(Washington) Soutenus par Joe Biden, enhardis par leur contrôle du Congrès, les démocrates ont renforcé lundi leur campagne pour donner le statut d’État à la capitale fédérale Washington, un objectif qui pourrait bouleverser l’équilibre du pouvoir aux États-Unis.  

« Avec les démocrates aux commandes à la Chambre, au Sénat et à la Maison-Blanche, nous n’avons jamais été aussi près du statut d’État » pour Washington, a affirmé Eleanor Holmes Norton, qui représente la ville à la Chambre des représentants, lors d’une audition très attendue.

Puisque la Capitale fédérale n’est pas un État, cette parlementaire n’a qu’un statut d’observatrice et ne peut pas voter au Congrès.

Y compris sur les textes qui concernent directement ses électeurs, comme celui qui était débattu lundi en commission : un projet de loi qui ferait de Washington le 51e État américain.  

Les démocrates dénoncent une atteinte aux droits fondamentaux de ses habitants, et le mécontentement est même inscrit à Washington sur les plaques d’immatriculation officielles : « Taxation without representation » (les impôts sans les élus).  

Ses plus de 700 000 habitants payent leurs impôts fédéraux — plus par personne que tout autre État américain, insistent les démocrates —, sont enrôlés sous les drapeaux et peuvent voter aux élections présidentielles. Mais ils n’ont pas de voix au Congrès.  

En juin 2020, la Chambre avait déjà approuvé un projet de loi pour donner à Washington le statut d’État. Une première historique obtenue grâce aux seules voix des démocrates.  Et restée lettre morte au Sénat, alors contrôlé par les républicains.

En devenant un État, Washington obtiendrait deux sénateurs et un représentant doté du droit de vote à la Chambre.  

Une perspective qui hérisse les républicains, puisque la ville est à une écrasante majorité démocrate : 92 % de ses habitants ont voté pour Joe Biden en novembre.  

« Cette audition n’a qu’un objectif : créer deux nouveaux sièges démocrates au Sénat », a affirmé lors de l’audition un élu républicain, James Comer.  

Les républicains rappellent en outre que le statut spécifique du « district de Columbia » a été différencié car il abrite les sièges du pouvoir fédéral, afin d’éviter qu’il soit « influencé par un État ».

Lors de la création des États-Unis au 18e siècle, les « pères fondateurs » avaient en effet souhaité établir le siège du gouvernement fédéral en dehors des 13 premiers États pour éviter les conflits. La Constitution a donc prévu la création d’un « district », en 1790, directement rattaché au pouvoir central.

C’est en raison de ce statut unique que les résidents de Washington n’ont pas d’élus qui votent au Congrès.  

« Réprimer » le vote des Noirs

Pour la puissante organisation de défense des droits civiques ACLU, priver Washington d’une voix au Congrès revient à « réprimer le pouvoir politique des personnes noires », puisque 46 % de ses habitants sont des Afro-Américains.  

La maire de Washington Muriel Bowser a renchéri que le statut de la ville résultait notamment « des tentatives racistes de miner une ville noire qui grandissait et prospérait », en l’empêchant de voter au Congrès.  

Washington « serait l’État avec le plus grand pourcentage de Noirs du pays », a souligné la démocrate Ayanna Pressley, pendant l’audition.

Cela fait des décennies que des élus se battent pour donner le statut d’État à Washington.  

Mais « il y a désormais un réel élan de soutien pour cette initiative », a déclaré lors de l’audition l’élue démocrate qui présidait les débats, Carolyn Maloney.  

Un sondage, du centre « Data For Progress » montrait en février qu’une majorité des électeurs américains (54 %) estimaient que Washington devrait devenir un État, un niveau record.  

Le président démocrate Joe Biden soutient cette initiative, car il estime que ses habitants « méritent d’être représentés », a souligné la Maison-Blanche.

L’adoption du nouveau projet de loi est « garantie » à la Chambre, contrôlée par les démocrates, selon Eleanor Holmes Norton, même si aucune date n’a encore été fixée. Son passage au Sénat apparaît toutefois compliqué.

Les démocrates y disposent d’une très courte majorité, mais auraient besoin de dix républicains pour pouvoir autoriser un vote sur ce texte.