La juge Amy Coney Barrett, que Donald Trump a nommée à la Cour suprême, fait partie d’un groupe catholique charismatique, People of Praise. La conviction centrale de ces mouvements, le sentiment d’être directement touché par le Saint-Esprit, a mené à plusieurs accusations contre la juge Barrett.

Le comédien Bill Maher a notamment traité la juge de « cinglée » (nut) parce qu’elle « parle en langues ». Cela correspond à l’épisode du Nouveau Testament appelé Pentecôte où le Saint-Esprit descend sur les apôtres qui se cachent après la mort de Jésus, et leur donne la capacité de parler et comprendre toutes les langues. Les charismatiques modernes rapportent parfois ce genre d’expériences.

Au-delà de la Pentecôte, comment l’influence charismatique affectera-t-elle le travail de la juge Barrett à la Cour suprême ? « Les charismatiques sont certainement parmi les catholiques plus conservateurs, il n’y a aucun doute », explique Thomas Reese, un jésuite de l’Université de Santa Clara en Californie qui a dirigé le magazine jésuite America de 1998 à 2005. « Mais ce ne sont pas des conservateurs puristes, qui veulent exclure les tièdes de l’Église. L’unité de l’Église est importante pour eux. Ils ne se mêlent pas aux catholiques de gauche, mais ne veulent pas créer de division parmi les catholiques. »

En ce sens, selon le père Reese, la juge Barrett sera plus semblable au juge en chef de la Cour suprême, John Roberts, plutôt qu’au juge très conservateur Clarence Thomas.

À la Cour suprême, elle va tout faire pour éviter de diviser les États-Unis.

Thomas Reese, jésuite de l’Université de Santa Clara en Californie

Cela pourrait la mener, comme le juge Roberts, à éviter de prendre de front les dossiers incendiaires comme l’avortement et l’assurance maladie publique, et de rendre des jugements très ciblés ou qui englobent une partie des juges progressistes de la Cour suprême. La nomination de la juge Barrett étant confirmée, les conservateurs disposent d’une majorité de six contre trois à Cour suprême.

Le pape François est favorable au mouvement charismatique, selon le père Reese, y voyant une manière inspirante de vivre la foi dans le monde moderne.

Les charismatiques sont souvent très attachés à la figure de Marie, la mère de Jésus, parce que l’Esprit saint aurait veillé sur elle durant sa grossesse. Marie est souvent décrite comme « la première charismatique ».

Dans America, un jésuite qui a grandi dans une famille charismatique avant de s’éloigner du mouvement à l’âge adulte a récemment écrit avoir assisté à une réunion de prière de People of Praise où la juge Barrett était présente. « Nous avons étendu nos mains au-dessus d’elle et de sa famille, pour prier pour eux. Ce sont des gens qui ont la conviction profonde qu’il faut aider les pauvres, et que les catholiques ont une relation personnelle avec le Christ. »

PHOTO TIRÉE DU SITE PEOPLE OF PRAISE

Une réunion du groupe charismatique catholique People of Praise

Selon le père Reese, la nomination de la juge Barrett rapprochera du président Trump les catholiques blancs, souvent républicains, et n’aura pas d’effet sur les catholiques hispanophones, plutôt démocrates. « Si un juge comme Brett Kavanaugh avait été nommé plutôt qu’Amy Barrett, ça aurait pu être négatif pour les hispanophones, dit le père Reese. Mais pour convaincre les hispanophones de voter pour Trump, il aurait fallu nommer un catholique hispanophone à la Cour suprême. »

Pourquoi « charismatique » ?

Les charismatiques ont le sentiment d’avoir une relation personnelle et directe avec Dieu, très souvent l’Esprit saint. Ils veulent que leur vie soit un exemple pour le monde de cette foi très profonde, de ce « charisme », comme les apôtres ont témoigné du message de Jésus-Christ par leurs prêches, mais aussi par leur vie exemplaire.