(New York) Les nombreuses victimes de Jeffrey Epstein peuvent enfin pousser un soupir de soulagement, voire de satisfaction. Contrairement au financier déchu, Ghislaine Maxwell, son ex-compagne et complice, n’échappera pas à la justice.

Mercredi après-midi, après cinq journées complètes de délibérations, un jury de New York a reconnu l’ex-mondaine britannique coupable d’avoir recruté et séduit des jeunes filles mineures pour les fournir à Epstein afin qu’il puisse les exploiter sexuellement.

Maxwell, 60 ans, devait répondre à six chefs d’accusation. Déclarée coupable de cinq d’entre eux, elle encourt une peine d’emprisonnement de plusieurs dizaines d’années.

Assise à côté d’une de ses avocates, elle n’a trahi aucun signe d’émotion à l’énoncé du verdict, regardant droit devant elle avant de se verser un verre d’eau et d’en boire une gorgée.

« Le chemin vers la justice a été bien trop long. Mais, aujourd’hui, justice a été rendue », a déclaré Damian Williams, procureur des États-Unis pour le district sud de New York, dans un communiqué.

Je tiens à saluer la bravoure des jeunes filles – aujourd’hui adultes – qui sont sorties de l’ombre pour entrer dans la salle d’audience. Leur courage et leur volonté de faire face à leur agresseur ont rendu cette affaire, et le résultat d’aujourd’hui, possible.

Damian Williams, procureur

Maxwell était détenue dans une prison de Brooklyn depuis juillet 2020. Un an plus tôt, Epstein avait été arrêté et accusé de trafic sexuel de mineures. Un mois plus tard, il s’était donné la mort dans la cellule qu’il occupait dans un centre de détention de Manhattan en attendant son procès.

Une « prédatrice sophistiquée »

Il s’agit d’une chute spectaculaire pour Ghislaine Maxwell, fille de l’ancien magnat de la presse britannique Robert Maxwell, qui a côtoyé des personnalités prestigieuses, de Bill Clinton à Donald Trump en passant par le prince Andrew.

Les procureurs fédéraux de New York ont fait défiler une dizaine de témoins au cours d’un procès de 10 jours, dont quatre femmes qui ont décrit la façon dont Maxwell et Epstein avaient abusé d’elles durant une période s’échelonnant de 1994 à 2004.

Maxwell a été dépeinte comme une « prédatrice sophistiquée » qui prenait pour cibles de jeunes filles vulnérables qu’elle séduisait en magasinant ou en allant au cinéma avec elles, avant de participer à la normalisation des massages sexuels dont Epstein était friand et pour lesquelles elles étaient payées.

« Maxwell était le bras droit de Jeffrey Epstein », a déclaré la procureure adjointe Alison Moe lors de son réquisitoire. « Maxwell et Epstein étaient partenaires. Ils étaient des complices qui ont exploité sexuellement de jeunes filles ensemble. »

« Carolyn », l’une des quatre témoins clés, s’est souvenue d’une occasion où Maxwell lui a touché les seins, les hanches et les fesses alors qu’elle se déshabillait avant de donner à Epstein un massage dans sa résidence de Palm Beach, en Floride.

« Elle m’a dit que j’avais un super corps pour M. Epstein et ses amis », a témoigné celle qui avait alors 14 ans.

Ghislaine Maxwell en compagnie de Jeffrey Epstein
  • Quatre femmes ont décrit la façon dont Maxwell et Epstein avaient abusé d’elles durant une période s’échelonnant de 1994 à 2004.

    PHOTO FOURNIE PAR AGENCE FRANCE-PRESSE

    Quatre femmes ont décrit la façon dont Maxwell et Epstein avaient abusé d’elles durant une période s’échelonnant de 1994 à 2004.

  • Jeffrey Epstein s’est donné la mort dans la cellule qu’il occupait dans un centre de détention de Manhattan en attendant son procès.

    PHOTO FOURNIE PAR AGENCE FRANCE-PRESSE

    Jeffrey Epstein s’est donné la mort dans la cellule qu’il occupait dans un centre de détention de Manhattan en attendant son procès.

  • Selon la procureure adjointe Alison Moe, Maxwell était le bras droit de Jeffrey Epstein.

    PHOTO FOURNIE PAR AGENCE FRANCE-PRESSE

    Selon la procureure adjointe Alison Moe, Maxwell était le bras droit de Jeffrey Epstein.

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« Kate », une autre victime qui a témoigné sous un pseudonyme, s’est souvenue de son côté que Maxwell évoquait souvent les célébrités qu’elle fréquentait.

« Elle semblait connaître tout le monde », a-t-elle dit au jury. « Elle était amie avec le prince Andrew, amie avec Donald Trump. Parfois, leurs noms surgissaient ou elle parlait d’eux au téléphone en ma présence. »

Les procureurs ont fait valoir que ces relations avec des personnages importants avaient fini par convaincre Epstein et Maxwell qu’ils n’auraient jamais à payer pour leurs crimes.

Appel du verdict

Les avocats de la défense ont tenté en vain de convaincre le jury que Ghislaine Maxwell n’était pas une « prédatrice sophistiquée » comme l’ont affirmé les procureurs fédéraux, mais un « bouc émissaire ».

Un bouc émissaire accusé injustement par le gouvernement américain pour combler « un trou béant dans la poursuite de la justice » créé par le suicide de Jeffrey Epstein.

Durant leurs contre-interrogatoires des témoins clés, les avocats de la défense ont mis en cause leur parole et leur intégrité, laissant notamment entendre qu’elles étaient motivées par l’appât du gain. Ils ont également appelé à la barre Elizabeth Loftus, psychologue connue pour ses recherches sur la fabrication et le fonctionnement des « faux souvenirs ».

Bobbi Sternheim, l’une des avocates de Maxwell, a annoncé son intention d’en appeler du verdict.

Nous croyons fermement en l’innocence de Ghislaine. Évidemment, nous sommes très déçus du verdict. Nous avons entamé l’appel ce soir et nous croyons que Ghislaine sera finalement innocentée.

Bobbi Sternheim, l’une des avocates de Maxwell

La juge au procès, Alison Nathan, n’a pas donné la date du prononcé de la peine de Maxwell. Au début de la journée, elle avait averti les membres du jury qu’ils pourraient devoir délibérer la veille du jour de l’An ainsi que le jour de l’An s’ils ne parvenaient pas à rendre un verdict d’ici là.

PHOTO BRYAN R. SMITH, AGENCE FRANCE-PRESSE

Bobbi Sternheim, avocate défendant Ghislaine Maxwell

« En termes simples, je conclus qu’il s’agit de la meilleure façon de procéder pour à la fois donner au jury le temps dont il a besoin et éviter une annulation du procès en raison d’Omicron », avait-elle dit aux avocats des deux parties mardi.

Le variant Omicron représente également une préoccupation pour Ghislaine Maxwell. Par l’entremise de ses avocats, elle a demandé au juge de faire en sorte qu’elle puisse recevoir une troisième dose d’un des vaccins contre la COVID-19.