(Warren) Eric Truss, ouvrier automobile depuis 24 ans, a voté mardi pour Joe Biden dans la primaire démocrate du Michigan, convaincu qu’il est le plus à même de reprendre à Donald Trump cet État industriel de la région des Grands Lacs.

« Cette fois, Trump ne gagnera pas le Michigan », assure cet Afro-Américain de 53 ans depuis la banlieue de Detroit, où les constructeurs mythiques, comme Ford ou Chrysler, ont écrit l’histoire du secteur automobile.

Plusieurs des collègues de ce membre du puissant syndicat United Auto Workers ont voté pour Trump en 2016. Mais cette année, « ils vont clairement vers les démocrates », affirme-t-il à l’AFP.

Lui-même a apporté sa voix à l’ancien vice-président de Barack Obama, crédité ici d’avoir œuvré au gigantesque plan de sauvetage destiné au secteur automobile après la crise de 2008.

Selon les projections des médias américains, Joe Biden, 77 ans, a remporté mardi la victoire dans le Michigan face au sénateur socialiste Bernie Sanders, 78 ans, confortant ses chances de représenter les démocrates face à Donald Trump le 3 novembre.

Déjà en lice pour l’investiture démocrate il y a quatre ans, Bernie Sanders avait à l’époque devancé sa rivale Hillary Clinton dans le Michigan.

Malgré ce revers, l’ancienne secrétaire d’État avait finalement remporté les primaires. Mais elle avait ensuite été peu présente dans le Michigan qui, lors des six précédents scrutins présidentiels, avait toujours voté démocrate.

À l’inverse, Donald Trump y avait multiplié les réunions de campagne et les promesses de renaissance industrielle. À la surprise générale, il l’avait emporté d’un cheveu dans l’État en 2016, gagnant les voix des ouvriers durement frappés par la mondialisation.

« Biden ou s’abstenir »

Quatre ans plus tard, le chômage est à un niveau historiquement bas et les grands groupes automobiles enregistrent des profits record. Mais les usines Ford, Chrysler ou encore General Motors n’ont pas retrouvé les niveaux d’embauche du passé.  

Au tournant des années 2000, General Motors employait à lui seul 450 000 personnes. Aujourd’hui, les membres de l’United Auto Workers chez GM, Ford et Fiat Chrysler Automotive sont environ 130 000, souligne Frank Hammer, 76 ans, dont 30 au service de GM.

« Puisque Trump a remporté l’État avec moins de 11 000 voix d’avance, il est très possible que l’État redevienne » démocrate, dit-il.  

« J’ai beaucoup d’amis au travail qui détestent Trump aujourd’hui, mais ne se voient pas voter pour Sanders », poursuit M. Hammer qui, pour sa part, soutient le champion de la gauche. « Ils pourraient finir par voter Biden, ou s’abstenir. »

« Pas un président socialiste »

De l’avis général, le président républicain reste populaire auprès d’un nombre conséquent d’ouvriers. « Mais j’ai l’impression que Biden a gagné beaucoup de soutien dernièrement », avance Ron Lare, retraité après trente ans dans une usine Ford.

Les employés du secteur lui sont reconnaissants d’avoir participé au sauvetage de Chrysler et General Motors quand il était vice-président, dit-il.  

Ils pensent aussi que Joe Biden protégera le système d’assurance maladie négocié durement par le syndicat UAW, voué à la disparition si Bernie Sanders parvenait à mettre en place son projet de couverture maladie universelle, ajoute-t-il.

« La plupart des Noirs dans les usines ne veulent pas d’un président socialiste », confirme Eric Truss.

Prête à prendre son poste dans l’usine d’assemblage des camions Chrysler, à Warren près de Detroit, Felicia Andrews, 38 ans, a voté Biden et pense qu’il plaît à ses collègues.

Elle ne pardonne pas à Donald Trump d’avoir promis que le protectionnisme ramènerait des emplois dans la région, puis d’avoir laissé fermer des usines automobiles.

« Je ne pense pas que Trump soit le meilleur président pour nous en ce moment », dit-elle.