(Base américaine de Guantanamo) Le procès du cerveau présumé du 11-Septembre, Khalid Sheikh Mohammed, et de quatre autres accusés, a repris mardi après 18 mois d’interruption à la prison militaire de Guantanamo, mais son issue semble encore bien lointaine, alors que l’Amérique s’apprête à commémorer le 20e anniversaire des attentats.

L’audience, présidée par un nouveau magistrat militaire, le colonel Matthew McCall, a été ajournée au bout de deux heures et demie sur des questions procédurales concernant sa nomination. Il est le huitième officier à diriger les audiences.

Et la décision d’une cour militaire d’autoriser la destruction d’un site secret où certains accusés auraient pu être victimes de tortures, comme l’affirme la défense, a remis au centre des débats la question de la possibilité pour eux d’avoir un procès équitable.

Le procès, qui relève d’une justice militaire d’exception, pourrait reprendre mercredi, mais les débats pourraient ne pas débuter avant la semaine prochaine.

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Khalid Sheikh Mohammed, en 2009.

Khalid Sheikh Mohammed, surnommé « KSM », est entré sous escorte militaire dans la salle d’audience coiffé d’un turban bleu assorti à son masque chirurgical qui cachait une longue barbe rousse grisonnante.

Il s’est assis à une table couverte de documents, au côté de son avocat, comme le co-accusé Ammar al-Baluchi, aussi appelé Ali Abdul Aziz Ali et neveu de « KSM », ainsi que Walid bin Attash, Ramzi bin al-Shibh, et Mustafa al-Hawsawi.

Il a ensuite entamé une discussion animée avec Walid bin Attash, accusé de complicité dans la planification des attaques.

Ce dernier, qui portait un keffieh rose et une veste de camouflage beige, se déplaçait lentement, portant une prothèse après avoir perdu sa jambe lors de combats en Afghanistan en 1996.

Nombreux recours

Ramzi bin Al-Shibh, accusé d’être membre de la « cellule de Hambourg » réunissant les pirates de l’air, portait également une veste militaire sur son pantalon blanc en coton.

Ali Abdul Aziz Ali, qui aurait géré les transferts d’argent pour perpétrer les attentats, a révélé une courte barbe foncée en enlevant son masque.

Il portait un habit traditionnel et une coiffe du Baloutchistan, sa région d’origine du sud-ouest du Pakistan.

Mustafa al-Hawsawi, qui aurait travaillé avec Ali Abdul Aziz Ali, portait un habit traditionnel saoudien. Il se déplace en fauteuil roulant, affirmant souffrir de blessures rectales infligées lors de ses interrogatoires par la CIA.

Dans le public, séparé par une paroi de verre, figuraient des familles des 2976 victimes des attentats du 11 -Septembre et des journalistes.

Les cinq hommes, accusés de « meurtre » et d’« actes terroristes », risquent la peine de mort.

Le tribunal militaire, qui siège dans la prison de la base navale américaine de Guantanamo, dans le sud-est de Cuba, a été placé sous haute sécurité. La salle est entourée de grillages avec barbelés.

Le protocole sanitaire est également strict, mais la plupart des accusés ont été vaccinés contre la COVID-19, selon leurs avocats.

Emprisonnés depuis 15 ans, ils n’avaient plus comparu depuis février 2019, avant que la pandémie ne mette la procédure à l’arrêt.

Leurs avocats ont déposé de nombreux recours pour obtenir des documents confidentiels que le gouvernement refuse jusqu’ici de livrer, concernant le programme de torture, les conditions de détention ou la santé des accusés. Ils dénoncent les séquelles de ces tortures et l’effet des longues années de détention à l’isolement.

Destruction de preuves

Ils veulent aussi appeler des dizaines de témoins supplémentaires, en plus des 12 déjà entendus, notamment deux hommes ayant supervisé le programme d’interrogatoires de la CIA.

Ils invoquent aussi des actes de tortures, lorsque les accusés étaient aux mains de la CIA entre 2002 et 2006, pour faire invalider la plupart des preuves avancées par les autorités américaines.

Il pourrait s’écouler encore des mois, voire plus d’une année, avant que le procès n’entre dans sa phase vraiment décisive.

James Connell, qui défend Ammar al-Baluchi, a même assuré qu’il ne « savait pas » si ce procès irait un jour jusqu’à son terme.

Pour l’accusation, même si les interrogatoires de la CIA devaient être invalidés, une condamnation des cinq hommes ne fait aucun doute.

Les procureurs assurent que les accusés ont fourni des preuves solides pendant les interrogatoires menés cette fois par le FBI, la police fédérale, en 2007 après leur arrivée à Guantanamo.

Mais la défense estime que le FBI a participé aux actes de torture de la CIA et également usé de techniques d’intimidation, rendant ses interrogatoires tout aussi douteux.

La reprise du procès intervient alors qu’une cour d’appel militaire a confirmé la décision du juge précédent d’approuver la destruction d’un site d’interrogatoire, considéré par la défense comme un élément de preuve essentiel.

« L’une des questions les plus importantes dans cette affaire est la façon dont la torture subie par ces hommes va influencer le procès », a expliqué James Connell.

« La destruction volontaire de preuves prive la défense et le peuple américain d’informations sur ce qui s’est vraiment passé », a-t-il dit.