(New York) Le New York Times a reconnu vendredi que sa baladoémission à succès Caliphate (califat) sur le groupe État islamique était construite en grande partie sur un faux témoignage, le prestigieux média évoquant une « défaillance ».

Publié en 2018, le programme en 12 épisodes se voulait une plongée au cœur de l’EI avec, comme principal point d’entrée, un Canadien qui affirmait avoir rejoint l’organisation en 2016.

Celui qui se faisait appeler Abu Huzayfah, de son nom de guerre, racontait avoir notamment procédé à deux exécutions lors de son passage dans les rangs du groupe État islamique.

La balado a été un succès d’audience, récompensé par plusieurs prix prestigieux, notamment le Peabody Award.

Mais en septembre, Abu Huzayfah, dont le vrai nom est Shehroze Chaudhry, a été interpellé par la police canadienne et inculpé de « fausse activité terroriste ».

« Cela a fait naître l’éventualité que nous avions peut-être été trompés », a expliqué le directeur de la rédaction du New York Times, Dean Baquet, dans une entrevue publiée vendredi.

Le quotidien a ensuite mené sa propre enquête interne et « n’a pu trouver de preuve à même d’accréditer son récit », a expliqué le dirigeant.

« Tout cela m’a fait penser que nous ne pouvions plus apporter notre crédit à cette histoire », a-t-il poursuivi.

Le New York Times a choisi de ne pas retirer l'émission baladodiffusée, mais d’y ajouter des mentions « correctives », afin de donner aux auditeurs le contexte nécessaire.

Un nouvel épisode a également été ajouté à la série, dans lequel Dean Baquet revient en détail sur l’affaire et explique que le Times s’est rendu coupable, selon lui, d’une « défaillance institutionnelle ».

La journaliste à la tête du projet Caliphate, Rukmini Callimachi, spécialiste des questions terroristes au Times, ne sera pas sanctionnée, a indiqué le directeur de la rédaction.

PHOTO BRAD BARKET, ARCHIVES INVISION/AP

Andy Mills et Rukmini Callimachi ont reçu un prix Peabody Award pour leur balado Caliphate en 2018.

Celle dont la signature n’apparaît plus dans le journal depuis le début de la controverse va, en revanche, changer de rubrique, a-t-il précisé.

L’affaire est d’importance pour le New York Times, qui a investi massivement dans la baladodiffusion depuis début 2017 et le lancement de The Daily, son programme phare.

Fin juillet, le groupe a notamment annoncé l’acquisition de Serial Productions, à l’origine du premier grand succès de l’ère des balados, Serial, en 2014, téléchargé plus de 600 millions de fois.

Le New York Times voit ce média, en pleine explosion, comme une source de revenus, publicitaires principalement, mais aussi un point d’entrée pour les abonnements en ligne, particulièrement auprès des jeunes adultes.