Le FBI dit avoir mis en échec un complot des services de renseignement iraniens visant à enlever à Brooklyn une journaliste qui avait lancé une campagne mondiale contre le port obligatoire du voile. Selon l’enquête, le même réseau d’espions aurait fait suivre trois dissidents iraniens au Canada au cours de la dernière année.

La journaliste visée à Brooklyn est Masih Alinejad, qui a fui son Iran natal en 2009 parce que ses articles avaient irrité le régime islamiste et que sa sécurité était menacée. Mme Alinejad n’est pas identifiée par son nom dans les documents de cour, mais elle a confirmé à La Presse être la victime dans cette affaire.

Dans un acte d’accusation déposé au tribunal, à New York, un agent du FBI détaille comment un agent des services de renseignement iraniens, Alireza Shavaroghi Farahani, 50 ans, a planifié l’enlèvement avec trois acolytes en Iran et une complice chargée du financement en Californie.

Les comploteurs ont recruté une firme de détectives privés à New York pour faire une surveillance constante de leur cible. Ils ont demandé des vidéos, des photos d’elle et de ses proches, des images de sa résidence et des plaques d’immatriculation des véhicules qui s’y rendaient.

Ils disaient travailler pour une entreprise au Moyen-Orient à qui Mme Alinejad devait de l’argent. La manœuvre visait seulement à la repérer pour lui faire payer une facture, prétendaient-ils.

Le FBI dit avoir accédé aux messages et à l’historique de recherche des membres du groupe en ligne. Ceux-ci auraient ainsi cherché un chemin entre la résidence de Mme Alinejad et le bord de l’eau. Ils auraient magasiné pour des services de bateaux rapides et une voie maritime vers le Venezuela, pays qui entretient de bonnes relations avec leur gouvernement.

PHOTO FOURNIE PAR LE FBI

Alireza Shavaroghi Farahani

Le plan a finalement été mis en échec. Une série d’accusations criminelles ont été portées mardi contre Farahani et trois de ses collaborateurs en Iran, mais comme ils se trouvent hors d’atteinte des autorités américaines, il y a peu de chances qu’ils soient arrêtés. La complice du groupe en Californie, elle, a été arrêtée, mais son rôle est décrit comme secondaire.

Toujours selon l’enquête, des agents iraniens avaient auparavant essayé de convaincre Mme Alinejad de voyager à l’extérieur des États-Unis pour faciliter son enlèvement, mais ils avaient échoué là aussi.

Actifs également au Canada

La déclaration du FBI déposée en cour raconte aussi comment le même réseau d’espionnage iranien a visé trois dissidents critiques du régime de Téhéran sur le sol canadien depuis juin 2020. Le stratagème était encore le même : des détectives privés étaient embauchés sous prétexte qu’une firme de Dubaï avait une créance ou s’était fait voler par certains individus sur le sol canadien.

Les agents iraniens demandaient aux détectives de suivre, de photographier et de filmer leurs cibles, leur résidence et leur lieu de travail. Les enquêteurs privés auraient aussi fait des recherches sur leur emploi, leurs actifs au Canada et leur famille. L’information a été transmise au régime iranien.

Les personnes visées au Canada n’ont pas été identifiées à ce stade-ci dans les documents de cour.

« Toute personne aux États-Unis doit être libre de tout harcèlement, menace ou agression physique par une puissance étrangère », a martelé Mark J. Lesko, responsable du département de la Justice des États-Unis, en annonçant la nouvelle.

Cheveux aux vents

Masih Alinejad a lancé en 2014 le mouvement « My Stealthy Freedom » après avoir affiché sur l’internet une photo d’elle cheveux au vent. La campagne s’est propagée comme une traînée de poudre, et de nombreuses femmes iraniennes lui ont emboîté le pas, provoquant la colère du régime théocratique.

En 2017, elle a lancé une nouvelle campagne, #whitewednesday, pour soutenir les opposantes au port du voile obligatoire.