(Washington) Les États-Unis ont franchi jeudi en début d’après-midi la barre des 15 000 morts liés à la pandémie de nouveau coronavirus, selon le comptage de l’université américaine Johns Hopkins. La situation s’est toutefois améliorée jeudi dans les hôpitaux de New York, signe que la pandémie de COVID-19 aborde peut-être un tournant aux États-Unis.

L’épidémie avait fait au moins 15 938 morts dans le pays à 15 h jeudi, selon les chiffres actualisés en continu de l’université, qui font référence.

Selon cette même source, le pays comptait plus de 450 000 cas de COVID-19 officiellement recensés, un chiffre bien inférieur au vrai nombre de personnes infectées, en raison du manque de tests disponibles.

Les États-Unis sont le deuxième pays le plus endeuillé au monde, devant l’Espagne (15 238 morts) et derrière l’Italie (18 279).

Les deux dernières évolutions calculées sur 24 heures, mardi soir et mercredi soir, ont à chaque fois fait état d’une progression de près de 2000 morts.

L’État de New York, épicentre de la pandémie dans le pays, est le plus endeuillé, avec plus de 7000 morts.

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L’État de New York demeure l'épicentre du pays.

Meilleure situation à New York

La situation s’est stabilisée jeudi dans les hôpitaux de New York et d’autres régions américaines, mais les autorités restaient très prudentes face à la pandémie de COVID-19 et ont averti que le retour à la normale n’était pas imminent, le pays restant vulnérable à une deuxième vague du coronavirus.

Le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, a annoncé un nouveau record du nombre de décès dans son État, 799 en 24 heures, soit presque autant que des pays entiers comme l’Italie ou l’Espagne au pire de leurs épidémies.

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Le gouverneur de New York Andrew Cuomo

Mais ces morts sont les malades d’hier. À l’inverse, jamais aussi peu de nouveaux patients n’avaient été hospitalisés et admis en réanimation depuis le début de la crise : moins de 100 en soins intensifs dans tout l’État ces dernières 24 heures. « Une bonne nouvelle », selon M. Cuomo, qui devrait mécaniquement « aplatir » la courbe des morts dans les prochaines semaines.

Les pénuries de lits d’hôpitaux prévues par divers modèles ont été évitées, a souligné Andrew Cuomo, mais il a répété que la guerre n’était pas terminée.

« Nous ne sommes pas tirés d’affaire », a dit le gouverneur.

Il n’y aura pas de levée brusque du confinement décrété il y a 18 jours. Son État passera du rouge à l’orange et non directement au vert, a-t-il dit. Il faudra d’abord tester des millions de salariés et de travailleurs pour décider qui a eu le coronavirus et est immunisé.

Dans le New Jersey, la Louisiane et le Michigan, où le virus a tué des milliers de personnes, des signes de ralentissement du rythme de contagions apparaissent. « La distanciation sociale commence à faire de l’effet », a dit jeudi le gouverneur du New Jersey, Phil Murphy, évoquant « de vrais progrès ».

Le président Donald Trump est pressé de rouvrir le pays et de faire repartir une économie sinistrée. Son secrétaire au Trésor a jugé jeudi que les entreprises pourraient sans doute « redémarrer » en mai.

Mais le pays devra s’armer de patience, martèlent experts et responsables publics, et la population changer durablement ses habitudes tant qu’il n’y aura pas de vaccin, afin de se préparer à répondre à une deuxième vague – puisque le coronavirus n’aura pas disparu.

Le modèle le plus cité (IHME), qui prend en compte comment l’épidémie a évolué en Chine et en Europe, a ces derniers jours revu à la baisse plusieurs fois le bilan estimé de la première vague aux États-Unis : de 93 000 à 82 000 puis à 60 000 décès.

« C’est grâce aux Américains qui font du bon boulot. Distanciation sociale, etc. Continuez ! » a tweeté Donald Trump.

Le « pic » américain serait atteint ce week-end, selon ce modèle utilisé notamment à la Maison-Blanche, mais considéré comme trop optimiste par certains États, qui préfèrent marier plusieurs modèles, à la façon des prévisions météorologiques, aucun modèle n’étant parfait.

« New normal »

À quand le déconfinement ? Pas avant juin, a prévenu le maire de New York, Bill de Blasio, jeudi.

Il sera graduel et régional, a expliqué Anthony Fauci, directeur de l’Institut américain des maladies infectieuses, membre du groupe de travail qui conseille Donald Trump sur l’épidémie.

D’abord parce que les ordres de confinement ont été décrétés État par État, par les gouverneurs, et non nationalement par le président, qui n’a émis que des consignes de distanciation et de télétravail jusqu’au 30 avril.

Ensuite, car les États-Unis, grands comme un continent, ne sont pas frappés avec la même intensité partout.

La Californie, après avoir craint le pire, a été suffisamment rassurée pour commencer à faire don à d’autres États de respirateurs artificiels et d’équipements médicaux. L’État de Washington, qui enregistra le premier cas le 21 janvier, a fermé mercredi l’hôpital temporaire que l’armée avait installé.

Plutôt qu’un retour à la vie d’avant, il faut se préparer à une « nouvelle normalité », disent des experts.

« Tant que la plupart des gens n’ont pas d’immunité, reprendre nos activités normales fera repartir à toute vitesse les contagions », a écrit Tom Frieden, ancien patron des Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC).

Il propose des conditions à tout déconfinement : des tests de dépistage largement disponibles ; des plans pour isoler les malades, et retracer et placer en quarantaine leurs contacts ; et une mise à niveau générale des hôpitaux pour encaisser toute future vague.

Or le pays n’est pas prêt.

Un million de tests sont désormais réalisés par semaine aux États-Unis, selon Caitlin Rivers, de l’université John Hopkins, ce qui est mieux, mais encore loin de suffire. Ces tests trouvent encore 20 à 40 % de cas positifs, alors que la Corée du Sud en est à 2 %. Cela signifie que « nous n’avons pas encore découvert toute l’ampleur de notre épidémie », a-t-elle dit à des journalistes jeudi.

Les règles de distanciation sociale devront être maintenues à moyen terme, insiste-t-elle à l’instar de nombreux experts.

Et les restaurants pourraient avoir à rouvrir avec un nombre limité de tables, et les écoles de façon décalée, argue Tom Frieden.