Des groupes de drones qui sillonnent les campagnes à la nuit tombante ont récemment poussé les autorités aériennes américaines à enquêter. Le phénomène est sur le point d’arriver au Québec, où l’utilisation de drones de surveillance provoque déjà des frictions.

« On se sent tous vulnérables »

Plusieurs médias américains ont rapporté ces derniers jours que l’Administration fédérale de l’aviation (FAA) des États-Unis avait lancé une enquête après des signalements de drones volant en formation au-dessus de zones rurales, dans des États comme le Nebraska, l’Iowa et le Colorado. Un billet sur Facebook du shérif du comté de Yuma, à l’est de Denver, a été repris aux quatre coins du monde anglophone. « On se sent tous vulnérables », a déclaré sur Facebook le shérif républicain Todd Combs. Les drones circulent par groupes de cinq ou six, souvent en fin de journée.

Des tests d’épandage ?

Selon Nicolas Deschamps, fondateur de l’entreprise Drone des champs, à Laval, il s’agit presque certainement de tests d’épandage. « Pour remplacer les avions, il faut plusieurs drones coordonnés parce qu’un seul drone n’a pas une capacité suffisante, dit M. Deschamps. On commence à avoir des appareils permettant à une seule personne de contrôler plusieurs drones en même temps. » À sa connaissance, Transports Canada n’a jamais approuvé un tel vol en formation contrôlé par une seule personne. « Ici, on vole surtout avec des caméras pour surveiller les zones de stress dans les champs, là où il manque d’eau ou d’engrais, dit M. Deschamps. Santé Canada et Agriculture Canada sont en train d’évaluer la qualité de l’épandage par drones par rapport à la machinerie et l’avion, je collabore à ces travaux. »

Pourquoi voler le soir ? « C’est probablement pour ne pas attirer l’attention, dit Stéphane Laurin, président de Drone Action 360, à Longueuil. On parle d’appareils de six pieds d’empattement. » L’Union des producteurs agricoles a commencé à donner des formations de pilotage de drones agricoles, mais ne signale pas de frictions particulières à ce sujet entre les fermiers et leurs voisins, selon Patrice Juneau, porte-parole de l’organisation. Le Bulletin des agriculteurs rapportait en janvier dernier qu’au Salon de l’agriculture de Saint-Hyacinthe, une entreprise de Chicoutimi, CFR Innovations, avait présenté un épandeur pour drones. Une autre application des drones agricoles au Québec est le dénombrement de plants, pour accélérer les calculs de rendement.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

L’Europe vient d’imposer des transpondeurs permettant aux autorités de suivre les drones à la trace.

Transpondeurs

Le débat survient alors que l’Europe vient d’imposer des transpondeurs permettant aux autorités de suivre les drones à la trace, comme les avions, et que la FAA y réfléchit. « Ce qu’on voit avec ce shérif qui s’inquiète reflète bien le problème, dit M. Deschamps. Les autorités locales aimeraient bien savoir ce qui se passe quand ils voient des drones survoler des champs, faire des manœuvres. Avec l’introduction des transpondeurs, nous sommes à un moment charnière dans le développement des drones commerciaux. »

Le Canada réfléchit-il à l’utilisation de transpondeurs pour drones ? « Selon ce que je comprends, le système de suivi aérien ne suffirait pas à la tâche, alors Transports Canada attend d’avoir amélioré ce système avant d’introduire les transpondeurs pour drones », dit M. Deschamps. Simon Rivet, relationniste à Transports Canada, a déclaré à La Presse en milieu de journée jeudi qu’il tenterait de trouver des informations sur les questions soulevées par l’enquête de la FAA sur les drones ruraux, mais n’avait toujours pas donné de nouvelles en soirée jeudi.

Craintes et curiosité

Nicolas Deschamps n’a pas, pour le moment, eu vent de craintes de la population face à ses drones agricoles et de surveillance des rivières et des infrastructures. « Les gens sont plutôt curieux », dit M. Deschamps. Stéphane Laurin estime quant à lui que les réactions sont même plus positives qu’avant. « Quand on présentait nos drones dans les foires commerciales, il y a quelques années, les gens disaient : “C’est ça qui sert à faire entrer de la drogue dans les pénitenciers”, dit M. Laurin. Maintenant, ils ont entendu parler des inspections d’infrastructures, de cours d’eau, de champs. Mais il y a quand même des gens qui n’aiment pas ça, voir un drone passer à 400 pieds au-dessus de leur maison. Ils ont l’impression que la caméra est capable de zoomer et de les voir. Mais la plupart des drones, et tous les drones agricoles, ont des caméras à champ large sans zoom. »