(Wilmington) Les klaxons retentissaient à Wilmington, samedi après-midi, dans les rues du centre-ville et dans celle jouxtant la gare de train Joseph R. Biden Jr., après que le pays ait désigné l’enfant du Delaware président des États-Unis.

« Je suis très heureux ! Très, très heureux ! On a un président du Delaware », s’exclame en riant Zahid, chauffeur de taxi, avec le concert de klaxons en bruit de fond, sous un chaud soleil automnal.

« Trump était un bon président, j’ai voté pour lui en 2016, mais cette fois, j’ai voté Biden. C’est notre gars ! », explique-t-il, encore débordant de joie, deux heures après l’annonce du résultat.

Dans le train Amtrak qui file entre Washington, D. C. et Wilmington, un trajet que Joe Biden a dû faire des centaines et des centaines de fois au cours de sa carrière politique, un groupe de jeunes dans la vingtaine accueille d’abord la nouvelle avec un haussement d’épaules.

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Le train Amtrak qui file entre Washington, D.C. et Wilmington

Comme si, après des jours d’attente, ils n’y croyaient plus. Mais en constatant que les médias donnent Biden vainqueur les uns après les autres, la conversation s’anime. Et elle porte sur les soupçons de fraude électorale.

« Regardez ce qui est arrivé au Michigan ! Il y a plus de gens qui ont voté qu’il y a d’électeurs inscrits », avance Riley. Il fait référence à des rumeurs sur une disparité entre le nombre de votes dépouillés et ceux liste électorale.

Des rumeurs qui ont été partagées sur les réseaux sociaux, mais également par Donald Trump lui-même, le lendemain du jour de l’élection. « Comme on l’a largement rapporté, un grand nombre de votes ont été secrètement ajoutés aux résultats », a-t-il tweeté.

Lorsqu’on demande à Riley d’élaborer, il cherche à nuancer. « Moi, j’ai voté pour Biden. Je l’aime, Biden, il est cool. Mais je pense qu’il faut quand même se poser des questions [sur la légitimité du résultat] », argue-t-il.

« C’est sûr qu’il y a eu un peu de fraude, disons pour un ou deux pour cent de fraude, mais de là à avoir un impact sur le résultat ? Je ne crois pas », renchérit un jeune homme du groupe en route vers un mariage à Philadelphie.

« Amtrak Joe »

Dans le wagon-restaurant du train, le serveur, Kim Young, est heureux de l’issue de cette course électorale enlevante. « Je suis démocrate depuis presque 30 ans ! Près de 30 ans ! », insiste-t-il. À son comptoir, « tout le monde parlait de ça » ces derniers jours, alors que le résultat se faisait toujours attendre.

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Kim Young, serveur au restaurant-café du train d’Amtrak

Un homme arrive au comptoir pour s’acheter une boisson gazeuse. Comment accueille-t-il l’élection de Joe Biden ? « Je suis content ! Il va me permettre de gagner de l’argent ; je travaille pour Amtrak ! Il aime Amtrak, Joe », commente Phil.

Il est vrai qu’il existe une histoire d’amour entre le sénateur, qui représente le Delaware au Sénat depuis 47 ans, et l’entreprise ferroviaire publique américaine, si bien qu’il s’est même mérité le sobriquet de « Amtrak Joe ».

Le trajet d’environ 90 minutes entre la capitale fédérale et Wilmington, Joe Biden l’a fait pratiquement tous les jours. Selon son calcul, il a fait 8200 allers-retours et accumulé ainsi environ deux millions de miles (3,2 millions de kilomètres) au compteur.

En 2016, il a été l’un des architectes d’un programme de prêt fédéral d’une valeur de 2,45 milliards de dollars américains visant à aider Amtrak à moderniser ses installations. Son programme électoral prévoit mentionne qu’il compte favoriser l’électrification du système de transport par rail.

Soupir de soulagement

Pendant ce fameux trajet, samedi, les passagers ont pour la plupart le nez plongé dans leur téléphone.

C’est le cas d’Avery, 21 ans, qui est montée à la gare de Baltimore, au Maryland. « Ça explose sur Instagram, sur Snapchat, partout ! On s’envoie des textos de groupe. Le seul qui n’a pas écrit, c’est le membre de ma famille qui a voté Trump », dit-elle.

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Avery, 21 ans, est ravie de la victoire du duo Biden-Harris

La victoire « de Joe Biden, un vrai homme du peuple », la réjouit d’autant plus que cela signifie que « Kamala Harris sera la première femme vice-présidente et la première vice-présidente de couleur », ce qui lui apparaît « extraordinaire ».

De l’autre côté de l’allée, Anne, 78 ans, ressent du soulagement. « Je suis contente que ce soit fini. C’était une source de stress pour moi. Je sais, par contre, que ce n’est peut-être pas tout à fait terminé. On verra bien ce qui arrivera », laisse-t-elle tomber.

Le président Trump et son équipe légale ont signalé leur intention ferme de s’adresser à la Cour suprême pour contester l’élection. Le locataire de la Maison-Blanche, qui reste en poste jusqu’au 20 janvier, n’avait pas encore reconnu la victoire de son rival, samedi.

Quant à Joe Biden, il doit prononcer son discours de victoire samedi en soirée, au Chase Center, dans son fief de Wilmington. Il devrait prendre la parole aux environs de 20 h, en compagnie de sa colistière, Kamala Harris.