janvier la première détenue fédérale exécutée en 70 ans, une semaine avant que Joe Biden n’arrive au pouvoir.

« Notre système n’a pas réussi à la protéger, mais nous ne pouvons permettre que le même scénario se répète pour beaucoup d’autres personnes comme elle qui sont confrontées au même destin », relèvent les auteures, qui demandent par ailleurs au nouveau président d’appuyer un projet de loi visant ultimement à interdire la peine capitale.

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Ayanna Pressley, représentante démocrate du Massachusetts et l’une des deux auteures de la lettre

Le gouvernement fédéral peut exiger la peine de mort pour une série de crimes jugés parmi les plus graves. La majeure partie des exécutions réalisées annuellement dans le pays relèvent cependant des États eux-mêmes et sont en forte baisse depuis 20 ans.

Le ministère de la Justice, sous la gouverne de William Barr, avait annoncé l’été dernier qu’il était nécessaire de relancer les exécutions fédérales, après des décennies de moratoire, par considération pour les « familles des victimes ».

Selon le Death Penalty Information Center, il reste encore une cinquantaine de détenus fédéraux condamnés à mort.

Des recours qui n’ont rien donné

Plusieurs groupes de défense des droits de la personne ont tenté de bloquer les exécutions réalisées dans les derniers mois de l’administration Trump, en vain.

Les recours aux tribunaux se sont heurtés notamment à la Cour suprême, qui a donné son aval à la tenue de plusieurs exécutions controversées, dont celle de Mme Montgomery.

Dans une dissidence remarquée, la juge Sonia Sotomayor a reproché au plus haut tribunal américain d’avoir « constamment rejeté » les demandes de révision des prisonniers tout au long de cette « série expéditive d’exécutions », tranchant dans certains cas « en quelques jours ou même en quelques heures », souvent sans donner de justification. « La justice, ce n’est pas ça », a-t-elle indiqué.

Sandra Babcock, professeure de droit de l’Université Cornell, qui a participé à la défense de Lisa Montgomery, note que le président Trump n’a jamais répondu à l’appel à la clémence qui lui avait été adressé dans ce dossier.

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Les élus s’indignent notamment de l’exécution de Lisa Montgomery, une femme de 52 ans, qui est devenue le 12 janvier la première détenue fédérale exécutée en 70 ans.

La détenue, qui avait tué une femme enceinte et emporté vivant son bébé après l’avoir extrait de son ventre, avait été agressée sexuellement pendant de longues années durant son enfance et souffrait de graves problèmes psychiatriques qui auraient dû normalement lui éviter la peine de mort.

Mme Babcock pense que l’exécution de Lisa Montgomery a marqué les esprits et va faire avancer la cause des opposants à la peine capitale.

Elle a bon espoir que Joe Biden soutiendra la fin des exécutions fédérales, comme il a promis de le faire en campagne électorale, mais elle ne sait pas s’il voudra aller plus loin en cherchant à convaincre les États qui l’appliquent toujours d’emboîter le pas.

« Je m’attends à ce qu’il soutienne le mouvement pour l’abolition de la peine capitale. Quant à savoir s’il en sera le leader, ça reste à voir », dit la professeure.

Une centaine de procureurs et de juristes ont aussi appelé lundi par lettre le président Biden à passer à l’action pour abolir la peine de mort en relevant que les exécutions fédérales des derniers mois représentaient « une attaque contre la dignité humaine » et un « affront aux valeurs américaines ».