(New York) « On veut affirmer notre présence, pour que ceux qui veulent commettre un délit y réfléchissent à deux fois » : face à la recrudescence d’attaques contre des personnes d’origine asiatique et les meurtres d’Atlanta du 15 mars, des volontaires se mobilisent pour les protéger, à New York comme dans d’autres métropoles américaines.

Richard Lee, ex-policier de 42 ans, est responsable d’une « patrouille de sécurité publique » qui depuis lundi sillonne le quartier de Flushing le soir, dans le district de Queens, afin de rassurer ses nombreux résidents d’origine asiatique.

Grâce aux réseaux sociaux et au bouche-à-oreille, Kenny Li, nommé vice-président de la patrouille, a rapidement recruté plus de 240 bénévoles en tout genre – serveurs, employés de bureau, avocats… Jamais formés aux techniques d’auto-défense pour la plupart, ils veulent quand même se rendre utiles.

« Évitez tout contact physique », leur explique Richard Lee. « On ne sait pas quelles armes ils ont sur eux. Notre boulot, c’est d’être les yeux et les oreilles de la police new-yorkaise. »

Les bénévoles se voient remettre tracts en anglais et chinois à distribuer pour expliquer leur mission, talkie-walkie et sifflets : ces derniers doivent permettre, en cas de pépin, d’attirer l’attention de la police, qui a également renforcé ses patrouilles dans les quartiers à forte population asiatique.

« Grâce à eux, je me sens rassurée quand je sors faire mes courses pour soutenir les magasins de la communauté », confie à l’AFP Mandy Yong, 52 ans, employée dans un restaurant.

Mettre fin aux « stéréotypes »

La plupart des bénévoles ont des origines asiatiques, mais pas tous.

Témoin de l’émoi suscité par les meurtres d’Atlanta, German Perez, un mécanicien originaire du Mexique, a lui aussi rejoint la patrouille après l’avoir croisée dans les rues.

« Notre couleur de peau n’est peut-être pas la même, on ne parle pas la même langue, mais je pense que nous sommes tous égaux. On est globalement tous venus dans ce pays pour les mêmes raisons », dit cet homme de 47 ans.

Hua Tong, 42 ans, employée comme la plupart des victimes d’Atlanta dans un salon de beauté, dit s’être engagée pour mettre fin aux stéréotypes qui présentent les femmes asiatiques comme « soumises ».

« C’est à nous de prendre en charge notre protection. Il faut qu’on se fasse entendre », dit-elle en mandarin, via un interprète.

Selon un récent rapport du Centre d’études sur la haine et l’extrémisme de l’université d’État de San Bernardino, en Californie, les attaques anti-asiatiques ont presque triplé en 2020, passant de 49 à 122 incidents recensés dans 16 métropoles américaines, alors même que les autres crimes haineux baissaient eux de 7 %.

Notamment à l’origine de cette flambée, selon les observateurs, les propos de l’ex-président Donald Trump, qui n’a cessé, jusqu’à son départ de la Maison-Blanche en janvier, de qualifier la COVID-19 de « virus chinois » ou « peste chinoise ».  

New York compte plus d’un million d’habitants aux origines asiatiques. Rien que le week-end dernier, la police new-yorkaise a recensé cinq nouveaux incidents soupçonnés d’avoir été motivés par du racisme anti-asiatique.

Plusieurs manifestations ont eu lieu ces derniers jours pour dénoncer les violences, en présence notamment de candidats à l’élection municipale de novembre. Beaucoup dénonçaient les stéréotypes visant une communauté réputée homogène, souvent qualifiée de « modèle d’immigration » et de discrétion.

Au-delà des patrouilles qui se sont constituées à New York, Oakland ou San Francisco, des membres de la communauté asiatique sont de plus en plus nombreux à se mobiliser pour lever des fonds ou mettre en place des services d’escortes pour accompagner les personnes âgées pendant leurs sorties.

« Nous ne pouvons plus rester silencieux », dit Richard Lee.