(Washington) Roger Stone, l’ami de longue date de Donald Trump qui a vu sa peine commuée par le président américain, demeure « un repris de justice condamné et à juste titre », a affirmé samedi l’ancien procureur spécial Robert Mueller, qui avait lancé les poursuites contre lui.

Roger Stone, 67 ans, devait commencer mardi à purger la peine de quarante mois de prison qui lui avait été infligée, notamment pour subornation et témoin et pour avoir menti au Congrès dans le cadre de « l’enquête russe » sur la campagne de Donald Trump en 2016. Le président, dont il est un ancien conseiller, a annoncé vendredi qu’il commuait cette peine.

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L’ancien procureur spécial Robert Mueller

Dans une tribune publiée dans le Washington Post, Robert Mueller a défendu son enquête. « Stone a été poursuivi et déclaré coupable parce qu’il a commis des crimes fédéraux. Il demeure un repris de justice condamné à juste titre », a écrit l’ancien procureur.

L’influent sénateur républicain Mitt Romney a joint samedi sa voix à celles des démocrates pour dénoncer comme un acte de « corruption » grave la décision de Donald Trump.

M. Romney, régulièrement critique de Donald Trump, est le premier membre influent du parti présidentiel à s’élever publiquement contre cette décision.  

« Corruption historique, sans précédent : un président américain commue la peine de prison d’une personne condamnée par un jury pour avoir menti afin de protéger ce même président », a tweeté Mitt Romney, ancien candidat républicain à la présidentielle de 2012.

Le sénateur de l’Utah est le seul membre du « Grand Old Party » à avoir voté en février en faveur de la destitution de Donald Trump dans le cadre de l’affaire ukrainienne.

Conseiller politique de Trump par intermittence depuis plus de 20 ans, connu pour son style sulfureux et son tatouage de Richard Nixon dans le dos, Roger Stone avait fait appel de sa condamnation, mais devait tout de même être incarcéré mardi prochain.

Mais Donald Trump n’avait jamais caché sa volonté d’épargner la prison à son ancien conseiller. « Roger Stone a été la cible d’une chasse aux sorcières qui n’aurait jamais dû avoir lieu », a-t-il encore affirmé dans un tweet samedi matin.

« Victime du canular russe perpétré par la gauche et ses alliés dans les médias », Roger Stone est dorénavant « un homme libre », avait fait savoir vendredi la Maison-Blanche.  

L’intéressé s’est déclaré « incroyablement honoré » de cet « acte de clémence » présidentiel.

« Deux justices »

Depuis, les démocrates crient au scandale.  

« La décision de Donald Trump de commuer la peine de son conseiller de campagne Roger Stone […] est un acte de corruption stupéfiant », a déclaré vendredi la cheffe des démocrates au Congrès américain, Nancy Pelosi.

« Le Congrès va prendre des mesures pour empêcher ce genre de méfait éhonté », a-t-elle poursuivi dans un communiqué. « Nous avons besoin de légiférer pour nous assurer qu’aucun président ne puisse gracier ou commuer la peine d’un individu impliqué dans une campagne de dissimulation pour protéger ce même président de poursuites pénales. »

L’élu démocrate Adam Schiff, qui menait l’équipe des procureurs lors du procès en destitution du président, a pour sa part estimé : « Avec Trump, il y a dorénavant deux systèmes de justice aux États-Unis : un pour les amis malfaiteurs de Trump, et un pour tous les autres ».

Roger Stone fait partie des six membres de l’entourage, plus ou moins proche, du milliardaire new-yorkais a avoir été inculpés ou condamnés dans le sillage de l’enquête russe.

Se décrivant lui-même comme « un habitué des coups fourrés », il a été reconnu coupable d’avoir menti au Congrès sur ses contacts avec l’organisation WikiLeaks au sujet de courriels démocrates piratés lors de la campagne de 2016.

Les procureurs avaient démontré qu’il avait menti et intimidé des témoins pour protéger Donald Trump de l’embarras.

Le président était intervenu pendant la procédure judiciaire en critiquant, dans des tweets, les recommandations initiales des procureurs chargés d’instruire cette affaire.  Ceux-ci, sur lesquels Donald Trump avait été accusé de faire ainsi pression en bafouant la séparation des pouvoirs, s’étaient récusés, et la recommandation de peine du ministère de la Justice avait été revue à la baisse.