À quoi pourrait ressembler un second mandat de Donald Trump ? Des experts entrevoient davantage de chaos, une chance ratée de prévenir une catastrophe climatique, ainsi qu’une montée des violences interraciales.

À quoi ressemblerait un second mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche ?

Si vous avez apprécié les quatre dernières années, vous risquez d’aimer les quatre prochaines, alors que Trump pourrait gouverner sans avoir de comptes à rendre à quiconque, signalent des experts avec qui nous avons parlé.

Mais si l’urgence climatique, la crise raciale ou les relations internationales vous interpellent, un second mandat de Trump promet de changer en profondeur la société américaine et, par extension, le reste de la planète.

Dans un second mandat, nous aurions à composer non seulement avec un président imprévisible, mais avec un président qui n’a plus rien à perdre.

Don Abelson, directeur de l’Institut pour la gouvernance Brian Mulroney, à l’Université St. Francis Xavier, en Nouvelle-Écosse

Un président qui n’a plus besoin de faire face à l’électorat « pourrait être plus problématique » pour plusieurs dossiers, dont les relations entre le Canada et les États-Unis.

« Trump est un président colérique, qui impose des tarifs, qui n’écoute pas ce que ses alliés les plus proches ont à dire, donc ça pourrait s’accentuer, souligne M. Abelson. Sur le front des échanges commerciaux, de la sécurité, de l’environnement, de la politique étrangère, il y a lieu d’être très inquiet d’un deuxième mandat de Trump, parce que les Canadiens ne sont pas sur la même longueur d’onde que la Maison-Blanche. »

Exode au département d’État

La question de la réélection de Donald Trump est bien sûr clivante. Cette année, des prises de position vont au-delà des critiques partisanes habituelles.

Il y a trois semaines, un éditorial du Washington Post a appelé les Américains à ne pas réélire Donald Trump. « Quatre années de plus de mépris de Trump pour la compétence seraient dévastatrices », note le quotidien.

Les éditorialistes n’attaquent pas ses opinions politiques, mais citent plutôt des manquements graves à sa fonction, allant du dédain du président pour la lecture des documents clés préparés pour lui à son « incapacité » à écouter les breffages de ses conseillers et d’analyser ce qui s’y dit.

Le départ « sans précédent » de diplomates et d’employés de carrière du département d’État sous Donald Trump inquiète pour un second mandat : par exemple, près de la moitié du personnel de carrière du département d’État est parti ou a été mis à la porte.

« Un autre mandat pourrait permettre à M. Trump d’achever la démoralisation, la politisation et la destruction d’une main-d’œuvre qui faisait autrefois l’envie du monde : le service civil américain. Dans tous les domaines, de la sécurité des consommateurs à la qualité de l’air en passant par l’espérance de vie, les résultats d’un second mandat de Trump seraient catastrophiques. Mais il ne resterait plus personne [au gouvernement] pour les mesurer. »

PHOTO PAULA BRONSTEIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Un membre du groupe d’extrême droite The Proud Boys porte son arme en bandoulière lors d’une cérémonie à la mémoire d’Aaaron J. Danielson, à Vancouver dans l’État de Washington, le 5 septembre. M. Danielson, membre du groupe d’extrême droite Patriot Prayer, a été tué en août lors de heurts entre partisans du président Trump et militants du mouvement Black Lives Matter, en marge de manifestations à Portland, en Oregon.

Sous Trump, on a aussi pu voir une hausse des activités et de la présence de milices armées dans différentes villes américaines. Une réalité certaine de se poursuivre dans un deuxième mandat, note Vegas Tenold, auteur et chercheur à la Ligue antidiffamation, une organisation non gouvernementale qui soutient la lutte contre le racisme et la discrimination.

Ces personnes lourdement armées se voient comme des justiciers. Ils sont d’avis que les forces policières ne répondent pas à tous les besoins, alors ils se sont donné comme mission de remplir les trous. Dans leur esprit, ils sont en guerre, et ça va continuer dans un second mandat.

Vegas Tenold, auteur et chercheur à la Ligue antidiffamation

Des groupes d’extrême droite comme The Proud Boys et Patriot Prayer soutiennent le président Trump, et leurs membres lourdement armés ont pris part à des flambées de violence ces dernières semaines.

« Le président ne fait rien pour les désavouer, et ces gens se voient de facto comme sa force de sécurité personnelle. Je m’attends à voir une hausse de la violence d’ici au 3 novembre, et aussi après l’élection. Il est naïf de croire qu’une désescalade est à portée de main. »

John Fea, auteur et professeur d’histoire des États-Unis au Messiah College, en Pennsylvanie, mentionne qu’un des blocs d’électeurs les plus fidèles à Trump, les évangéliques blancs, va continuer de l’appuyer massivement cet automne. En 2016, 81 % des évangéliques blancs avaient voté pour Trump.

« Je pense qu’ils vont être 75 %, voire plus, à l’appuyer cette année aussi », dit-il.

