(Washington) Donald Trump croit avoir « guéri » de la COVID-19 grâce à un traitement expérimental qu’il promet désormais d’autoriser en urgence. Même si le médicament est jugé prometteur, ces pressions créent le doute sur l’intégrité scientifique de l’Agence des médicaments (FDA), a fortiori pour la future décision d’approuver un vaccin.

Depuis le début de la pandémie, Donald Trump s’est passionné pour les réponses purement pharmaceutiques au coronavirus, se désintéressant des mesures de santé publique comme le masque et la distanciation physique, et il avait ouvertement fait pression sur la FDA pour qu’elle autorise par exemple l’hydroxychloroquine.

Ce fut un fiasco : le vieux médicament contre le paludisme fut le premier à recevoir une autorisation conditionnelle contre la COVID-19 aux États-Unis, fin mars, mais après que plusieurs grandes études ont été incapables de prouver son efficacité, l’autorisation a été révoquée.

Le traitement que lui-même a reçu vendredi dernier est bien plus crédible que l’hydroxychloroquine : ce sont des anticorps de synthèse, développés par la société de biotechnologie américaine Regeneron, et qui ont produit des résultats prometteurs dans des essais cliniques préliminaires sur 275 malades.

Le groupe pharmaceutique Eli Lilly développe ses propres anticorps « monoclonaux », qui ont aussi montré qu’ils aidaient les malades légers et modérés à combattre l’infection et à se rétablir plus vite.

Ces anticorps fabriqués en laboratoire et transfusés en une dose sont destinés à remplacer le système immunitaire pour neutraliser le coronavirus.

Comme d’autres entreprises biopharmaceutiques, Regeneron a testé ses anticorps en utilisant des lignées cellulaires dérivées d’un fœtus avorté aux Pays-Bas dans les années 1970 (HEK293T) ; ces cellules « immortelles » sont communément utilisées dans l’industrie, mais le sujet est revenu sur le devant de la scène en raison de l’opposition traditionnelle des conservateurs américains au recours à des cellules issues d’avortement.

Les deux sociétés ont déposé, dès mercredi, une demande d’autorisation en urgence à la FDA, dont les experts vont désormais éplucher les données fournies par les fabricants. La communauté scientifique n’a pas pu les vérifier indépendamment, car les résultats n’ont été annoncés que par communiqués, et non publiés par une revue à comité de lecture.

Échantillon = 1

Mais Donald Trump a clairement dit que sa propre expérience, et non les données, guidait sa décision.

« J’ai entendu parler de ce médicament, j’ai demandé qu’on me le donne, c’était mon idée », a-t-il dit mercredi.

« Si je ne l’avais pas attrapé, ce ne serait à nos yeux qu’un médicament parmi d’autres », a ajouté le dirigeant. « Je veux que vous ayez la même chose que moi ».

« Je l’ai autorisé », a-t-il dit, bien que la FDA n’ait encore rien annoncé.

Par comparaison, les deux autres traitements recommandés contre la COVID-19, l’antiviral remdesivir et le corticoïde dexaméthasone, sont soutenus par des essais sur des milliers de malades (Donald Trump a aussi reçu les deux).

Les experts s’inquiètent de voir le président claironner que les Américains ne doivent pas avoir peur de la COVID-19 au prétexte que la maladie ne l’a pas terrassé.

« Il raconte depuis le début que tout est exagéré », dit à l’AFP Jeremy Konyndyk, chercheur au Center for Global Development. « Il n’est pas tiré d’affaire, mais s’il survit sans séquelle, c’est ce qu’il croira, sur la base d’un échantillon d’une personne, alors que 210 000 personnes sont mortes ».

Quel est le risque ?

Jusqu’à cette semaine, la crainte était que la FDA se compromette et autorise prématurément un vaccin avant l’élection du 3 novembre, peut-être celui de Pfizer, avant que les essais en cours sur des dizaines de milliers de bénévoles n’aient confirmé avec un haut degré de certitude qu’il est efficace et sûr.

Mais l’agence a fixé mardi des critères de durée aux essais qui rendent matériellement improbable une conclusion dans les quatre prochaines semaines, ce qui a agréablement surpris les plus critiques des experts, qui pensaient que la FDA plierait encore l’échine.

« Ni la FDA ni moi ne céderons aux pressions, de la part de quiconque », a dit Stephen Hahn. « Nous nous battrons pour défendre l’intégrité de l’agence ».

Une fois n’est pas coutume, Donald Trump a semblé se résigner, tout en restant optimiste : « Ils jouent à leurs jeux, ce sera juste après l’élection ».