Que fera Donald Trump après avoir quitté la Maison-Blanche ? Les experts s’entendent sur une chose : il ne disparaîtra pas du paysage médiatique de sitôt.

Au moment de l’annonce de la victoire de Joe Biden, Donald Trump n’a pas réagi ; il se trouvait sur un terrain de golf. Peu avant, il avait tweeté, en lettres majuscules, avoir gagné l’élection, « et de loin ».

Son avocat, Rudy Giuliani, prévoit déposer des plaintes dans une dizaine d’États. Elles s’ajoutent aux actions déjà entamées.

Les démocrates « se sont conduits d’une manière qui suggère des fraudes », a-t-il dit, sans donner de détails, lors d’une conférence de presse à Philadelphie, parlant de bulletins au nom de personnes décédées et de « manipulations ».

PHOTO EDUARDO MUNOZ, REUTERS

Rudy Giuliani, l’avocat personnel de Donald Trump et ancien maire de New York

Le président sortant a aussi allégué que des observateurs n’avaient pas pu vérifier le vote.

Les chances du 45président de rester en place restent tout de même minces, selon les experts. À ce jour, il n’y a pas eu de preuve de fraudes, malgré ses accusations.

« [Donald Trump] pose des questions légitimes, croit Stanley Renshon, de la City University de New York. Ça ne veut pas dire qu’il y a eu fraude, mais il pose des questions légitimes dont les réponses doivent être fournies pour le bien de tous. Mais il est sérieusement imprécis quand il soulève ses questions. »

M. Renshon s’intéresse à la psychologie politique. Il a écrit deux livres sur Donald Trump, dont The Real Psychology of the Trump Presidency, paru cette année. Selon lui, le 45président a souvent du mal à exprimer le fond de sa pensée et reste incompris. Le professeur est cependant d’avis que Joe Biden va être confirmé comme président légitime et que Donald Trump va finalement accepter ce résultat.

« Est-ce que ça veut dire qu’il va faire un discours de défaite magnanime, comme c’est la norme ? J’en doute, ajoute-t-il. Il ne s’est pas rendu là où il s’est rendu en faisant ce qui était attendu. »

L’après

Après son départ, il serait surprenant que Donald Trump disparaisse du paysage médiatique.

« Il était connu avant d’être élu et il sera encore connu après, note Margaret O’Mara, du département d’histoire de l’Université de Washington. Il va continuer à vouloir se maintenir dans les nouvelles le plus possible. »

Brian L. Ott a coécrit le livre The Twitter Presidency, il est aussi professeur de communication à l’Université d’État du Missouri. Il s’attend à ce que le président défait continue à se tourner vers le réseau social pour critiquer les politiques de son successeur. Tant qu’il le pourra : Twitter a redoublé d’efforts pour signaler les tweets mensongers du président au cours des dernières semaines.

Je pense que Twitter devrait lui interdire l’accès, puisqu’il sera redevenu un simple citoyen.

Brian L. Ott, auteur du livre The Twitter Presidency

Qu’il soit banni ou non d’une plateforme, Donald Trump pourrait voir l’intérêt de lancer sa propre chaîne de télévision, une idée déjà évoquée par des médias en 2016, mais démentie par son équipe à l’époque.

Lui qui a tant critiqué les médias d’information, les accusant de diffuser des fake news, pourrait ainsi avoir son propre réseau, avec des commentateurs de la même veine idéologique. Il garderait ainsi une influence sur la politique américaine, avec les coudées franches.

Présidents défaits

« C’est étrange pour n’importe qui d’être un “post-président” », estime Mme O’Mara, qui écrit aussi dans les pages d’opinion du New York Times.

Avant Donald Trump, deux présidents ont été défaits après leur premier mandat : Jimmy Carter et George H. W. Bush

PHOTO SCOTT DALTON, ARCHIVES LA PRESSE

Comme Donald Trump, George H. W. Bush n’avait pas réussi à se faire réélire pour un second mandat.

Les anciens présidents adoptent souvent une cause et se lancent dans la philanthropie. Ils peuvent aussi travailler à leur legs politique. Beaucoup font des discours publics – une activité lucrative.

« Je pense absolument qu’il va faire des évènements publics, dit Chris Lamb, président du département de journalisme et relations publiques de l’Université de l’Indiana. Il va avoir besoin d’argent pour payer ses avocats. »

Donald Trump fait face à des poursuites et pourrait répondre à des accusations, notamment en lien avec ses impôts et d’autres crimes financiers allégués. Il n’est pas exclu qu’une partie de son temps post-mandat soit consacré à ses déboires judiciaires, même s’il pourrait éviter la prison.

L’homme a développé au fil des ans une marque qui devrait avoir encore une certaine valeur : Donald Trump. « C’est quelque chose qu’il a toujours fait bien, se promouvoir », remarque M. Lamb.

Trump 2024

Donald Trump a eu une influence certaine sur la forme actuelle du Parti républicain et pourrait continuer à jouer un rôle important pour la formation, d’une façon ou d’une autre. Après tout, malgré sa défaite, il a recueilli plus de 70 millions de voix.

Un seul autre président s’est représenté après avoir été défait : Grover Cleveland, président de 1885 à 1889 et de 1893 à 1897.

Dans quatre ans, Donald Trump aura 78 ans – l’âge de Joe Biden lorsqu’il accédera à la Maison-Blanche en janvier.

Des experts estiment qu’il ne se risquera pas à un échec douloureux pour l’orgueil. D’autres pensent qu’il pourrait vouloir faire un retour triomphal.

Jennifer Mercieca, de l’Université A&M du Texas, croit qu’il pourrait y avoir un Trump 2024.

« Peut-être qu’il va tenter sa chance encore en 2024, ou soutenir l’un de ses enfants dans sa propre campagne politique », avance-t-elle dans un courriel.

– Avec l’Agence France-Presse