(Washington) « Donald J. Trump ne va pas disparaître ! » : c’est devant un public conquis d’ultra-conservateurs rêvant de le voir rester en politique que l’ex-président prendra dimanche la parole, pour la première fois depuis qu’il a quitté la Maison-Blanche.  

Mais loin du CPAC, la grand-messe des conservateurs américains qui s’est ouverte vendredi à Orlando, en Floride, le parti républicain affiche des divisions béantes depuis l’assaut meurtrier du Capitole.     

Chez ses alliés et ses opposants, une même question résonne : le milliardaire de 74 ans annoncera-t-il dimanche qu’il se présente à nouveau en 2024 ?

Sans doute pas directement, ont indiqué les organisateurs, mais le tribun devrait bien flirter ouvertement avec cette idée.

Pour son premier discours depuis le 20 janvier, l’homme d’affaires parlera de « l’avenir du parti républicain et du mouvement conservateur », a indiqué à l’AFP son entourage. Il devrait aussi parler d’immigration et « des politiques désastreuses » de son successeur démocrate Joe Biden sur ce dossier.  

Après quatre ans de mandat Trump, les républicains ont perdu le contrôle du Congrès et de la Maison-Blanche. Et c’est un ex-président marqué de la tache infamante d’une mise en accusation (« impeachment ») pour incitation à l’insurrection dans l’attaque du Capitole qui prendra la scène.

Pourtant, sa popularité reste immense dans son camp.  

« Il y a beaucoup de gens à Washington qui voudraient juste effacer les quatre dernières années » de son mandat, a lancé le sénateur Ted Cruz lors d’un discours enflammé vendredi.  

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Le sénateur Ted Cruz

« Et bien laissez-moi vous dire quelque chose : “ Donald J. Trump ne va pas disparaître ! ” ».  

Le sénateur parlait sans masque sur scène, devant un public où peu en portaient. Au point que les organisateurs ont lancé un rappel à l’ordre.  

« Liberté », ont rétorqué des participants, entre des huées.

Pas de retour « en arrière »

Chez ces pro-Trump convaincus, un même message résonnait : pas question de tourner le dos au milliardaire.  

« Nous ne retournerons pas en arrière vers les années d’échec de l’establishment républicain », a affirmé le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis.

Ses alliés le martèlent depuis son départ de la Maison-Blanche : si les républicains suivent, unis, la voie de Donald Trump, ils auront une chance de reprendre le Congrès en 2022.

Mais « si nous nous disputons, nous perdrons », a mis en garde le sénateur Lindsey Graham.  

Les divisions sont pourtant bien là, et s’exposent parfois spectaculairement.  

Donald Trump doit-il parler à CPAC ? « Oui », avait répondu mercredi aux journalistes le dirigeant de la minorité républicaine Kevin McCarthy, sans hésiter.

Derrière lui, Liz Cheney, porte-voix des républicains anti-Trump depuis son vote en faveur de la mise en accusation du milliardaire, a lâché : « Je ne pense pas qu’il devrait jouer un rôle dans l’avenir de notre parti, ou du pays ».  

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Le dirigeant de la minorité républicaine à la Chambre Kevin McCarthy et Liz Cheney

Puis chacun est parti de son côté.  

« Déconnexion »

Dix républicains, sur 211 siégeant à la Chambre, ont voté avec les démocrates l'« impeachment » de Donald Trump, accusé d’avoir encouragé ses partisans à prendre d’assaut le Capitole le 6 janvier.  

L’ex-président a finalement été acquitté lors de son procès au Sénat, mi-févier. Fait historique, sept républicains ont voté en faveur de sa condamnation.  

Mais même parmi ses plus grands critiques, on reste conscient de sa force électorale.  

À l’image de Mitt Romney. Si l’ex-président se représente en 2024, « je suis assez convaincu qu’il remportera la nomination du parti », a confié le sénateur républicain au New York Times DealBook DC Policy Project.  

Bête noire de Donald Trump, ce dernier n’a pas été invité au CPAC. Le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, qui a déclaré le milliardaire « responsable » de l’attaque du Congrès, non plus. Quant à son ancien vice-président Mike Pence, il a décliné l’invitation.  

« Il y a une déconnexion entre le parti républicain à Washington et la base, toujours fidèle à Trump », explique à l’AFP John Feehery, ancien communicant pour de hauts responsables républicains du Congrès, aujourd’hui lobbyiste.

D’autres républicains pourraient bien entendu se présenter en 2024, comme les sénateurs Josh Hawley, Tom Cotton, la gouverneure du Dakota du Sud Kristi Noem ou l’ex-ambassadrice à l’ONU Nikki Haley.  

« Mais Trump dispose du plus puissant porte-voix et de la plus vaste base de soutien » aujourd’hui, souligne-t-il.

À moins qu’il ne quitte la politique, Donald Trump dominera encore le parti en 2024, prédit John Pitney Jr, professeur de politique américaine à l’université Claremont McKenna College.  

« Les républicains savent que rompre avec Trump a un coût politique et la plupart ne sont pas prêts à payer ce tribut ».