(Cullman) Jeannette Boudreaux n’a pas perdu son français d’antan, ni le souvenir de ses jeunes années normandes. Arrivée aux États-Unis après la Libération, elle n’a aujourd’hui, à 95 ans « et demi », qu’un souhait : « vivre assez longtemps pour aller voter » pour Donald Trump en novembre.

Cette inconditionnelle du milliardaire républicain ne parlait pas anglais quand elle a débarqué en Louisiane, au printemps 1946, à bord d’un bateau transportant des centaines de jeunes Françaises tombées amoureuses, comme elle, de soldats américains après le Débarquement.  

« Tout ce que je pouvais dire, c’était “I love you”, des trucs dans le genre », raconte-t-elle, 75 ans après, en passant spontanément d’une langue à l’autre. « J’ai appris avec des bandes dessinées et la télévision. »

Malgré l’éloignement et une belle-mère « jalouse » et « méchante », le choc culturel n’a pas été si brutal.  

« C’était différent, mais j’étais contente quand même de venir ici parce qu’on crevait de faim en France », se souvient la nonagénaire. « J’ai vu pas mal de choses pendant la guerre. J’avais 14 ans quand elle a été déclarée. Ma mère était invalide, il fallait que je m’occupe d’elle. »

Elle travaillait à l’usine quand les Américains ont chassé les Allemands de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen. C’est là qu’elle a rencontré, en 1945, un Louisianais venu libérer la France, Allen Boudreaux.

Ils se sont mariés l’année suivante, ont eu trois enfants et Jeannette, à part quelques visites à la famille, n’a plus revu sa Normandie : « Je me sens plus Américaine que Française. C’est là que j’ai fait ma vie, il y a 75 ans que je suis ici. »

Photo dédicacée

Longtemps employée dans l’hôtellerie et la restauration, elle a vu passer dans l’intermède quelques présidents américains, mais pour elle, pas de doute, Donald Trump est le meilleur.

« Reagan était bon, mais celui-ci les bat tous », assure-t-elle depuis le sous-sol de chez l’une de ses filles, à Cullman, en Alabama, où elle a trouvé refuge après le passage coup sur coup en Louisiane de deux ouragans qui ont endommagé sa maison.

« Il est superbe », insiste-t-elle, conquise par le franc-parler de l’ancien homme d’affaires new-yorkais. « Ce qu’il promet, il le fait. Ceux qu’on avait avant, ils ne faisaient rien pour nous. »

La native de Normandie naturalisée américaine, au caractère lui-même bien trempé, n’a pas de mots assez durs pour Joe Biden - « Il y a quelque chose avec cet homme-là, il fait un tas de gaffes » -et les démocrates, dont la victoire plongerait selon elle les États-Unis dans le chaos.

« Ça nous fait peur. Surtout à mon âge, je pense à mes petits-enfants, à mes arrière-petits-enfants… », maugrée-t-elle derrière son masque bleu, assorti à sa marinière. « Les démocrates, ça veut donner tout gratuit. Mais après les taxes vont augmenter. »

Régulièrement branchée sur la chaîne conservatrice Fox News, dont elle reprend la rhétorique, la vieille dame n’est pas peu fière d’avoir dans sa chambre une photo dédicacée du président.

« Elle était derrière Trump dès le début, avant même que je ne le sois », souligne sa fille Jacqueline Schendel, qui n’avait pas voté pour le magnat de l’immobilier lors des primaires républicaines en 2016.

Malgré des genoux récalcitrants, Jeannette compte se rendre en personne voter pour lui le 3 novembre. Elle ne fait pas confiance au vote par correspondance.