(NEW YORK) En date du 12 décembre 2020, Joe Biden avait choisi 16 personnes pour occuper des postes d’importance au sein de son administration. Douze avaient en commun d’avoir travaillé pour Barack Obama.

Figuraient parmi celles-ci Antony Blinken, nommé secrétaire d’État, Janet Yellen, nommée secrétaire au Trésor, John Kerry, nommé représentant spécial pour le climat, et Susan Rice, nommée directrice du Conseil de politique intérieure de la Maison-Blanche.

Ces choix étaient-ils le signe que la présidence de Joe Biden ne serait que la continuation de l’administration Obama ? La réponse semblait d’autant plus évidente aux yeux de certains que le président désigné était allé jusqu’à choisir l’ancien gouverneur de l’Iowa Tom Vilsack pour occuper le poste de secrétaire à l’Agriculture, responsabilité qu’il avait assumée pendant les deux mandats du 44e président.

Mais les nominations de Joe Biden n’étonnent pas Martha Kumar, directrice du White House Transition Project et auteure d’un livre publié en 2015 sur les passations de pouvoir.

« Je pense que tout président démocrate désigné aurait choisi un grand nombre des mêmes personnes, a-t-elle dit lors d’une entrevue téléphonique. Car l’une des choses les plus importantes est d’avoir un départ rapide et efficace. Pour y parvenir, vous voulez avoir des gens avec de l’expérience. »

Et, dans la plupart des cas, les présidents désignés, tous partis confondus, trouvent cette expérience dans l’administration démocrate ou républicaine précédente, selon leur appartenance. Barack Obama n’avait pas dérogé à la tendance, ce qui lui avait d’ailleurs valu des critiques. Malgré sa promesse de changement et de rupture avec le passé, il avait recruté certains piliers de l’administration Clinton, dont l’ex-secrétaire au Trésor Larry Summers et l’ex-première dame Hillary Clinton.

L’un devait l’aider à affronter la pire crise économique depuis la Grande Dépression, tandis que l’autre devait le représenter sur la scène internationale.

Le critère de la diversité

Mais l’expérience n’est pas le seul critère qui guide les choix des présidents désignés démocrates. En fait, ceux-ci doivent tenir compte de données qui semblent moins importantes aux yeux des républicains placés dans la même situation qu’eux.

« En raison de l’ampleur de leur coalition, les démocrates sont plus susceptibles d’être intéressés à la question de la diversité », explique Martha Kumar, dont l’organisation non partisane conseille depuis 1997 les présidents désignés et leur équipe sur tous les aspects d’une transition. « Cette diversité couvre un large éventail, dont l’ethnicité, l’idéologie et le genre. »

Mercredi dernier, en présentant Pete Buttigieg, son choix pour occuper le poste de secrétaire aux Transports, Joe Biden s’est targué d’assembler le cabinet « le plus représentatif de tous les cabinets dans l’histoire des États-Unis ».

Nous aurons un cabinet d’abatteurs de barrières, un cabinet de premières.

Joe Biden, mercredi dernier

Sur ce plan, Joe Biden ne peut être contredit. À la fin de la semaine dernière, il avait confié au moins 10 des postes les plus importants de son administration à des femmes et 11 à des personnes de couleur.

Si le Sénat confirme ses choix, les États-Unis auront ainsi un premier Noir à la tête du Pentagone (Lloyd Austin), une première femme à la tête du département du Trésor (Janet Yellen), une première personne ouvertement homosexuelle au sein d’un cabinet présidentiel (Pete Buttigieg), un premier Hispanique et un premier immigré à la tête du département de la Sécurité intérieure (Alejandro Mayorkas), un premier Noir à la tête de l’Agence de protection de l’environnement (Michael Regan) et une première Autochtone au sein d’un cabinet présidentiel (la représentante du Nouveau-Mexique Deb Haaland, nommée au poste de secrétaire à l’Intérieur).

Sur le plan idéologique, cependant, l’aile progressiste du Parti démocrate reste sur sa faim. À l’exception de Deb Haaland, aucun de ses candidats préférés, dont Bernie Sanders et Elizabeth Warren, n’a encore été retenu.

Une équipe bien organisée

« Nous ne pouvons pas avancer dans une nouvelle direction avec les mêmes personnes, y compris certaines de celles qui sont responsables du gâchis dans lequel nous sommes », a déclaré au Washington Post Evan Weber, directeur politique du Sunrise Movement, une organisation environnementale. « Nous aimerions voir plus de jeunes progressistes dans des rôles au sein de l’administration Biden. »

Seulement quatre des personnes choisies jusqu’à présent par Joe Biden ont moins de 50 ans : Pete Buttigieg, Jake Sullivan (conseiller de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale), Katherine Tai (représentante des États-Unis au Commerce) et Michael Regan. Or, comme leur futur patron, ces gens dans la fin de la trentaine ou dans le milieu de la quarantaine sont bien davantage des centristes ou des pragmatiques que des progressistes.

Cela dit, Joe Biden dispose d’une marge de manœuvre limitée. À moins d’une surprise à l’occasion des élections sénatoriales de Géorgie, il devra composer en janvier prochain avec un Sénat à majorité républicaine dont les dirigeants ont menacé de bloquer ses choix trop audacieux ou controversés.

En attendant, le président désigné a encore des postes importants à pourvoir à la tête des départements du Travail, de l’Éducation, du Commerce et de la Justice, entre autres. Il n’est cependant pas en retard sur le rythme des nominations de ses prédécesseurs. En fait, il les devance tous, selon le White House Transition Project.

« L’équipe de transition de Joe Biden est très bien organisée », commente Martha Kumar.

Mais entouré d’un grand nombre de vétérans de l’administration Obama, le 46e président saura-t-il se démarquer du prédécesseur de Donald Trump ? Une chose est certaine : ses priorités ne sont pas les mêmes que celles du 44e président. Au-delà de la lutte contre le coronavirus et la relance de l’économie, Joe Biden promet de placer les questions du climat et de la justice raciale au cœur de l’action de son administration. Et les membres de son cabinet n’auront pas d’autre choix que d’en tenir compte, selon Martha Kumar.

« Quand le président vous dit de faire quelque chose, vous le faites », dit-elle.

On verra bien.