(Washington) Les Américains sont aussi divisés que le Sénat sur le processus de destitution contre Donald Trump, selon un nouveau sondage.

Un sondage en ligne mené par la firme Léger le mois dernier pour l’Association d’études canadiennes révèle que 49 % des répondants américains appuyaient la destitution.

En revanche, 40 % des personnes interrogées étaient contre, et 11 % ont répondu qu’elles ne savaient pas.

Une scission similaire existe au Sénat, où l’ancien président sera jugé dès mardi pour un seul chef d’incitation à l’insurrection.

Le procès d’une semaine ne devrait pas se terminer par une condamnation, qui nécessiterait l’appui des deux tiers des 100 sénateurs.

Les sondages en ligne ne peuvent pas se voir attribuer une marge d’erreur, car ils n’échantillonnent pas la population au hasard.

Le processus de destitution contre Donald Trump a commencé le 13 janvier, quelques jours après que des partisans en colère eurent assiégé le Capitole pendant que les législateurs certifiaient la victoire électorale du président Joe Biden.

Il est le premier président à faire l’objet de deux processus de destitution.

Une démarche inconstitutionnelle ?

Donald Trump ne sera pas là en personne, mais ses avocats sont prêts à faire valoir que le procès est inconstitutionnel parce qu’il n’est plus le commandant en chef.

Mais ils ont tort, a soutenu l’éminent avocat conservateur Chuck Cooper dans le Wall Street Journal — une opinion que le sénateur Chuck Schumer, le chef des démocrates au Sénat, s’est senti obligé de mentionner lundi.

« Au cours des dernières semaines, la droite politique a cherché une zone de sécurité, un moyen de s’opposer à la condamnation de Donald Trump sans porter de jugement sur sa conduite », a-t-il déclaré.

« La vérité est qu’il n’existe pas de telle zone. »

La condamnation au Sénat serait suivie d’un deuxième vote sur la possibilité d’interdire à M. Trump de briguer à nouveau la présidence.

Parmi les répondants américains au sondage, 54 % ont dit qu’ils seraient d’accord d’interdire à M. Trump de se présenter en 2024, tandis que 39 % jugent qu’il devrait pouvoir déposer sa candidature.

Les Canadiens optimistes

Le sondage de Léger a aussi interrogé les Canadiens sur l’ère Trump, et leurs réponses suggèrent qu’ils sont prêts à tourner la page.

Environ 61 % des 1559 répondants canadiens s’attendent à ce que les relations canado-américaines s’améliorent sous la présidence Biden, alors que 15 % ont dit le contraire.

Treize % des répondants ne s’attendent à aucun changement, et 11 % ont dit qu’ils ne savaient pas.

Le sondage a été mené au cours de la dernière semaine de janvier, après que le président Biden eut signé un décret annulant l’expansion de l’oléoduc Keystone XL.

Parmi les répondants qui anticipent une détérioration des relations, 38 % provenaient de l’Alberta, et 25 % étaient du Manitoba et de la Saskatchewan.

Par ailleurs, 43 % des Américains qui se sont fait poser la même question s’attendaient à une amélioration des relations, comparativement à 28 % qui anticipaient un recul.

PHOTO JOSHUA ROBERTS, REUTERS

À quoi s’attendre lors du 2e procès de Trump ?

Le deuxième procès en destitution de l’ancien président Donald Trump, un évènement sans précédent, obligera le Sénat à décider s’il doit être reconnu coupable d’incitation à l’insurrection, après qu’une foule de ses partisans en colère eut attaqué le Capitole le 6 janvier.

Si on s’attend à ce que M. Trump soit acquitté, les démocrates espèrent quand même aller chercher quelques votes républicains en associant les gestes de M. Trump à une description de l’émeute qui a fait cinq morts. La Chambre des représentants avait destitué M. Trump une semaine plus tard, le 13 janvier.

Les avocats de M. Trump prétendent que le procès ne devrait même pas avoir lieu puisque l’ancien président n’est plus qu’un simple citoyen. Ils affirment qu’il n’a pas incité à la violence quand il a demandé à ses partisans de se « battre comme des démons » pour renverser sa défaite.

Voici quelques éléments fondamentaux du procès en destitution.

COMMENT LE PROCÈS FONCTIONNE-T-IL ?

Comme prévu par la Constitution, la Chambre vote pour destituer et le Sénat organise ensuite un procès. Les deux tiers des sénateurs présents doivent voter en faveur de la destitution du président.

La Chambre a nommé neuf « gérants » pour présenter la cause contre M. Trump devant le Sénat. L’équipe de M. Trump disposera d’un temps égal pour le défendre.