Dans un second mandat de Trump, les électeurs évangéliques vont vouloir des protections accrues pour les groupes religieux qui veulent exclure de leurs rangs ou ne pas avoir à embaucher des employés de la communauté LGBTQ, ou ne pas avoir à rembourser des contraceptifs dans leur régime d’assurances collectives. « Avoir Trump à la Maison-Blanche pour les quatre prochaines années leur permettrait d’avoir un certain degré de protection sur ces enjeux », dit M. Fea.

La question de la nomination de juges conservateurs à la Cour suprême est aussi au sommet des priorités des électeurs évangéliques blancs. Samedi, Donald Trump a nommé la juge conservatrice Amy Coney Barrett pour remplacer l’icône féministe Ruth Bader Ginsburg, morte le 18 septembre. Après avoir été désigné comme un candidat potentiel à la Cour suprême il y a deux semaines, le sénateur républicain Tom Cotton avait écrit sur Twitter qu’il était temps de « mettre fin à Roe c. Wade », soit la décision historique qui a affirmé le droit des femmes à l’avortement aux États-Unis en 1973.

Cela dit, il est trop tôt pour savoir si Trump se soucierait effectivement beaucoup des évangéliques blancs dans un deuxième mandat, note M. Fea. « Aujourd’hui, il a besoin d’eux, mais s’il gagne, il n’aura plus besoin d’eux, alors qui sait ? »

Catastrophique pour le climat

La réélection de Trump confirmerait la décision du gouvernement américain de ne pas réduire les émissions de gaz à effet de serre, ni de participer aux efforts internationaux en ce sens, et encore moins d’en être l’instigateur.

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Cette photo satellite de la NASA montre l’ouragan Laura balayant la Louisiane et le Texas, alors que la Station spatiale internationale survole le golfe du Mexique, le 30 août.

John Coequyt, directeur de la politique climatique mondiale du groupe environnementaliste américain Sierra Club, note que les effets seraient désastreux pour la concentration chaque jour plus élevée de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, avec des conséquences à long terme pour la vie sur Terre.

Ce n’est pas seulement que Donald Trump ne veut rien faire pour le climat. C’est qu’il veut défaire ce qui a été accompli jusqu’ici.

John Coequyt, directeur de la politique climatique mondiale du Sierra Club

La bonne nouvelle, dit-il, c’est que Trump a été incapable de freiner la baisse de popularité du charbon pour la génération de l’électricité aux États-Unis. Le charbon perd du terrain au profit des énergies renouvelables, comme l’énergie solaire et éolienne.

« Ce sont des décisions d’affaires d’opter pour les énergies renouvelables, et c’est ironique de voir un homme d’affaires essayer de freiner les forces du marché. »

Si l’on compare l’administration actuelle avec celles des présidents républicains précédents, on voit que Trump est dans une classe à part sur la question du climat et de l’urgence de réduire les émissions polluantes, note M. Coequyt.

« En refusant d’écouter ses propres scientifiques, le président Trump retarde tout le monde dans une course que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre. »

49 % de promesses non tenues

Donald Trump est souvent vu, tant par ses partisans que par ses critiques, comme un politicien qui a tenu ses promesses. Plusieurs analyses indépendantes montrent que la réalité est plus nuancée. Selon le site non partisan Politifact, 24 % des promesses faites par Trump lors de la campagne de 2016 ont été tenues, alors que 20 % ont fait l’objet d’un compromis et 49 % ont été brisées. En voici quelques exemples :

Promesses tenues 

• Dérégulation des règles gouvernementales

• Nomination de juges conservateurs à la Cour suprême

• Renégociation de l’ALENA

• Suspension de l’immigration en provenance de pays à majorité musulmane

Promesses non tenues

• Soins de santé pour tous

• Baisses d’impôts qui ne profiteront pas aux ultra-riches

• Diminution de la dette nationale

• Construction d’un mur sur la frontière avec le Mexique

• Dépense de 1000 milliards dans un programme d’infrastructure

• Six semaines de congé de maternité payées

• Fin de la loi Obamacare

• Croissance de l’économie de 4 % par année

• Renégociation de l’accord nucléaire avec l’Iran

23 fois sur 100

Joe Biden est en avance dans les sondages, mais cela ne veut pas dire que la course est jouée. Le site FiveThirtyEight a lancé 40 000 simulations de résultats possibles à l’élection du 3 novembre. En date du 24 septembre, Donald Trump remportait le vote 23 fois sur 100, tandis que Biden était victorieux 77 fois sur 100. L’avantage de Biden est clair, mais environ 25 %, ou une chance sur quatre, n’est pas négligeable. « Ne croyez pas que le candidat qui est derrière ne peut pas l’emporter ! signale le site. Les victoires imprévues sont surprenantes, mais pas impossibles. » Il suffit de se souvenir de 2016 pour le comprendre.

70 %

C’est la proportion de comtés qui manquent de personnel pour travailler dans les bureaux de scrutin le 3 novembre, selon l’Election Assistance Commission (EAC). La situation est si préoccupante que des entreprises comme Starbucks, Old Navy, Target et Microsoft vont payer leurs employés pour qu’ils passent la journée à travailler dans les bureaux de scrutin. Civic Alliance, l’organisation derrière cette initiative, dit vouloir recruter 350 000 travailleurs pour aider le jour du vote.