(Washington) Taxer les plus riches, choyer la classe moyenne : Joe Biden, fragilisé depuis le retrait chaotique d’Afghanistan, a défendu jeudi un gigantesque plan de dépenses publiques, projet phare de son mandat, que le Congrès américain doit encore voter.

Il n’a pas mâché ses mots, dans un discours à la Maison-Blanche : « Ces quarante dernières années, les riches sont devenus plus riches » et les grandes entreprises « ont perdu le sens des responsabilités ».

« Les Américains ordinaires, qui travaillent dur, ont tout simplement été évincés » du jeu économique, a-t-il encore dit.

Cela fait plusieurs semaines que le démocrate de 78 ans muscle son discours économique et social, pour défendre un programme dont il a assuré jeudi qu’il pourrait « changer la trajectoire (des États-Unis) pour les années voire les décennies à venir ».

Joe Biden, s’il veut augmenter la fiscalité sur les grandes entreprises et les plus fortunés, en annulant des baisses d’impôt décidées par son prédécesseur Donald Trump, promet de ne pas toucher à celle des Américains de la classe moyenne. Il veut aussi leur apporter plus de sérénité financière, en réduisant les coûts de la santé, de l’éducation et de la garde d’enfants.

Ces grandes promesses sociales, dont la facture atteint 3500 milliards de dollars, sont adossées à un programme plus consensuel d’investissement dans les infrastructures (ponts, routes, réseau électrique, etc.), se montant à 1200 milliards de dollars.  

Ce dernier volet, qui pourra même compter sur des voix de l’opposition républicaine, est plus avancé dans le processus législatif.

Mais l’autre pan, inédit dans son ampleur et très audacieux sur le fond, dans un pays où les filets de sécurité sociale sont ténus, est loin d’être abouti.

Les prochaines semaines promettent d’être fiévreuses dans les couloirs du Capitole, où siège le Congrès américain, et seront un vrai test pour le président américain.

Joe Biden, fort d’une très longue expérience de sénateur, se laisse volontiers présenter comme un expert du jeu parlementaire. Mais son habileté indéniable suffira-t-elle, au moment où sa cote de popularité accuse le coup après le retrait chaotique d’Afghanistan ?

Tapis rouge et prix Nobel

Certains ténors du parti de Joe Biden s’inquiètent tout haut à propos des gigantesques dépenses sociales.

Mercredi, la Maison-Blanche a reçu les visites du sénateur Joe Manchin et de la sénatrice Kyrsten Sinema, deux démocrates ouvertement sceptiques-et élus dans des États, la Virginie-Occidentale et l’Arizona, où l’électorat n’est pas acquis d’office à leur parti.

À l’opposé d’Alexandria Ocasio-Cortez, figure de l’aile gauche, élue de la Chambre des représentants à New York, à un siège qui vote démocrate à une écrasante majorité depuis trente ans.

« AOC » a fait sensation lundi soir, au gala du Metropolitan Museum of Art (Met), avec une robe de soirée blanche marquée d’un message en lettres écarlates : « TAX THE RICH » (« Taxez les riches »).

Loin des tapis rouges, 15 lauréats du prix Nobel d’Économie ont eux publié une lettre ouverte de soutien aux projets du président. Joe Biden n’a pas manqué de les évoquer dans son discours jeudi.

« Parce que ce programme investit dans les capacités économiques de long terme et va renforcer la possibilité pour plus d’Américains de participer de manière productive à la vie économique, il fera diminuer à long terme les tensions inflationnistes », écrivent ces 15 économistes, dont Joseph Stiglitz, Paul Romer, Edmund Phelps ou Angus Deaton.  

Les détracteurs des projets du président estiment de leur côté que les gigantesques dépenses prévues vont faire flamber les prix et saper le pouvoir d’achat.

S’il ambitionne de réorienter l’économie américaine pour des « décennies », Joe Biden est aussi confronté à un bras de fer bien plus urgent cette fois avec l’opposition républicaine, qui refuse de relever le plafond de la dette.

Faute d’accord, les États-Unis risquent de se trouver à court d’argent au cours du mois d’octobre, a prévenu l’administration Biden. Le pays ne serait alors plus en mesure de rembourser ses emprunts, payer les salaires des employés fédéraux ni leurs retraites.