(St. Petersburg) Les sondages leur prédisaient une soirée maussade, mais les résultats en ont décidé autrement. En Floride, les partisans de Donald Trump se sont couchés certains de sa victoire dans leur État et optimistes quant à la possibilité de le voir rester à la Maison-Blanche une fois tous les bulletins dépouillés.

Tôt en soirée, le président américain s’est taillé une avance confortable en Floride, inaugurant une période d’incertitude sur le plan national avec des résultats bien plus serrés que prévu.

M. Trump a réussi à percer la forteresse démocrate et latino de Miami, réduisant à néant les chances de Joe Biden de remporter les 29 grands électeurs de l’État. L’immense population d’origine cubaine habitant cette ville est particulièrement sensible aux épithètes de « socialiste » et « communiste » lancées par Trump à l’endroit du Parti démocrate.

À St. Petersburg, dans le comté baromètre de Pinellas, sur la côte ouest de la Floride, plus d’une centaine de supporteurs du président s’étaient rassemblés dans un hôtel de banlieue pour célébrer la victoire ou encaisser la défaite. De grands écrans retransmettaient le signal de Fox News, déclenchant des cris de joie à chaque nouvelle encourageante pour leur camp. Malgré l’obligation claire de porter un masque, l’immense majorité d’entre eux n’en avaient pas. Les discussions avinées rapprochaient les visages.

« Je suis content des résultats pour la Floride, on dirait bien qu’on l’a gagnée. Je pense que nous allons aussi l’emporter sur le plan national », a affirmé Edwin Weingart, bénévole qui avait fait du porte-à-porte et des appels téléphoniques pour la campagne républicaine.

« Donald Trump a fait rouler les affaires »

Au moment de publier ce texte, le candidat républicain menait par trois points en Floride, avec 94 % des bulletins comptabilisés, tuant dans l’œuf tout scénario de victoire rapide et décisive pour Joe Biden. La marge de victoire de Donald Trump est importante dans un État dans lequel les élections se décident souvent par des dixièmes de point de pourcentage.

À Pinellas, les deux campagnes étaient coude à coude, Biden menant par à peine 1000 voix dans un comté qui compte près de 1 million d’électeurs.

M. Weingart a expliqué que les électeurs avec lesquels il discutait étaient impressionnés par les imposants « rallyes » de Donald Trump, rassemblant des milliers de personnes. « Joe Biden est venu ici et il a fait un rassemblement avec 300 voitures, s’est-il moqué. Ça ne se compare pas. »

Yvonne Swanson a mené sa « propre petite campagne » dans son cercle social et est venue célébrer sa victoire au Hilton. Robert Kelzeo, vêtu d’une chemise ornée d’un immense drapeau américain, n’avait pas grand monde à convaincre : « Mon cercle est conservateur et capitaliste. Nous n’avons aucune tolérance pour le socialisme. »

Gale Valenti, chapeau de cowboy aux couleurs républicaines sur la tête, a convaincu ses employés de se tourner vers Donald Trump, a-t-elle juré. « Je possède une entreprise de déménagement. Il y a quatre ans, mes employés ne votaient même pas, a-t-elle dit. Donald Trump a créé des emplois, il a fait rouler les affaires. Notre entreprise était plus occupée. Je faisais plus d’argent, mes employés ont vu qu’ils faisaient plus d’argent, alors ils étaient contents. »

« Je ne pensais pas qu’il ferait si bien »

Les partisans de Donald Trump peuvent se vanter d’avoir recruté quelques électeurs, mais c’est toutefois à 300 kilomètres de St. Petersburg, de l’autre côté des Everglades, que la partie s’est jouée. Dans l’immense comté de Miami-Dade, qui comprend 1,5 million d’habitants de l’agglomération de Miami, le vote démocrate s’est effondré : Joe Biden a récolté 10 points de moins qu’Hillary Clinton en 2016.

Donald Trump m’a surpris, je ne pensais pas qu’il ferait si bien.

J. Edwin Benton, professeur de sciences politiques à l’University of South Florida

Dans cet État, « Biden a perdu son élection à cause de ses mauvais résultats chez les Américains d’origine cubaine, chez les Afro-Américains et chez les autres immigrants d’Amérique centrale et du Sud. » Ailleurs en Floride, Biden a fait moins bien que prévu chez les retraités blancs « qui craignaient pour leur vie » après les émeutes (survenues à des milliers de kilomètres) qui ont suivi la mort de citoyens aux mains de la police, au printemps dernier, a-t-il ajouté.

Après avoir servi de champ de bataille lors de la dernière élection présidentielle extrêmement serrée, en 2000, la Floride peut pousser un soupir de soulagement : ce n’est pas vers elle que les yeux de la planète seront tournés pendant plusieurs jours, dans l’attente d’un résultat.

Peu importe quels États se retrouvent dans cette position inconfortable cette année, Edwin Weingart – le bénévole qui se moquait des rassemblements de Joe Biden – a dit souhaiter que l’incertitude se dissipe rapidement.

« Pendant 240 ans, nous avons eu des transferts de pouvoir sans problème, a-t-il dit. J’espère que ça va continuer. Si Joe Biden l’emporte, je vais le soutenir, c’est la majorité qui décide. Nous sommes tous des Américains. »