(Philadelphie) Le pasteur Bill Henshaw a peut-être tiré des conclusions hâtives. Du moins, c’est l’espoir de Joe Biden, qui a exhorté les Américains à la patience en exprimant sa confiance de remporter la victoire dans plusieurs des États dont les résultats sont encore en suspens.

« Nous savions que cela allait être long », a déclaré le candidat démocrate lors d’une brève intervention à Willmington, au Delaware, devant des partisans après minuit trente. « Nous nous sentons bien. Nous sommes en bonne voie de gagner l’élection », a-t-il ajouté en plaçant l’Arizona, la Pennsylvanie, le Wisconsin, le Michigan et même la Géorgie parmi les États où il a bon espoir de sortir vainqueur.

« Ce n’est pas fini avant que chaque vote ait été compté », a-t-il encore dit.

Donald Trump et son équipe semblent être déterminés à contester le dépouillement des bulletins de vote par correspondance qui pourrait déterminer l’issue de l’élection présidentielle en Pennsylvanie, au Wisconsin et au Michigan.

Entre-temps, le président pourra compter sur l’appui de Bill Henshaw, qui était heureux, mais pas surpris, tard mardi soir d’apprendre que son candidat préféré avait encore des chances d’être réélu.

« Les rassemblements de Trump ont attiré des milliers de personnes en Pennsylvanie et dans les autres États où il a fait campagne. Ceux de Joe Biden ont attiré très peu de personnes. Je serai surpris que Biden gagne », a déclaré le pasteur après avoir passé la soirée électorale à offrir des repas chauds et un soutien spirituel à des sans-abri devant l’hôtel de ville de Philadelphie, comme il le fait tous les mardis soir.

Même si les gens n’aiment pas Trump, il fait du bon travail dans plusieurs domaines, dont l’économie.

Le pasteur Bill Henshaw

Les résultats finaux donneront peut-être raison au pasteur de Harleysville, municipalité située à une cinquantaine de kilomètres au nord de Philadelphie. Mais l’avance de Donald Trump en Pennsylvanie pourrait fondre après le dépouillement des bulletins de vote par correspondance, comme celles dont il jouit au Michigan et au Wisconsin.

Dans une ville démocrate comme Philadelphie, Bill Henshaw était une des rares âmes à se réjouir d’un tel suspense. « Je n’en reviens pas que cette élection soit si serrée », a déclaré Steve Gallagher, ambulancier, avant de descendre dans une station de métro du centre-ville quasi désert de Philadelphie. « On dirait une répétition de 2016, mais après une récession et une pandémie. »

Biden et la Pennsylvanie

En attendant le combat politico-juridique à venir, personne ne pourra reprocher à Joe Biden d’avoir négligé la Pennsylvanie et ses 20 voix au collège électoral dans la dernière ligne droite. Après avoir fait campagne dimanche aux quatre coins de l’État, le candidat démocrate a fini la journée de lundi à Pittsburgh avec Lady Gaga et commencé celle de mardi à Scranton, sa ville natale, où il s’est arrêté dans la maison qui l’a vu grandir pour écrire sur un des murs du salon un message qu’il voulait prophétique : « De cette maison à la Maison-Blanche, avec la grâce de Dieu ».

Accompagné de deux de ses petites-filles, il s’est ensuite rendu à Philadelphie, où il avait commencé il y a huit mois sa troisième campagne présidentielle. « Je suis persuadé que les gens qui n’ont pas voté la dernière fois le font aujourd’hui, et j’ai bon espoir de l’emporter en Pennsylvanie », a déclaré l’ancien vice-président à un groupe d’électeurs avant de rentrer au Delaware, où il a suivi les résultats de l’élection. Le camp républicain n’a pas manqué de faire circuler un clip où Joe Biden a utilisé le nom de Beau, son fils défunt, en tentant de nommer une de ses petites-filles. Il a aussitôt corrigé son erreur.

La journée du scrutin s’est déroulée sans incident majeur à Philadelphie et dans le reste de la Pennsylvanie, malgré les craintes entretenues par les médias. Certains électeurs ont cependant avoué avoir voté avec une boule dans l’estomac. « Je suis anxieuse », a déclaré Audra Miano, infirmière de 37 ans rencontrée à la sortie d’un bureau de scrutin de West Philadelphia, un secteur de Philadelphie dont la population est majoritairement noire.

Ce n’est pas la possibilité d’une victoire de Donald Trump qui me rend anxieuse. Je crois qu’il perdra. Mais j’ai peur qu’il n’accepte pas la défaite.

Audra Miano

À la veille du scrutin, Donald Trump avait certainement suscité la polémique en dénonçant sur Twitter le refus de la Cour suprême d’interdire à la Pennsylvanie d’accepter les bulletins de vote par courrier jusqu’au 6 novembre, à condition qu’ils aient été postés avant le 3 novembre. Le président avait agité du même coup le spectre de la fraude électorale et de « la violence dans les rues ».

Un peu plus tôt, lors d’un discours en Pennsylvanie, il avait également exhorté le gouverneur démocrate de cet État, Tom Wolf, à ne pas « tricher ». « Les électeurs de Pennsylvanie ne seront pas intimidés, a répliqué le gouverneur Wolf sur Twitter. Vous pouvez nous regarder compter chaque vote et avoir une élection équitable. » L’issue du vote en Pennsylvanie pourrait bien se décider à Philadelphie, où Donald Trump a récolté seulement 15,4 % des voix en 2016. Même s’il se vante d’être le président ayant fait le plus pour les Noirs depuis Abraham Lincoln, les électeurs afro-américains qui en doutent sont légion dans cette ville. « Je ne suis en accord avec Trump sur absolument rien », a dit Maurice Williams, artiste de West Philadelphia, après avoir déposé son bulletin de vote. « C’est la seule raison pour laquelle j’ai voté. Mais je dois vous dire que j’ai peur qu’il parvienne quand même à gagner. »