Le juge en chef de la Cour suprême des États-Unis supervise habituellement le procès d’un président. Comme M. Trump n’est plus au pouvoir, le procès sera présidé par le sénateur démocrate du Vermont Patrik Leahy. M. Leahy est le sénateur le plus ancien du parti majoritaire.

Au moment du vote, chaque sénateur se lèvera pour annoncer sa décision : coupable ou non coupable.

COMBIEN DE TEMPS DURERA LE PROCÈS ?

Probablement plus d’une semaine.

L’entente entre les leaders du Sénat accorde jusqu’à 16 heures à chaque camp pour présenter sa position, à compter de mercredi, avec un maximum de huit heures d’arguments par jour. Les sénateurs pourront poser des questions et du temps pourra être ajouté pour différentes procédures.

En vertu de cette entente, le procès débutera mardi avec un débat de quatre heures sur la constitutionnalité du procès. Le Sénat votera ensuite sur l’abandon des accusations contre M. Trump. Si ce vote échoue, comme on s’y attend, les gérants de la Chambre présenteront leur position mercredi et jeudi.

Les avocats de M. Trump devraient prendre la parole vendredi et samedi. Un vote final pourrait donc avoir lieu la semaine prochaine.

Le premier procès en destitution de M. Trump avait duré trois semaines. Il avait alors été acquitté d’avoir utilisé son pouvoir pour faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle enquête sur Joe Biden.

Le procès devrait être beaucoup plus rapide cette fois : l’affaire est moins compliquée, les sénateurs étaient au Capitole au moment de l’insurrection et les démocrates veulent aller de l’avant avec des priorités comme la confirmation des nominations de M. Biden et la lutte à la pandémie.

Y AURA-T-IL DES TÉMOINS ?

Ça semble peu probable pour le moment, mais ça pourrait changer pendant le procès. M. Trump lui-même a refusé de venir témoigner.

Les démocrates croient que les images vues par la planète entière suffisent, d’autant plus que les sénateurs ont eux-mêmes été témoins des évènements.

POURQUOI UN PROCÈS SI M. TRUMP N’EST PLUS AU POUVOIR ?

Les républicains et les avocats de M. Trump croient que le procès est inutile et même anticonstitutionnel, puisque M. Trump n’est plus président et qu’il ne peut pas être chassé du pouvoir. Les démocrates ne sont pas d’accord, rappelant notamment que la Chambre a destitué M. Trump sept jours avant l’assermentation de Joe Biden.

Si M. Trump est destitué, le Sénat voterait une deuxième fois pour l’empêcher de ne jamais briguer les suffrages de nouveau. Les démocrates estiment que ce serait une punition appropriée.

Les démocrates affirment aussi que ce procès est nécessaire pour indiquer aux prochains présidents qu’ils ne peuvent faire ce qu’ils veulent en janvier, simplement parce qu’ils s’apprêtent à quitter le pouvoir.

QUELS SERONT LES ARGUMENTS DES AVOCATS DE M. TRUMP ?

Ils font valoir, dans un document déposé lundi, que le procès est anticonstitutionnel, que M. Trump n’a rien fait de mal et qu’il n’a pas provoqué l’insurrection quand il s’est adressé à ses partisans le 6 janvier.

Même si les gérants nommés par la Chambre estiment que M. Trump est « uniquement » responsable de l’attaque contre le Capitole, les avocats de l’ancien président estiment que les émeutiers ont agi par eux-mêmes. Ils affirment que M. Trump se prévalait du premier amendement quand il a contesté (faussement) l’issue du vote et qu’il a dit à ses partisans de se battre — un terme, selon eux, souvent utilisé lors des discours politiques.

Le document s’en prend aux gérants eux-mêmes, en leur reprochant d’être obsédés par M. Trump et « égoïstes », et de vouloir le destituer à des fins politiques.

L’élection n’a été entachée d’aucune fraude, contrairement à ce que M. Trump a prétendu pendant les semaines qui ont suivi le vote et à ce qu’il a dit à ses partisans avant l’insurrection.

ET SI TRUMP EST ACQUITTÉ ?

Un deuxième acquittement en destitution serait une grande victoire pour M. Trump. Cela démontrerait notamment le pouvoir immense qu’il conserver malgré tout au sein du Parti républicain.

Deux sénateurs, le démocrate Tim Kaine et la Virginie et la républicaine Susan Collins du Maine, ont évoqué une motion de censure quand il est devenu apparent que M. Trump serait acquitté.

M. Kaine a dit que l’idée d’une motion de censure « circule et pourrait se révéler utile éventuellement ».