(Washington) Gigantesques investissements dans les infrastructures et réformes sociales « historiques » : les grands projets de Joe Biden affrontent une semaine de haute voltige au Congrès américain, où les démocrates doivent impérativement s’accorder s’ils veulent approuver le cœur du programme du président américain.

En parallèle de leurs frénétiques discussions internes sur les plans Biden, les démocrates n’ont que jusqu’à jeudi, minuit, pour trouver un terrain d’entente avec les républicains afin d’éviter la paralysie soudaine du gouvernement fédéral, surnommée « shutdown ».

Et derrière ces multiples fronts se profile la menace d’un cataclysme financier si le Congrès ne parvient pas, dans les prochaines semaines, à adopter un texte pour suspendre le plafond de la dette américaine.

Arrivé au pouvoir sur la promesse d’un retour à l’apaisement à Washington et de transformer en profondeur la société américaine, Joe Biden ne peut se permettre d’échouer sur aucun de ces fronts.

« Vous me connaissez : je suis né optimiste », a tempéré lundi le septuagénaire.

Mais un succès apparaît encore lointain. Le président et ex-sénateur met alors tout son poids dans les négociations entre les démocrates du Congrès. Et admet qu’un accord sur son grand volet social pourrait prendre plus de temps que prévu.

« Cela n’arrivera peut-être pas d’ici la fin de la semaine », même s’il « l’espère », a-t-il déclaré aux journalistes à la Maison-Blanche.

Son programme s’articule autour de deux volets.

D’un côté, un plan de 1200 milliards de dollars d’investissements pour redresser les infrastructures, soutenu par une partie des républicains.

De l’autre, des dépenses sociales et des investissements massifs pour la lutte contre les changements climatiques regroupés dans un plan au montant colossal de 3500 milliards de dollars surnommé « Build Back Better ».

« Destruction mutuelle assurée »

Criant aux dépenses « irresponsables », les républicains y sont farouchement opposés.

Les démocrates ont donc opté pour une manœuvre qui leur permettra de contourner leur pouvoir de blocage au Sénat et d’adopter le volet social avec leurs seules voix.

Mais ils ne disposent que de majorités très fragiles et, pour l’instant, l’aile gauche et les plus centristes ne sont pas d’accord sur le montant même du plan de réformes sociales.

Pour s’assurer du soutien sans faille de leurs troupes, la Maison-Blanche et les chefs démocrates du Congrès ont opté pour une stratégie aux airs de « destruction mutuelle assurée » : les deux plans Biden doivent avancer de concert.

Le Sénat avait approuvé dès le début du mois d’août le plan d’infrastructures avec le soutien de tous les démocrates et d’un tiers des républicains. Le vote final à la Chambre est prévu jeudi.

Mais certains démocrates de l’aile gauche menacent de faire échouer ce vote s’ils n’obtiennent pas un engagement ferme que les centristes soutiendront aussi les réformes sociales, voire de voter d’abord sur ce volet.

Plafond de la dette

Ce compte à rebours tendu s’accompagne d’une autre échéance : la menace de voir les services du gouvernement fédéral soudainement à court d’argent si le Congrès ne prolonge pas le budget au-delà du 30 septembre à minuit.

Les deux partis veulent éviter cette issue, mais ils ne sont pas encore parvenus à s’entendre.

Un premier texte budgétaire a échoué au Sénat lundi soir faute de soutien républicain, car les démocrates y avaient associé la suspension du plafond de la dette des États-Unis jusqu’à la fin de 2022. Une mesure que les républicains refusent catégoriquement de soutenir.

Joe Biden, qui s’est entretenu dans la journée avec les leaders démocrates au Congrès, Nancy Pelosi et Chuck Schumer, a fustigé « un manque d’intérêt pour le redressement de l’économie américaine » de la part des républicains, selon un communiqué de la Maison-Blanche.

Le scénario le plus probable est désormais que les démocrates revoient leur copie en enlevant la suspension de la dette, ce qui permettra de réunir assez de voix pour approuver une extension du budget avant vendredi, et d’éviter un « shutdown ».

Resterait alors la grande question du plafond de la dette. S’il n’est pas suspendu ou relevé rapidement, les États-Unis ne pourront plus honorer leurs paiements à partir de la mi ou de la fin octobre. Du jamais-vu.

Les républicains exhortent les démocrates à l’approuver avec leurs seules voix, grâce à la même manœuvre parlementaire que pour le plan de réformes sociales. Ces derniers s’y refusent pour l’instant, mais pourraient rapidement se raviser.

Cela pourrait prendre plusieurs jours… ou semaines. De quoi inquiéter les marchés.