Une enquête du New York Times fait état d’un président assailli de dettes

(New York) La survie financière de Donald Trump tient peut-être à sa réélection à la Maison-Blanche.

Dans un dossier exhaustif et potentiellement explosif, le New York Times a révélé dimanche que les finances du président américain sont sous forte pression et que la plupart de ses revenus proviennent d’entreprises dont la valeur risque de chuter s’il est évincé de la Maison-Blanche, le 3 novembre.

Selon le Times, Donald Trump n’a versé que 750 $ au fisc américain l’année où il a été élu à la présidence et la même somme l’année suivante. Il n’a en outre payé aucun impôt fédéral durant 10 des 15 années précédentes, en grande partie parce qu’il a déclaré plus de pertes que de gains.

De quoi même étonner un fiscaliste spécialisé dans l’immobilier à New York.

« Nous sommes tous familiers avec les titans du monde des affaires qui sont milliardaires et qui finissent par payer très peu d’impôts. Mais cela va au-delà de tout ce que j’ai jamais vu », a déclaré à La Presse David Wilkes, le fiscaliste en question.

Si les informations sont véridiques, elles brossent le portrait d’un individu dont l’empire est orienté davantage vers l’évitement fiscal que la création du profit.

David Wilkes, fiscaliste spécialisé dans l’immobilier à New York

Le milliardaire autoproclamé évite peut-être les impôts, mais pas les dettes. Le New York Times dévoile en fait qu’il est assailli de dettes. Plus de 400 millions de dollars de dettes arrivant à échéance qu’il a personnellement garanties.

Plusieurs entreprises avec des pertes importantes

Le Times dit avoir obtenu les données fiscales de Donald Trump et des centaines de sociétés composant l’organisation qui porte son nom sur plus de 20 ans, à l’exception des déclarations d’impôts sur le revenu personnelles du président pour 2018 et 2019.

Ces données démontrent notamment que plusieurs entreprises de Donald Trump, dont ses clubs de golf, ont déclaré des pertes importantes.

« Les déclarations d’impôts que M. Trump s’est longtemps battu pour garder privées racontent une histoire fondamentalement différente de celle qu’il a présentée au public américain, résume le Times dans son dossier fleuve. Ses rapports à l’IRS [Internal Revenue Service] décrivent un homme d’affaires qui encaisse des centaines de millions de dollars par an tout en accumulant des pertes chroniques qu’il utilise agressivement pour éviter de payer des impôts. »

En fin de compte, M. Trump a eu plus de succès en jouant au magnat des affaires qu’en étant un magnat dans la vraie vie.

Extrait de l’enquête du New York Times

Donald Trump a utilisé une de ses formules préférées pour réfuter les informations du Times : « fausses nouvelles ».

« Fausses nouvelles totales », a-t-il renchéri lors d’une conférence de presse dont la tenue avait été annoncée au milieu de l’après-midi. « J’ai payé beaucoup, et j’ai payé beaucoup d’impôts sur le revenu au niveau de l’État aussi, l’État de New York taxe beaucoup. »

Ce n’est pas la première fois que le New York Times publie une histoire semblable à l’approche d’une élection présidentielle impliquant Donald Trump. Le 1er octobre 2016, le journal a révélé que le magnat de l’immobilier avait déclaré des pertes colossales de 916 millions de dollars en 1995, pertes dont il s’était servi pour éviter de payer des impôts durant de nombreuses années.

Quelques jours plus tôt, lors du premier débat présidentiel, Hillary Clinton avait évoqué d’autres documents démontrant que Donald Trump n’avait également payé aucun impôt au début des années 1980.

« Cela prouve que je suis intelligent », avait-il interjeté, un raisonnement qu’il avait répété après les révélations du Times et qui avait semblé satisfaire ses partisans.

Mais le nouveau dossier du quotidien new-yorkais pourrait éclipser, du moins pour quelques jours, une histoire sur laquelle Donald Trump comptait pour relancer une campagne en difficulté. D’ici le premier débat présidentiel, prévu mardi soir à Cleveland, les médias parleront probablement davantage des impôts du président que de sa nomination de la juge Amy Coney Barrett à la Cour suprême.

Le clan Biden réagit

Chose certaine, l’équipe de campagne de Joe Biden n’a pas tardé à exploiter les révélations du New York Times, mettant en vente sur son site des macarons sur lesquels on peut lire « Je paie plus d’impôt sur le revenu que Donald Trump ».

De leur côté, les alliés et partisans du candidat démocrate à la présidence ont rappelé sur les réseaux sociaux que lui et sa femme avaient versé 3,7 millions de dollars au fisc américain en 2017.

Le dossier du New York Times contient de nombreux détails inédits. On y apprend notamment que Donald Trump a établi à au moins 434,9 millions ses revenus en 2018 dans une déclaration publique, alors que ses données fiscales font plutôt état de pertes s’élevant à 47,4 millions.

On y découvre aussi la raison pour laquelle les impôts de Donald Trump font l’objet d’un audit. Le président a réclamé un remboursement d’impôts suspect de 72,9 millions qui lui vaudra une amende de 100 millions si l’IRS conclut qu’il a tenté de tromper le fisc.

On y apprend en outre que la Trump Oganization a inclus parmi ses déductions d’impôts un montant de 700 000 $ versé à Ivanka Trump pour des « frais de consultation » et que Donald Trump a déduit uns somme de 70 000 $ pour l’entretien de sa coiffure.

Le New York Times indique que d’autres articles sur les impôts de Donald Trump suivront au cours des prochaines semaines. Pour le moment, le journal est incapable d’établir le montant exact de la fortune du président ou de révéler l’existence de liens avec la Russie qui n’étaient pas déjà connus.

Les révélations du Times devraient notamment intéresser le procureur de Manhattan Cyrus Vance, qui se bat pour obtenir les déclarations d’impôts du président sur plusieurs années. Son enquête pourrait s’étendre à des faits de fraude fiscale et de fraude bancaire liés à l’entreprise de la famille Trump.