Infecté à la COVID-19, le président américain Donald Trump a brièvement quitté l’hôpital pour saluer ses partisans depuis sa voiture, dimanche. Sa sortie a immédiatement été critiquée, notamment en raison des risques de contamination à l’intérieur du véhicule dans lequel se trouvaient aussi des agents des services secrets. Une décision que ces derniers ne pouvaient d’aucune façon contester, selon un ex-garde du corps ayant protégé plusieurs premiers ministres canadiens.

À la surprise générale, un convoi de véhicules noirs est apparu devant les grilles de l’hôpital militaire de Walter Reed, près de Washington, en début de soirée dimanche. À l’intérieur, on voyait Donald Trump, masqué, saluer à travers la vitre ses nombreux sympathisants qui, dans certains cas, étaient installés là depuis vendredi. Assis à l’avant du même véhicule, son garde du corps portait blouse, masque et visière.

« Ce VUS présidentiel est non seulement à l’épreuve des balles, mais il est hermétiquement scellé contre les attaques chimiques. Le risque de transmission de la COVID-19 à l’intérieur est le plus élevé qui soit. L’irresponsabilité est stupéfiante. Mes pensées vont aux services secrets obligés de jouer [le jeu] », a réagi sur Twitter le DJames P. Phillips, spécialiste en médecine d’urgence, consultant en rétablissement pour la COVID-19 et analyste médical à CNN.

https://twitter.com/DrPhillipsMD/status/1312869454385229827?s=20

Zeke Emanuel, président du département d’éthique médicale et de politique de la santé de l’Université de Pennsylvanie, a aussi tweeté : « Faire conduire ses agents des services secrets avec un patient COVID-19, qui plus est avec des fenêtres fermées, les expose inutilement à un risque d’infection. Et pour quoi ? Un coup de pub. »

Robert Demers est un retraité du Service des missions de protection de la Gendarmerie royale du Canada. Il a été garde du corps de presque tous les premiers ministres canadiens de Pierre Elliott Trudeau à Stephen Harper. À de nombreuses reprises, il a côtoyé la garde rapprochée d’un président américain.

« Le blindé du président, je suis embarqué dedans à Québec [en 2001, au Sommet des Amériques]. Les portes, c’est comme des portes de coffre-fort. Et à l’intérieur, l’air est recyclé. Il pourrait tenir une heure sans air de l’extérieur », confirme M. Demers, qui explique que les présidents américains voyagent avec leurs propres véhicules « partout où ils débarquent ».

Le porte-parole de la présidence a assuré que les précautions « appropriées » avaient été prises pour protéger M. Trump et son entourage, notamment des équipements de protection. « La sortie a été validée par l’équipe médicale comme sûre », a ajouté Judd Deere.

Chaque personne qui était dans le véhicule pendant ce drive-by présidentiel totalement inutile doit être mise en quarantaine pendant 14 jours. Elles pourraient tomber malades. Elles peuvent mourir. Pour une mascarade politique. Ordonnée par Trump. Elles mettent leur vie en danger pour cette mascarade. C’est de la folie.

Le DJames P. Phillips

Selon Robert Demers, l’agent qui est assis du côté passager, à l’avant du VUS présidentiel, est le chef d’équipe de la garde rapprochée du président. Même s’il désapprouvait la décision du président, d’aucune façon il n’aurait pu refuser de se prêter au « jeu ».

« C’est sa job, répond simplement l’homme d’expérience. C’est sûr que souvent, on va dire : ‟Non, monsieur, on ne devrait pas y aller.” Mais le dignitaire qu’on protège, c’est lui le boss. S’il dit : ‟Oui, on y va”, on y va. Nous, notre job, c’est de le protéger et de s’ajuster avec sa décision, même si ça met notre vie en péril. Ce n’est pas toujours évident », explique-t-il, à une nuance près.

« Les Américains ont une loi qui dit que si les services secrets jugent qu’il y a menace, ils ont le pouvoir de dire au président : ‟On n’y va pas.” Sauf que… Sauf que Trump, quand il dit ‟j’y vais”, les gars n’ont sûrement rien à redire. »

De retour sur Twitter

Les médecins du président ont avancé, dimanche, qu’il pourrait retourner dès lundi à la Maison-Blanche si son état continuait à s’améliorer. Or, peu après la sortie impromptue, la Maison-Blanche a fait savoir que le président était revenu à l’hôpital.

« J’ai beaucoup appris sur la COVID, je l’ai appris en faisant l’expérience moi-même, c’est l’école de la vie », a-t-il aussi déclaré dans un message vidéo posté sur Twitter, remerciant ses médecins et les « grands patriotes » qui veillent sur lui dehors.

Après deux nuits à l’hôpital, un optimisme prudent dominait dimanche dans son entourage, bien que le médecin de la Maison-Blanche ait finalement admis que l’état initial de son patient avait été plus grave que ce qui avait été officiellement déclaré dans un premier temps.

Donald Trump s’est ainsi appliqué dimanche à donner l’image d’un président certes hospitalisé, mais au travail – « fermement aux commandes », selon Robert O’Brien, son conseiller à la sécurité nationale, sur CBS.

Il a recommencé à tweeter et à téléphoner, comme en ont témoigné son fils Eric et son conseiller Jason Miller.

Le septuagénaire a fait diffuser des photos de lui « au travail » depuis l’hôpital, et il a publié deux vidéos tournées au même endroit. Samedi soir, il admettait que les prochains jours seraient « le vrai test », la COVID-19 étant notoire pour la brusque dégradation que certains malades subissent après une phase initiale tolérable.

Quant à la campagne, un sondage réalisé après le débat présidentiel de mardi dernier, mais avant son hospitalisation et paru dimanche rapporte une considérable progression des intentions de vote pour le candidat démocrate Joe Biden : 53 % contre 39 %, selon cette enquête NBC/Wall Street Journal.

— Avec l'Agence France-Presse