Si l’imposition très variable du port du couvre-visage au Tennessee est un casse-tête pour les autorités sanitaires de cet État, elle a au moins l’avantage de fournir des données frappantes sur ses effets sur la courbe d’hospitalisations. Dans une étude publiée le 27 octobre, des chercheurs de l’Université Vanderbilt démontrent que les hospitalisations dans les comtés où le port du masque n’est pas obligatoire ont augmenté de 200 % depuis juillet, soit une hausse beaucoup plus draconienne que dans les autres hôpitaux.

Au Tennessee, le gouverneur Bill Lee a laissé aux autorités de chacun des 95 comtés de l’État le soin de légiférer ou non sur le port du couvre-visage.

« Vous pouvez donc avoir un comté qui impose le masque, comme le comté de Davidson où j’habite. Mais à 15 minutes de route, dans le comté de Williamson, on a laissé tomber le port du masque [au mois d’août]. Il y a donc beaucoup de disparités à l’intérieur de l’État », explique en entrevue la Dre Melissa McPheeters, professeure à l’Université Vanderbilt à Nashville, dans le comté de Davidson.

De fait, la moitié seulement des 6,8 millions d’habitants du Tennessee vit à un endroit où le masque est obligatoire, dit la Dre McPheeters.

Les effets de cette disparité apparaissent clairement sur la courbe des hospitalisations dans les hôpitaux de l’État. « Tous les hôpitaux du Tennessee ont vu une augmentation des hospitalisations » depuis l’été, dit la Dre Melissa McPheeters. « Mais les hôpitaux dont les patients viennent surtout de comtés où le port du couvre-visage n’est pas obligatoire voient la plus grande hausse du nombre d’hospitalisations. Et on parle d’augmentations très rapides. »

Dans les hôpitaux où moins de 25 % de la clientèle vient de comtés où le masque est obligatoire, l’augmentation du nombre d’hospitalisations depuis le 1er juillet dépasse 200 %. À l’inverse, dans les hôpitaux où plus de 75 % des patients habitent des comtés où le masque est obligatoire, les hospitalisations se font à peu près au même rythme actuellement qu’en juillet.

Des hôpitaux du Tennessee avisent ces jours-ci leur clientèle qu’ils se trouvent dans une situation critique. C’est le cas de celui du comté de Maury (centre du Tennessee), qui a annoncé cette semaine qu’il suspendait toutes les opérations non urgentes jusqu’à nouvel ordre, ses services d’urgence étant débordés par l’afflux de patients atteints de la COVID-19.

En juillet, le maire du comté de Maury, Andy Ogles, s’était opposé au port du masque obligatoire, disant que c’était une question de « liberté et de responsabilité individuelle ». Le directeur des services de santé de ce même comté, Alan Watson, a « imploré » cette semaine ses concitoyens « de se protéger eux-mêmes et les autres en se couvrant le visage, en pratiquant la distanciation physique et le lavage des mains ».

Jusqu’ici, ni le maire Andy Ogles ni le gouverneur Bill Lee n’ont laissé entendre que leur position avait changé. Le Tennessee se classe actuellement au 8e rang des États américains avec le plus grand nombre de cas au prorata de sa population – mercredi, les autorités ont ajouté 1900 cas d’infection en 24 heures.

Le Tennessee n’est pas le seul État à ne pas avoir rendu le masque obligatoire sur tout son territoire : en tout, 17 États ont préféré ne pas légiférer sur la question. Au Kansas, le gouverneur a imposé le masque en juillet, mais les comtés pouvaient obtenir une exemption. Seuls 20 des 105 comtés ont effectivement rendu le masque obligatoire : les transmissions y ont été réduites de 50 % par rapport aux comtés sans obligation, selon des chercheurs de l’Université du Kansas.

Un modèle épidémiologique de l’Université de Washington publié récemment dans Nature estime même que 130 000 décès pourraient être évités d’ici la fin de février si 95 % de la population portait un masque en présence d’autres personnes.

Les chercheurs de l’Université Vanderbilt disent espérer que leurs conclusions inciteront les élus à rendre obligatoire le port du couvre-visage au Tennessee. « Il est maintenant évident que le masque fonctionne, que l’obligation de le porter fonctionne », dit la Dre Melissa McPheeters.

Elle souligne par ailleurs que les comtés qui ont légiféré sur le masque mettent aussi en œuvre d’autres mesures de protection. « Les résidants de ces comtés ont davantage tendance à pratiquer la distanciation physique, à limiter leurs déplacements. Ce sont des comportements qui vont ensemble. Le port du couvre-visage aide les gens à se souvenir de pratiquer toutes les autres mesures. »

– Avec l’Agence France-Presse