(New York) La page éditoriale d’un quotidien de New York a dénoncé un « crime contre la démocratie ». Le maire de la Ville a réclamé l’abolition de la commission responsable du fiasco. Et Donald Trump a clamé que tout cela lui donnait raison concernant le trucage électoral.

De quoi parlaient-ils ? Du cafouillage épique entourant la publication des résultats préliminaires de la primaire démocrate pour la mairie de New York.

Le 22 juin dernier, la Ville de New York a recouru pour la première fois au vote préférentiel pour ce scrutin ainsi que d’autres, tenus ce jour-là. Les électeurs démocrates pouvaient donc choisir jusqu’à cinq candidats par ordre de préférence pour succéder à Bill de Blasio, qui doit quitter la mairie après deux mandats.

Eric Adams, président de l’arrondissement de Brooklyn, a fini au premier rang après le dépouillement des voix de premier choix exprimées en personne. Son avance de 10 points de pourcentage sur sa plus proche rivale le plaçait en excellente position pour l’emporter.

PHOTO BRENDAN MCDERMID, REUTERS

Eric Adams lors d’une conférence de presse, le 24 juin

Or, comme il n’avait pas obtenu 50 % des voix de premier choix, le dépouillement des voix s’est poursuivi mardi sous forme de tours, produisant un résultat inattendu. Se voyant attribuer 51,1 % des voix après 11 tours, Eric Adams ne jouissait plus que d’une avance de 2 points de pourcentage sur Kathryn Garcia, ex-responsable municipale sous les maires Bill de Blasio et Michael Bloomberg.

Avec encore plus de 124 000 bulletins de vote par correspondance à dépouiller, il n’était plus impossible que Kathryn Garcia parvienne à combler l’écart de 15 908 voix les séparant désormais.

PHOTO JIM MUSTIAN, ASSOCIATED PRESS

Kathryn Garcia lors d’une conférence de presse, mardi

De nouveaux résultats

Mais la Commission électorale de la Ville de New York avait-elle bien compté les voix ?

Accusée d’incompétence et de népotisme depuis quasiment un siècle, cette instance a surpassé sa mauvaise réputation en commettant une des bourdes électorales les plus bêtes et les plus dommageables dans les circonstances. À 22 h 30 mardi, après plusieurs heures de confusion, elle a avoué avoir ajouté aux bulletins de vote déposés en personne le 22 juin environ 135 000 bulletins de vote fictifs utilisés pour mettre à l’essai son logiciel de dépouillement.

Mercredi, la Commission électorale a présenté de nouveaux résultats préliminaires. Autre surprise : ces résultats ne changent presque rien à ceux qui avaient été publiés mardi. Eric Adams récolte toujours 51,1 % des voix, contre 48,9 % pour Kathryn Garcia. Seule différence importante : l’écart entre les deux candidats a été réduit à 14 755 voix, avec encore plus de 124 000 bulletins de vote à dépouiller.

Autre détail important : Maya Wiley, avocate et militante des droits civiques, a encore des chances de l’emporter, tirant de l’arrière par seulement 347 voix sur Garcia.

PHOTO JEENAH MOON, REUTERS

Maya Wiley lors de la soirée électorale de la primaire démocrate, le 22 juin

Les nouveaux résultats inspireront-ils confiance ? Ça reste à voir. Certains, dont Donald Trump, se feront un plaisir d’entretenir le doute.

« Comme pour l’élection présidentielle de 2020, il a été annoncé [mardi soir] à New York que de vastes irrégularités et erreurs avaient été commises et qu’Eric Adams, malgré une avance presque insurmontable, pourrait ne pas remporter la course », a commenté l’ancien président dans un communiqué publié mercredi matin. « Le fait est que, sur la base de ce qui s’est passé, personne ne saura jamais qui a vraiment gagné. »

Dans un éditorial parlant de « crime contre la démocratie », le Daily News a comparé la gaffe des responsables de la Commission électorale aux « mensonges » de Rudolph Giuliani et Donald Trump.

« Par leur ineptie, ils ont semé plus de confusion et de méfiance dans la plus grande ville d’Amérique que les mensonges de Rudy Giuliani et de Donald Trump ne pourraient jamais le faire. Virez-les. Virez-les tous. »

Trois candidats optimistes

En attendant, les trois candidats ayant récolté le plus de voix ont dit avoir bon espoir de pouvoir l’emporter.

« Il y a encore des bulletins de vote par correspondance à compter qui, selon nous, favorisent Eric », a déclaré un porte-parole de l’équipe de campagne du meneur, un message semblable à celui que Kathryn Garcia a publié.

« Cette élection est encore loin d’être terminée », a déclaré de son côté Maya Wiley dans un communiqué, tout en décrivant comme une « débâcle » l’erreur commise par la Commission électorale mardi.

Ce n’est pas la première fois que cette commission fait l’objet de critiques. En 1940, une enquête de la Ville révélait déjà qu’elle était rongée par « l’illégalité, l’inefficacité, le laxisme et le gaspillage ».

La situation ne s’est pas vraiment améliorée. En 2016, la Commission a purgé par erreur le nom d’environ 200 000 New-Yorkais habilités à voter de la liste électorale. L’an dernier, elle a envoyé à la mauvaise adresse environ 100 000 bulletins de vote à des électeurs qui souhaitaient voter par correspondance.

Le maire Bill de Blasio a appelé mercredi les parlementaires de l’État de New York à abolir la Commission et à la remplacer par une instance dirigée par des professionnels apolitiques.

Mais les parlementaires qui siègent à Albany, capitale de l’État, résistent depuis des décennies à l’élimination de l’un des derniers vestiges du favoritisme à New York.