(Waukesha) « Nous avons 10 jours ! ». Donald Trump a enchaîné samedi trois rassemblements de campagne en une seule journée. Et affiché sa volonté de continuer sur ce rythme effréné jusqu’à l’élection du 3 novembre.  

Plus de 3000 km à bord d’Air Force One, du sud de la Floride à Washington en passant par la Caroline du Nord, l’Ohio, et le Wisconsin.  

Si l’on en croit les sondages, la victoire tend les bras à son rival démocrate Joe Biden. Ce coup d’accélérateur sera donc pour l’ancien homme d’affaires soit le déclencheur d’une autre surprise colossale, soit le dernier tour de piste.

Pour l’heure, le président américain fonce, avec son indéniable énergie en bandoulière, invoquant sans relâche le souvenir de la fin victorieuse de 2016.  

« Comme un homard ! »

À Lumberton, en Caroline du Nord, une scène a été aménagée au milieu d’un champ. Un immense drapeau américain accroché entre deux grues hydrauliques flotte au vent.

PHOTO TOM BRENNER, REUTERS

Donald Trump danse au son de YMCA du groupe Village People alors qu'il quitte la scène, dimanche à Lumberton, en Caroline du Nord.

Il entre en scène en début d’après-midi, sous un soleil de plomb.

« Je vais finir comme un homard ! », lance-t-il dans les rires. « Est-ce que quelqu’un aurait un peu de crème solaire pour votre président ? ».

Les sondages ? Il s’en sort par cette forme de roublardise dont il use souvent pour mettre l’auditoire de son côté.

« Lorsqu’ils sont en ma faveur, je les aime, je les mentionne tout le temps, je dis qu’ils sont fantastiques. Lorsqu’ils ne sont pas en ma faveur, je n’en parle pas ».

Quatre heures plus tard, il est à Circleville, dans l’Ohio, plus au nord. Ciel gris, le froid est tombé. Il a enfilé un manteau. L’audience est moins réactive. Il est moins joueur aussi.

Dans la soirée il retrouve Waukesha, au Wisconsin, pas loin du lac Michigan.

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Une importante foule s'était rassemblée à l'aéroport de Waukesha pour voir Donald Trump.

La foule, compacte, est au rendez-vous malgré le froid automnal qui pique (température proche de zéro).

« Si on gagne le Wisconsin, on a gagné, c’est fini ! », lance Trump, qui a retrouvé son énergie de début de journée.  

Une nouvelle fois, il met en scène sa performance. « Il faut voter hein ! Moi, je suis ici à je ne sais pas quelle heure de la nuit. Et il fait un froid polaire ! Si je ne gagne pas cet État, je vais revenir et je serai très en colère contre vous ! ».

Lumberton, Circleville, Waukesha : au-delà des hauts et des bas du spectacle présidentiel, la foule retrouve toujours son enthousiasme lorsque sortent, à plein volume, les premières notes de YMCA du groupe Village People, qui conclut tous les rassemblements. Les quelques mouvements de danse présidentiels sont devenus un incontournable, qui a aussi enflammé TikTok.

« On n’a jamais vu ça ! »

Tout est fait pour marquer le contraste avec son rival démocrate, qui, est de fait, spectaculaire.

À l’annonce de cette journée-marathon, l’un des porte-parole de la Maison-Blanche, Ben Williamson, soulignait que Donald Trump se serait rendu « dans plus d’États en une seule journée que Joe Biden au cours de toute cette semaine ».

Lorsqu’il se déplace à l’arrière d’Air Force One pour un bref échange les journalistes qui l’accompagnent, le président se charge lui-même d’accentuer le contraste.  

PHOTO TOM BRENNER, REUTERS

Donald Trump discutant avec les journalistes à bord d'Air Force One, le 23 octobre

Affichant un visage décontracté, il s’amuse à l’idée de pousser jusqu’à cinq par jours. « Vous pensez que Joe Biden pourrait en faire cinq par jour ? Je ne crois pas… »

Sous couvert de l’anonymat, un haut responsable de la Maison-Blanche résume ainsi l’équation de la dernière ligne droite : « La campagne Biden pense qu’avec une stratégie d’attente ils peuvent surfer sur les sondages positifs et l’emporter. On verra si cela fonctionne… »

« COVID ! COVID ! COVID ! »

Message central de ces rassemblements ? La COVID-19 appartient presque déjà au passé.

Donald Trump, qui aime brandir les scénarios apocalyptiques en évoquant les mouvements de contestation ou l’immigration, devient le plus optimiste des dirigeants dès qu’il s’agit de la pandémie.

Il se moque des mises en garde de Joe Biden sur les difficiles semaines et mois à venir. « Vous l’avez entendu l’autre soir ? “L’hiver sera sombre” », lance-t-il d’une voix traînante. « Il sait trouver les mots qui inspirent ce type… ».

Il promet un proche retour à la normale, « avec ou sans vaccin », sans, à aucun moment, dire comment.

Il dénonce l’attitude des médias : « J’allume la télévision et tout ce que j’entends c’est COVID ! COVID ! COVID ! », s’égosille-t-il.  

« Au fait, je l’ai eu et je suis là », ajoute-t-il sans un mot sur le lourd bilan de la pandémie [près de 225 000 morts] et la cascade d’indicateurs inquiétants qui repartent à la hausse depuis quelques jours.

Arrivé à la Maison-Blanche peu après une heure du matin dimanche, il devait s’envoler de nouveau, avant midi. Cette fois pour le New Hampshire.

Comme il y a quatre ans, Donald Trump a fait de son omniprésence sur les estrades de campagne l’alpha et l’oméga de sa stratégie. Pourtant, si l’on en juge les sondages, notoirement stables depuis plusieurs mois, elle semble cette fois moins payante.

« Il y a une forme de saturation », explique à l’AFP Julian Zelizer, professeur de sciences politiques à l’Université de Princeton.

« C’était nouveau en 2016. Aujourd’hui il est au pouvoir, au beau milieu d’une crise majeure, et cela sonne différemment ».

Est-ce pour autant un exercice futile ? Pas si vite, répond ce spécialiste de l’histoire politique américaine.

« Ce serait une erreur de balayer d’un revers de manche le possible impact [de ces rassemblements], même s’il est clairement derrière. »