(Washington) Les républicains ont bloqué mardi au Sénat américain un projet démocrate de réforme électorale, exposant de profondes divisions autour de questions cruciales pour la démocratie : le droit de vote et les différents modes d’accès aux urnes, au cœur des contestations du résultat de la présidentielle par Donald Trump.

La gigantesque réforme électorale proposée par les démocrates prévoit notamment d’élargir les possibilités de s’inscrire sur les listes électorales, y compris le jour du scrutin, d’obliger les États à permettre le vote par anticipation, d’exiger plus de transparence sur les financements de campagne, ainsi qu’auprès du président des États-Unis, en l’obligeant à révéler ses déclarations d’impôts.  

Et après des négociations avec le seul sénateur démocrate qui s’opposait à certains points du texte, le conservateur Joe Manchin, le texte prévoit aussi l’obligation pour les électeurs de présenter des preuves d’identité. Cette mesure est dénoncée par certains comme discriminatoire, dans ce pays où les cartes d’identité ne sont pas obligatoires.

C’est un simple vote de procédure, mais chargé de symbolique, qui a exposé ces clivages.

« Coup de force » ?

Tous les républicains présents dans l’hémicycle se sont opposés à l’ouverture même des débats sur le vaste projet démocrate de réforme électorale, renvoyant, pour l’instant au moins, ce texte aux oubliettes.

« Coup de force » démocrate pour s’emparer du pouvoir ou rempart pour lutter contre la tentative « coordonnée » républicaine de restreindre le droit de vote ?

Les deux chefs de partis au Sénat se sont renvoyé mardi leurs visions de ce projet de loi, présenté dans un pays encore sous le choc de l’assaut meurtrier du Capitole par des partisans de Donald Trump qui niaient, comme lui, la victoire de Joe Biden.  

Le nouveau président américain soutenait ce projet, nécessaire selon lui pour contrer les attaques « absolument sans précédent » contre le droit de vote des minorités.  

« Malheureusement, une initiative démocrate pour protéger notre démocratie a fait face à un mur d’opposition de la part des républicains », a déploré Joe Biden dans un communiqué mardi soir, ajoutant que « la lutte [était] loin d’être terminée ».

« La démocratie est en danger, ici en Amérique », avait insisté plus tôt dans la journée la Maison-Blanche dans un communiqué.  

Autre signe de l’importance que l’administration Biden accordait à cette initiative, c’est sa vice-présidente Kamala Harris qui a présidé le vote.  

« Le grand mensonge de Donald Trump s’est répandu comme un cancer » chez les républicains, avait tonné plus tôt dans l’hémicycle le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer.

Ce « mensonge », les multiples accusations de fraudes électorales que l’ex-président républicain a lancées à propos de la présidentielle de 2020.

Conséquence de la pandémie, davantage d’alternatives pour déposer son bulletin – vote anticipé, par correspondance, avec des délais parfois étendus, ou des urnes accessibles dans la rue – avaient alors été autorisées.

Élection « truquée »

Toutes les accusations de tricheries massives ont été rejetées, y compris par des juges nommés sous l’administration Trump.

Mais cinq mois après avoir quitté la Maison-Blanche, le milliardaire n’a toujours pas reconnu explicitement la victoire de Joe Biden. « L’élection présidentielle de 2020 était truquée ! », a-t-il encore écrit mardi.

Pour, disent-ils, empêcher que ces fraudes supposées ne se répètent, une quinzaine d’États dirigés par des républicains ont promulgué, depuis le début de l’année, des lois électorales restrictives. Et quelque 400 projets de loi ont été présentés.

Selon Chuck Schumer, il s’agit de « la plus vaste initiative pour restreindre le vote depuis au moins 80 ans », à l’époque de la ségrégation raciale.

Quant au chef des sénateurs républicains Mitch McConnell, le projet de réforme n’est qu’une « tentative » des démocrates « de faire pencher toutes les élections américaines en leur faveur pour toujours ». « Une prise de contrôle fédérale des élections qui divise », a renchéri Mitt Romney.

M. McConnell a aussi dénoncé ceux qui, chez les démocrates, appellent à pulvériser la règle exigeant 60 voix pour surmonter les votes de procédure, avant de parvenir au vote final à majorité simple (51).

Une option qui reste toutefois très improbable à ce jour, puisque plusieurs démocrates s’y opposent aussi.  

Sans dévoiler comment il espérait surmonter l’opposition républicaine, Chuck Schumer a juré après l’échec du vote, d’« étudier toutes » les voies qui permettraient de parvenir à un vote sur le sujet.