(New York) La défense de Ghislaine Maxwell, jugée à New York pour trafic sexuel, a cherché jeudi à discréditer une victime présumée de cette ex-mondaine britannique qui fut la partenaire du financier américain Jeffrey Epstein, accusé de crimes sexuels et mort en prison en 2019.

Devant le jury du tribunal fédéral de Manhattan, les avocats de Mme Maxwell ont commencé à faire citer des témoins, dans l’espoir de convaincre que leur cliente n’a joué aucun rôle criminel auprès du richissime Epstein.

Ghislaine Maxwell, 59 ans, — Britannique, Américaine et Française et fille du magnat de la presse Robert Maxwell — est accusée d’avoir fourni de 1994 à 2004 à son ancien compagnon et collaborateur des jeunes filles mineures afin qu’il les exploite sexuellement.

Celle à qui l’on reproche d’être une « rabatteuse » est détenue à New York depuis l’été 2020, un an après le suicide en prison du financier, qui avait privé de procès des dizaines de victimes. Elle plaide non coupable de tous les chefs d’accusation, pour lesquels elle encourt la prison à vie.

Amadouée

Elle ne s’est pas exprimée une seule fois à son procès, où elle semble plutôt à l’aise, notamment en échangeant avec ses avocats.

Ces derniers ont fait témoigner dans la matinée, Cimberly Espinosa, 55 ans, qui fut recrutée en 1996 comme assistante de l’équipe juridique d’Epstein, avant de travailler au bout d’un mois avec Mme Maxwell jusqu’en 2002.

Mme Espinosa a tenté de discréditer l’une des quatre victimes présumées d’Epstein qui fut la première à témoigner le 30 novembre sous le pseudonyme de « Jane » en racontant avoir été amadouée à l’âge de 14 ans par le couple Epstein-Maxwell, avant qu’il abuse d’elle sexuellement.

D’après Mme Espinosa, « Jane » venait régulièrement au bureau d’Epstein et sa « relation » avec le financier relevait du registre « amoureux ».

Toujours selon le même témoignage, la mère et les frères de « Jane » étaient aussi fréquemment invités chez Epstein, en particulier à Manhattan, la jeune fille étant considérée comme membre de « la famille » et traitée « avec le plus grand respect ».  

À l’époque, le couple Epstein-Maxwell a-t-il eu un comportement déplacé à l’égard de mineures ? « Jamais », a affirmé Mme Espinosa.

« Terrifiée »

« Jane » avait raconté au tribunal de Manhattan les agressions sexuelles dont elle dit avoir été victime de la part du couple à partir de 1994 : « J’étais figée par la peur […], j’étais terrifiée et je me sentais dégoûtante. J’avais honte », avait-elle témoigné, souvent en larmes.

La défense de Mme Maxwell a aussi fait venir une psychologue spécialiste des « souvenirs tronqués », Elizabeth Loftus, qui a relevé que les témoignages des victimes étaient vieux d’un quart de siècle et donc susceptibles d’être inexacts.

« Plus l’évènement est ancien, plus les gens sont susceptibles d’avoir la mémoire altérée », a affirmé la psychologue qui avait témoigné aux procès pour crimes sexuels de Harvey Weinstein et Bill Cosby.

Quatre femmes — « Jane », « Kate », « Carolyn » et Annie Farmer, 42 ans, la seule à s’exprimer sans pseudonyme — ont dévoilé ces deux dernières semaines une partie de leurs vies abîmées par des relations sexuelles qu’elles disent contraintes avec Epstein, alors qu’elles mineures et souvent en présence de Ghislaine Maxwell.

Annie Farmer a raconté le même scénario que les trois autres femmes : une première rencontre chaleureuse avec Mme Maxwell qui proposait à ces filles de 14 à 17 ans, fragiles et désargentées, de rencontrer Epstein sous le prétexte de les aider financièrement.

Après une première invitation dans une villa à Palm Beach (Floride), au Nouveau-Mexique ou à New York, les jeunes filles étaient incitées par Mme Maxwell à se dévêtir, puis à faire des massages à Epstein qui se terminaient irrémédiablement par des actes sexuels.

Les relations ont — pour certaines — duré des années avec le couple et l’une des témoins a révélé qu’elle était rémunérée 300 dollars pour chaque acte sexuel.

L’argument principal des avocats de Mme Maxwell est que leur cliente comparaît uniquement parce que le véritable responsable, Jeffrey Epstein, s’est suicidé en prison à l’été 2019, à 66 ans.

Le multimillionnaire avait été condamné en Floride en 2008 pour avoir payé des jeunes filles pour des massages. Mais il n’avait fait que 13 mois de prison à la suite d’un accord confidentiel avec le procureur de l’époque.