(Washington) Le gouvernement de Joe Biden a promis mardi de défendre les droits humains « partout » dans le monde, y compris chez les partenaires des États-Unis, en marquant la rupture avec la diplomatie sélective et « silencieuse » de Donald Trump.

« La tendance pour les droits humains continue d’aller dans la mauvaise direction » dans « toutes les régions du monde », a déploré le secrétaire d’État Antony Blinken en présentant le rapport annuel de la diplomatie américaine sur le sujet.

Il a particulièrement insisté sur « le génocide commis contre les Ouïghours majoritairement musulmans » dans la région chinoise du Xinjiang et sur la répression des forces armées birmanes contre les manifestants opposés au coup d’État de février. Mais il a aussi évoqué les « arrestations d’opposants » en Russie, la « violence contre les manifestants en Biélorussie », les « abus infligés aux habitants du Yémen », les « atrocités » dans la région éthiopienne du Tigré, ou encore les « exécutions, disparitions forcées et actes de torture commis par le régime syrien ».

Il n’a en revanche annoncé aucune nouvelle mesure punitive, alors que les sanctions imposées pour l’instant à la Chine ou à la Birmanie, par exemple, n’ont pas permis d’obtenir le moindre résultat (sauf des contre-sanctions de Pékin).

« Nous utiliserons tous les outils de notre diplomatie pour défendre les droits humains et tenir pour responsables ceux qui perpètrent des abus », a toutefois prévenu Antony Blinken, précisant que Washington tenterait toujours de mener des actions « à l’unisson » avec ses alliés, comme récemment contre la Russie, la Birmanie ou la Chine.

Surtout, il a assuré que l’administration Biden s’opposerait aux « violations des droits humains partout où elles se produisent et sans se soucier de savoir si les responsables sont des adversaires ou des partenaires ».

« Certains affirment que les États-Unis ne doivent pas prendre la peine de défendre avec force les droits humains, ou que nous ne devrions souligner les abus que dans certains pays », a-t-il expliqué.

« Pas de hiérarchie »

« Trop souvent ces dernières années », les « défenseurs des droits humains n’ont entendu que le silence de notre part », a-t-il poursuivi, dans une attaque contre la politique étrangère de son prédécesseur Mike Pompeo, avant de marteler : « Nous ne resterons pas silencieux ».

Depuis son arrivée au pouvoir en janvier, le gouvernement démocrate a de fait tenté de montrer qu’il plaçait vraiment les droits humains au cœur de sa diplomatie, n’hésitant pas à dénoncer plusieurs décisions d’un pays allié comme la Turquie. Comme chaque année, le rapport annuel sur les droits humains énumère aussi des dérives chez d’autres partenaires-clés de Washington comme l’Égypte, l’Inde ou l’Arabie saoudite.

Mais lors d’un de ses premiers tests en la matière, le président Biden a aussi montré qu’il pouvait être rattrapé par d’autres exigences : s’il a publié comme promis le rapport du renseignement américain qui accuse ouvertement le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane d’avoir « validé » l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, il n’est pas allé jusqu’à sanctionner directement ce puissant dirigeant du royaume pétrolier. Une concession à la « realpolitik » qui a déçu de nombreuses personnalités démocrates, et pas seulement au sein de l’aile gauche.

Le nouveau président s’est néanmoins nettement démarqué de son prédécesseur républicain, qui avait refusé de mettre en cause publiquement le prince « MBS » et qui, plus largement, n’a jamais fait des droits humains une priorité.

Antony Blinken a d’ailleurs critiqué l’ancien gouvernement de Donald Trump, et plus particulièrement Mike Pompeo, un fervent chrétien évangélique qui avait mis l’accent sur certains droits « inaliénables », notamment la liberté de religion, au détriment des droits des minorités sexuelles et du droit à l’avortement.  

Cet ultraconservateur avait créé une « commission des droits inaliénables » au sein du département d’État, que son successeur a démantelée.

« Il n’y a pas de hiérarchie qui rende certains droits plus importants que d’autres », a affirmé le secrétaire d’État, qui a fait de la défense des minorités sexuelles un axe fort de sa diplomatie, en assurant avoir « tourné la page de ces opinions partiales ».

Comme sous Trump, la diplomatie américaine ne qualifie pas la Cisjordanie de territoire « occupé »

Le gouvernement américain de Joe Biden s’est abstenu, dans son rapport annuel sur les droits humains publié mardi, de parler explicitement de la Cisjordanie comme d’un « territoire occupé » par Israël, une formulation abandonnée sous la présidence de Donald Trump.

La section du rapport qui était consacrée jusqu’au début du mandat de l’ex-président républicain à « Israël et les Territoires occupés » est intitulée cette année « Israël, Cisjordanie et Gaza ».

Le changement sémantique est intervenu à partir du rapport publié en 2018. La plupart des observateurs y ont vu la volonté de l’administration Trump d’aller dans le sens de l’État hébreu, une interprétation confirmée par la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan pris à la Syrie, puis par la décision de ne plus considérer les colonies israéliennes en Cisjordanie comme contraires au droit international.

Solution des deux États

Le premier rapport sur les droits humains présenté sous la présidence de Joe Biden — qui porte toutefois sur 2020 — était donc attendu pour voir s’il revenait à la formulation antérieure. Le nouveau président américain défend en effet la solution dite à deux États, israélien et palestinien, et s’est démarqué en partie de la politique de son prédécesseur.

À défaut de revenir à l’appellation « territoires occupés », le département d’État américain a inséré un paragraphe expliquant que les mots utilisés « ne traduisent pas une position sur aucune des questions liées au statut final devant être négociées par les parties au conflit, notamment les frontières spécifiques de la souveraineté israélienne à Jérusalem, ou les frontières entre Israël et un futur État palestinien ».

« Cette section du rapport couvre Israël », « ainsi que le plateau du Golan et les territoires de Jérusalem-Est qu’Israël a occupés pendant la guerre de juin 1967 », affirment ses auteurs. « Les États-Unis ont reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël en 2017 et la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan en 2019 », ajoutent-ils, sans revenir sur ces décisions.

Interrogée sur le choix de ne pas revenir aux formulations d’avant 2017, Lisa Peterson, chargée des droits humains au département d’État, a expliqué que les diplomates américains avaient préféré s’en tenir à nouveau aux dénominations strictement géographiques.

« C’est conforme à nos pratiques générales. Nous pensons aussi que c’est plus clair et plus utile pour les lecteurs qui recherchent des informations sur les droits humains dans ces zones », a-t-elle dit devant des journalistes.