(New York) « N’avez-vous pas honte ? »

Haussant le ton, Joe Biden a adressé mardi après-midi cette question à ses « amis républicains du Congrès, des États, des villes et des comtés », lors d’un discours passionné au National Constitution Center, à Philadelphie.

Il les a exhortés à « se lever pour l’amour de Dieu » afin d’aider leurs compatriotes démocrates et indépendants à prévenir « cet effort concerté pour saper nos élections et le droit de vote sacré ».

Mais sa question laissait entendre qu’il ne nourrissait pas un grand espoir d’obtenir leur aide.

« N’avez-vous pas honte ? », a-t-il donc demandé à ces républicains en faisant allusion à leur appui aux législations qui se multiplient dans les États sous le contrôle de leur parti pour restreindre l’accès aux urnes des Noirs, des Latinos et des jeunes, selon leurs critiques.

PHOTO LEAH MILLIS, REUTERS

« Il y a une attaque en cours en Amérique aujourd’hui, une tentative de saper et de subvertir le droit de vote », a déclaré le président des États-Unis, Joe-Biden, à une foule de 300 personnes, mardi à Philadelphie.

La question est poignante. Mais elle en a appelé une autre : Joe Biden en fait-il lui-même assez pour remplir sa promesse électorale de placer le droit de vote au cœur de sa présidence, un de ses engagements les plus importants en tant que candidat présidentiel ?

Son discours de Philadelphie avait sans aucun doute pour but de répondre aux défenseurs des droits civiques et aux démocrates qui lui reprochent sa passivité dans ce dossier. Il aura été servi par une rare éloquence de sa part, à deux pas du bâtiment où ont été signés deux des documents fondateurs des États-Unis : la Déclaration d’indépendance et la Constitution.

« Une attaque contre la démocratie »

« Entendez-moi », a déclaré le président à un auditoire de 300 personnes. « Il y a une attaque en cours en Amérique aujourd’hui, une tentative de saper et de subvertir le droit de vote. Une attaque contre la démocratie, une attaque contre la liberté, une attaque contre ce que nous sommes. »

Et d’ajouter, en faisant référence aux parlementaires et gouverneurs républicains de plusieurs États : « Ils veulent rendre les choses tellement difficiles et incommodes qu’ils espèrent que les gens ne voteront pas. C’est de cela qu’il s’agit. »

Face à ce qu’il a qualifié de « test le plus important de notre démocratie depuis la guerre de Sécession », le chef de la Maison-Blanche a appelé le Congrès à adopter deux projets de loi destinés à réformer le système électoral, dont l’un est à l’examen au Sénat.

Selon leurs promoteurs, ces textes, s’ils étaient promulgués, contrecarreraient les législations adoptées dans au moins 17 États pour compliquer l’accès aux urnes des minorités. Ils faciliteraient l’inscription des électeurs, uniformiseraient le vote par correspondance et rétabliraient la loi de 1965 sur le droit de vote, entre autres.

Mais l’adoption de ces législations est impossible au Sénat, l’une des deux chambres du Congrès, dans l’état actuel des choses. Elle nécessiterait la suspension ou l’abolition d’une règle parlementaire connue sous le nom de filibuster qui permet à une minorité de 41 sénateurs de bloquer la plupart des projets de loi.

Or, Joe Biden n’a pas mentionné cette règle une seule fois au cours de son discours, suscitant la déception chez les défenseurs des droits civiques et les démocrates progressistes.

Une « relique de Jim Crow »

Après le discours auquel il a assisté en personne, le pasteur noir de New York Al Sharpton a soulevé cette question lors d’une brève conversation avec Joe Biden.

« Et il vient de me dire : “Al, nous sommes encore en train de travailler sur ce que nous allons faire. » Il ne s’est pas encore engagé”, a-t-il déclaré aux journalistes sur place.

Les défenseurs des droits civiques et les démocrates progressistes aimeraient que Joe Biden utilise le poids de son influence auprès des sénateurs démocrates qui s’opposent à l’abolition du filibuster. Figurent parmi ce groupe les sénateurs Joe Manchin (Virginie-Occidentale) et Kyrsten Sinema (Arizona).

De toute évidence, le président n’est pas prêt – et ne le sera peut-être jamais – à prôner lui-même l’abolition d’une règle qualifiée en juillet 2020 de « relique de Jim Crow » par Barack Obama.

Joe Biden a lui-même évoqué Jim Crow lors de son discours pour parler des législations républicaines qui rappellent à certains l’ensemble des lois ségrégationnistes des États du Sud.

Il a aussi défendu l’intégrité de l’élection présidentielle de 2020, s’attaquant notamment aux fausses allégations de Donald Trump, dont il n’a pas prononcé le nom.

« Avec recomptage après recomptage, affaire judiciaire après affaire judiciaire, l’élection de 2020 a été la plus scrutée de tous les temps, a-t-il déclaré. Le grand mensonge n’est que cela : un grand mensonge ! »

Dans un communiqué, la directrice des communications du Comité national républicain, Danielle Alvarez, a accusé Joe Biden de propager lui-même des faussetés sur les lois adoptées par les États sous contrôle de son parti.

« Après que les démocrates ont échoué à faire adopter leur tentative de mainmise fédérale sur nos élections, Biden continue ses attaques malhonnêtes contre les efforts marqués au coin du bon sens en matière d’intégrité électorale. »