La chaîne Newsmax sera-t-elle le nouveau porte-voix de Donald Trump ? Les médias qui ont consacré les quatre dernières années à le combattre reviendront-ils à un rôle plus traditionnel de chien de garde et demanderont-ils enfin des comptes à Joe Biden ?

Rendu là, « c’est presque de la propagande », résume Rafael Jacob, spécialiste des élections américaines et de l’opinion politique et chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand.

Que les médias y aillent de projections et soient les premiers à annoncer un gagnant, cela n’est pas péché. Ici aussi, quand la tendance se maintient, les médias n’attendent pas le résultat officiel.

Mais aux États-Unis, on est rendu ailleurs. À mille milles de l’objectivité journalistique traditionnellement recherchée et même du jupon qui dépasse à l’occasion chez les grands médias canadiens, relève M. Jacob.

Naguère observateurs de la scène politique, bon nombre de médias en sont devenus des acteurs à part entière, selon le mépris ou l’approbation dont ils faisaient l’objet par le président. Leur position face à lui a fini par devenir leur grande marque de commerce.

Si bien qu’en cette ère post-Trump, chacun est maintenant en plein repositionnement éditorial.

« Et il faudrait être naïf pour ne pas voir qu’il s’agit de positionnement de marché et de gros enjeux lucratifs », fait remarquer M. Jacob.

À ce jeu, Newsmax, très confidentielle jusqu’ici, joue particulièrement gros. Se sentant largué par Fox qui lui était favorable jusque-là, furieux que cette chaîne le donne rapidement perdant en Arizona et coupe même court à son discours en se posant comme le gardien de la démocratie, Trump invite maintenant ses troupes à se détourner de cette chaîne et à se rallier à Newsmax. Newsmax ? Selon Nielsen, qui compile les cotes d’écoute, dans la semaine précédant l’élection, elle n’avait qu’une moyenne de 72 000 téléspectateurs. La semaine des élections, cela a monté à une moyenne de 284 000. Mais les grandes chaînes – CNN, Fox, MSNBC – ont elles aussi vu leurs cotes d’écoute exploser.

« Newsmax, c’est tout petit, très broche à foin et ça ne joue pas du tout dans les grandes ligues, fait remarquer M. Jacob. Si Trump lui consacrait beaucoup d’argent, ça serait peut-être un peu mieux, mais cette chaîne part vraiment de très loin. »

Redevenir des chiens de garde

En mai, Dan Froomkin, ce journaliste qui est éditeur du site indépendant Press Watch, estimait que comparer de près ou de loin les défauts de Joe Biden à ceux de Donald Trump ne serait rien de moins qu’une « faute journalistique ».

Mais maintenant que Donald Trump risque de ne plus être une « distraction » encore bien longtemps, le plus grand danger, c’est que la presse politique de Washington « pousse un grand soupir de soulagement » et qu’elle continue d’être « aussi docile » qu’elle l’a été jusqu’ici à l’égard de Joe Biden, écrivait Dan Froomkin en octobre dans Salon.

PHOTO HANNAH MCKAY, ARCHIVES REUTERS

Selon Dan Froomkin, journaliste et éditeur du site indépendant Press Watch, comparer de près ou de loin les défauts de Joe Biden à ceux de Donald Trump ne serait rien de moins qu’une « faute journalistique ».

Joe Biden est maintenant le président désigné et il ne peut plus continuer « de passer sous le radar », estime M. Froomkin.

La presse doit retrouver son rôle et exiger qu’il rende des comptes, en toute transparence, comme tout politicien.

Mais pour bon nombre d’Américains, la cause est entendue. En janvier, le Pew Research Center a soumis à un panel une liste de 30 médias qui incluait aussi bien des chaînes télévisées que des journaux comme le Washington Post, le Wall Street Journal ou USA Today, demandant aux partisans démocrates et républicains de dire lesquels leur semblaient dignes de confiance. Si les répondants démocrates disaient voir plutôt confiance en 22 de ces médias, les républicains n’en ont identifié que 7 sur 30.