(Boulder) L’homme de 21 ans qui est soupçonné d’avoir ouvert le feu dans un supermarché bondé du Colorado avait acheté un fusil d’assaut moins d’une semaine avant l’attaque qui a fait dix morts, dont un policier.

Les employés du supermarché ont raconté aux enquêteurs qu’Ahmad Al Aliwi Alissa avait tiré sur un homme âgé à plusieurs reprises à l’extérieur de l’épicerie de Boulder avant d’entrer, selon des documents judiciaires. Une autre personne a été retrouvée abattue dans un véhicule à côté d’une voiture immatriculée au nom du frère du suspect.

Les documents n’indiquaient pas où l’arme avait été achetée.

Interdiction suspendue la semaine dernière

La ville de Boulder avait décrété une interdiction sur les « armes de type fusil d’assaut » et les chargeurs à grande capacité après une fusillade dans une école secondaire de Parkland (17 morts), en Floride en 2018, rapporte l’Agence France-Presse.

Mais selon le journal Denver Post, un juge a suspendu cette interdiction la semaine dernière, une décision saluée par la National Rifle Association (NRA), le premier lobby des armes.

Les autorités ont indiqué que M. Alissa était originaire de la banlieue de Denver, à Arvada, et qu’il avait échangé des coups de feu avec la police lundi après-midi à l’intérieur du magasin. Le suspect était soigné dans un hôpital et devait être incarcéré dans la prison du comté plus tard dans la journée.

Les enquêteurs n’ont pas établi de mobile, mais les autorités croient qu’il était le seul tireur, a affirmé le procureur du district du comté de Boulder, Michael Dougherty.

Fusil d’assaut AR-15

Un responsable des forces de l’ordre informé de la fusillade a indiqué à l’Associated Press que le tireur avait utilisé un fusil AR-15, un fusil d’assaut semi-automatique. Les autorités essayaient de retracer l’arme. Le responsable n’était pas autorisé à parler publiquement et s’est entretenu avec l’AP sous le couvert de l’anonymat.

L’attaque a poussé des clients du magasin et des employés terrorisés à se mettre à l’abri. Il s’agit de la fusillade de masse la plus meurtrière du pays depuis une attaque en 2019 contre un Walmart à El Paso, au Texas, où un homme armé a tué 22 personnes dans une tuerie qui, selon la police, visait des Mexicains.

Des centaines de policiers de toute la région de Denver ont répondu à l’attaque, convergeant vers un supermarché King Soopers dans un centre commercial très fréquenté.

Maladie mentale

La famille du suspect a confié aux enquêteurs qu’elle pensait que M. Alissa souffrait d’une maladie mentale, incluant des délires. Des proches ont décrit des moments où le suspect leur a dit que des gens le suivaient ou le pourchassaient, ce qui, selon eux, pourrait avoir contribué à la violence, a déclaré le responsable à l’AP.

Des officiers de l’escouade tactique portant des boucliers balistiques se sont lentement approchés du magasin alors que d’autres escortaient des personnes effrayées loin du bâtiment. Les clients et les employés ont fui par un quai de chargement arrière pour se mettre en sécurité. D’autres se sont réfugiés dans les commerces à proximité.

« C’est une tragédie et un cauchemar pour le comté de Boulder, a soutenu M. Dougherty. C’étaient des gens qui vivaient leur journée, faisaient leurs courses. Je promets aux victimes et aux habitants de l’État du Colorado que nous obtiendrons justice. »

Le chef de la police de Boulder, Maris Herold, a affirmé que le policier tué était Eric Talley, âgé de 51 ans, qui faisait partie du service depuis 2010. Il a été le premier à arriver sur les lieux.

Ce qu'on sait d'Ahmad Alissa

Le visage poupin d’Ahmad Alissa, 21 ans, sur une photo non datée diffusée mardi par la police, contraste avec les images de son arrestation, où l’auteur présumé de la fusillade meurtrière dans le Colorado apparaît la jambe ensanglantée, pieds nus, encadré par deux policiers. Voici ce que l’on sait de lui.

Mobile encore inconnu

Ahmad Alissa, arrêté lundi après-midi et suspecté d’avoir ouvert le feu dans un supermarché de Boulder, a été blessé à la jambe lors d’un « échange de tirs » et emmené à l’hôpital, a précisé mardi Maris Herold, cheffe de la police de la ville, ajoutant que son état était désormais « stable ».

Il a été incarcéré mardi en début d’après-midi, selon la prison du comté de Boulder.

M. Alissa a été inculpé de 10 meurtres, mais son mobile reste inconnu. Selon des médias américains, il était équipé d’un fusil d’assaut AR-15, une arme souvent utilisée dans des tueries.

D’autres armes auraient été retrouvées à son domicile, d’après CNN.

Fan d’arts martiaux et d’informatique

Résident d’une banlieue de Denver, ville voisine de Boulder, Ahmad Alissa a « passé la majeure partie de sa vie aux États-Unis », d’après la police.

Selon des médias américains, citant un compte Facebook à son nom, non authentifié et depuis supprimé, Ahmad Alissa est né en Syrie en 1999, avant d’arriver aux États-Unis en 2002.

L’utilisateur du compte se décrivait comme un fan d’arts martiaux et de lutte, étudiant l’ingénierie informatique dans une université locale.

Parmi ses nombreuses publications, Ahmad Alissa avait notamment partagé des préceptes musulmans, des critiques de Trump, et quelques messages homophobes.

Paranoïaque et « brimé » au secondaire

Se disant « vraiment désolé » pour les victimes, son frère, interviewé par le Daily Beast, a dressé le portrait d’un jeune homme « paranoïaque » et « asocial ».

« Alors qu’il déjeunait au restaurant avec ma sœur, il a dit “il y a des gens dans le stationnement, ils me cherchent”. Elle est sortie, et il n’y avait personne. Nous ne savions pas ce qui se passait dans sa tête », a-t-il affirmé.

À l'école secondaire, il avait la sensation « d’être poursuivi, que quelqu’un était derrière lui, que quelqu’un le cherchait », a-t-il ajouté.

Dans des publications du compte Facebook au nom d’Ahmad Alissa, repris par Newsweek, l’auteur dit croire que son téléphone a été « piraté » « par son ancienne école », et par des « personnes racistes et islamophobes ».

Le frère d’Ahmad Alissa a dit ne pas croire qu’il ait commis cet acte pour un motif politique, mais plutôt à cause « d’une maladie mentale ».

Auparavant « sociable », le tireur présumé aurait changé de comportement après avoir été « brimé » à l'école secondaire.

Antécédents de violence

C’est aussi à la période du secondaire que remontent ses premiers antécédents judiciaires. D’après la télévision locale KDVR, Ahmad Alissa a été arrêté en 2017, après avoir frappé à la tête un de ses camarades de classe.

Pour justifier son acte, M. Alissa, alors âgé de 18 ans, aurait affirmé que la victime s’était « moqué de lui » et lui aurait adressé « des insultes racistes dans les semaines précédentes ».

En 2018, toujours selon KDVR, M. Alissa a plaidé coupable d’agression dans le cadre de cette affaire.