Le président Joe Biden sous anesthésie générale en raison d’une coloscopie, la vice-présidente Kamala Harris est devenue vendredi la première femme à disposer des pouvoirs de la présidence américaine

(New York) En annonçant que Joe Biden allait subir une coloscopie vendredi matin, la Maison-Blanche a tenu à rappeler qu’il s’agissait d’une intervention de « routine ». Mais rien de ce qui arrive au président des États-Unis n’est vraiment routinier, comme l’a prouvé à sa façon Donald Trump en cachant au public sa propre coloscopie en novembre 2019.

D’abord, si l’intervention est réalisée sous anesthésie générale, le chef de la Maison-Blanche se retrouve momentanément dans l’incapacité d’exercer ses pouvoirs. En conséquence, il doit les transférer temporairement à la personne qui occupe la vice-présidence. Ce qu’il peut faire grâce à la section 3 du 25e amendement de la Constitution américaine, adopté après l’assassinat de John Kennedy.

Ensuite, l’affaire prend une dimension tout à fait inédite lorsque la vice-présidence est occupée par une femme. Ainsi, de 10 h 10 à 11 h 35, Kamala Harris est devenue vendredi la première femme à disposer des pouvoirs de la présidence américaine, un précédent qu’elle rêve sans doute de répéter pour une période plus prolongée. Elle se trouvait alors dans son bureau de l’aile ouest de la Maison-Blanche.

PHOTO GAELEN MORSE, REUTERS

Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis

Avant elle, deux autres vice-présidents, George Bush père et Dick Cheney, avaient hérité temporairement des pouvoirs de la présidence pendant que leur patron respectif était sous anesthésie pour une coloscopie.

Or, contrairement à Ronald Reagan, qui n’avait pas informé immédiatement son vice-président et encore moins le public du transfert de ses pouvoirs pendant sa coloscopie, en 1985, Joe Biden a joué la carte de la transparence. Il a ainsi suivi le précédent établi par George W. Bush en 2002.

« Ce que nous venons de voir ici est un exercice assez rationnel et compétent de la loi qui gouverne cette situation particulière », a dit à La Presse l’historien Matthew Algeo, qui s’intéresse à la santé des présidents des États-Unis. « C’est bien que nous ayons un tel système en place parce que, à l’occasion, les présidents ont besoin d’être anesthésiés. »

Le droit à l’information

Donald Trump, faut-il s’en étonner, a refusé de se plier à cet exercice. Le 16 novembre 2019, il a effectué une visite imprévue à l’hôpital militaire Walter Reed. Visite que sa porte-parole, Stephanie Grisham, a un peu plus tard décrite comme le début d’un examen médical annuel. La machine à rumeurs n’a pas tardé à s’emballer, les médias n’accordant à l’époque aucune crédibilité, ou presque, aux explications de la Maison-Blanche.

Grisham a confirmé les doutes dans ses mémoires, intitulés I’ll Take Your Questions Now – What I Saw at the Trump White House, publiés en octobre dernier. Elle y révèle que l’ancien président s’est rendu à Walter Reed pour y subir une coloscopie. Non seulement il n’a pas voulu en informer le public, mais il a également refusé une anesthésie générale pour éviter d’avoir à transférer ses pouvoirs au vice-président Mike Pence.

Selon Grisham, Donald Trump a choisi de garder le silence sur cet épisode médical afin de ne pas être l’« objet de plaisanteries » de la part des humoristes de la télévision. Elle aurait de son côté préféré jouer la carte de la transparence.

« Je pensais que le peuple américain avait le droit de connaître l’état de santé du président, et je le pense toujours », écrit Grisham dans ses mémoires. « Je pense que le président était embarrassé par l’intervention, même si le président George W. Bush a subi la même opération quand il était en fonction et a été très transparent à ce sujet. »

En fait, George W. Bush a subi deux coloscopies durant sa présidence, l’une en 2002 et l’autre en 2007.

« Je suis le premier président à l’avoir fait dans ces circonstances », a-t-il expliqué après la première coloscopie. « Je l’ai fait parce que nous sommes en guerre, et je veux être très prudent. »

Et Barack Obama ? Il a évité d’avoir à transférer ses pouvoirs à Joe Biden en 2010 en devenant le premier président des États-Unis à subir une coloscopie virtuelle, une intervention qui ne nécessite pas d’anesthésie.

La peur des présidents

Le manque de transparence de Donald Trump n’a pas surpris Matthew Algeo. Selon lui, le 45président possède un trait partagé par nombre de ses prédécesseurs : une vanité doublée d’une crainte de montrer la moindre faiblesse sur le plan physique.

Trump avait une phobie d’apparaître faible. Tous les présidents ont cette peur. Et pour une raison quelconque, Trump a cru que le fait de subir cette intervention le ferait paraître en moins bonne santé. Rappelez-vous, il a dit qu’il allait être l’homme en meilleure santé jamais élu à la présidence.

Matthew Algeo, historien

« Évidemment, a ajouté l’historien, Biden, pour un certain nombre de raisons, a décidé qu’il n’allait pas dissimuler sa coloscopie comme Trump l’a fait. C’est une intervention normale. En attendant les résultats, il n’y a aucune raison de penser qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez lui. Vous avez donc deux approches très différentes de la même situation exactement. »

En plus d’une coloscopie jugée « rassurante », Joe Biden a subi un examen médical dont les résultats révèlent qu’il est en « bonne santé », « vigoureux » et « apte » à remplir ses fonctions. Le président présente cependant une démarche plus raide et une toux persistante attribuées à des affections sans gravité, selon le Dr Kevin O’Connor, médecin du président.

Le 46président célèbre ce samedi son 79e anniversaire de naissance.