Malgré un deuxième affrontement plus apaisé sur la forme et dans le ton jeudi soir, les leaders républicain et démocrate ont davantage insisté sur les faiblesses de leur adversaire que lors du premier débat, montrent des données colligées par La Presse. Si Donald Trump a beaucoup moins mis l’accent sur les questions de défense nationale, Joe Biden a de son côté insisté sur le thème de la Chine.

Le vocabulaire choisi compte en effet pour beaucoup lorsque vient le temps d’interpréter les stratégies électorales des deux camps. Après avoir prononcé 15 fois le terme « military » à la fin septembre, le président républicain semble être passé à autre chose, jeudi ; il ne l’a utilisé que 3 fois. Son usage du mot « Black », quasi absent lors du dernier débat, a toutefois fait surface à 13 reprises.

« La direction de la campagne républicaine a visiblement réussi à discipliner son président, pour une fois, et à l’amener à suivre un plan de match de manière bien plus sérieuse », affirme Charles-Philippe David, expert en science politique et fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

Pendant ce temps, les démocrates, eux, semblent avoir choisi la Chine comme angle d’attaque ; M. Biden a abordé le sujet à au moins 26 reprises lors du deuxième débat, contre 23 pour le président sortant. Il y a quelques semaines, ce ratio était de seulement 3 contre 10.

Fait intéressant : jeudi soir, l’argument « Obama » – souvent considéré comme un argument de taille pour les démocrates – a été davantage utilisé par le camp républicain, M. Trump ayant prononcé 11 fois le nom de l’ancien président, contre 3 pour M. Biden. « Il ne faut pas oublier que c’est un angle d’attaque pour les républicains aussi, dit M. David. [Barack] Obama n’a pas remporté tous les votes en 2012. Et il est honni par de nombreux républicains, pas loin derrière Hillary Clinton. Pour moi, cette association de Trump est donc très intentionnelle. »

Plus de « sentiments » négatifs

Selon nos données, les « sentiments » des interventions des deux candidats, calculés à l’aide d’un modèle entraîné sur le web pour interpréter la nature de termes employés, étaient beaucoup plus négatifs jeudi, en moyenne. À peine 30 % des termes de M. Biden et de M. Trump étaient « positifs », ce qui est bien en deçà des performances du premier débat, où on avait recensé près de 40 % d’interventions positives.

Cette idée de campagne négative n’est pas nouvelle, mais c’est certain qu’elle est plus agressive en raison de la présence de Donald Trump. On peut seulement se réjouir, cette fois, d’avoir pu au moins entendre quelques arguments de contenu.

Charles-Philippe David, expert en science politique et fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM

Un changement de rythme a en effet été observé lors de cet ultime affrontement, la durée moyenne des interventions ayant largement augmenté. Signe qu’il développe plus longuement ses arguments, Biden a parlé en moyenne 20 secondes sans interruption, contre 8 en septembre. Trump, lui, a totalisé 13 secondes en moyenne, contre 6 la dernière fois.

Si le nombre d’interventions du républicain demeure supérieur à celui du démocrate, à 168 contre 114, le temps de parole de l’ancien vice-président a dépassé celui de son adversaire de 58 secondes.

Notre démarche

Pour cet article, Yahya Laraki et Pierre Meslin, du service Intégration, analyse et science des données (IAS), ont analysé les transcriptions des trois débats. En plus d’une analyse statistique quantitative et comparative, ils ont utilisé un modèle d'apprentissage profond entraîné à l’aide de la bibliothèque Hugging Face, permettant d’évaluer le degré de positivité d’une phrase.