(New York) Le nom d’Alan Dershowitz est associé à l’un des verdicts les plus renversants et controversés du XXe siècle : l’acquittement de l’ancienne star du football américain O.J. Simpson, accusée d’avoir tué son ex-femme et le compagnon de celle-ci.

Le célèbre constitutionnaliste est de nouveau mêlé à un procès retentissant, celui de Donald Trump, dont l’issue ne devrait cependant surprendre personne. À moins d’une suite de rebondissements inimaginables, le Sénat à majorité républicaine acquittera le chef de la Maison-Blanche des deux chefs d’accusation retenus contre lui. Or, à la veille de l’ouverture du troisième procès en destitution à l’encontre d’un président américain, l’incertitude plane encore sur son déroulement, de même que sur ses conséquences politiques.

Des témoins ?

La question des témoins constitue l’un des plus grands points d’interrogation. Les démocrates en réclament quatre, dont l’ancien conseiller pour la sécurité nationale de la Maison-Blanche John Bolton et le chef de cabinet de la Maison-Blanche par intérim Mick Mulvaney. Les deux ont été en contact direct avec le président pendant l’affaire ukrainienne.

L’appui d’au moins quatre sénateurs républicains est nécessaire à la comparution de ces témoins. Parmi les plus susceptibles de voter avec le groupe démocrate sur cette question figurent Lisa Murkowski (Alaska), Susan Collins (Maine), Cory Gardner (Colorado), Mitt Romney (Utah) et Lamar Alexander (Tennessee).

Cependant, les sénateurs républicains Ted Cruz (Texas) et Rand Paul (Kentucky) ont prévenu leurs collègues républicains qu’ils réclameraient leurs propres témoins, dont Hunter Biden et le lanceur d’alerte à l’origine de l’affaire ukrainienne, s’ils donnaient le feu vert à la comparution des témoins réclamés par les démocrates.

Un vote sur la question des témoins devrait être tenu après les étapes initiales (et peut-être finales) du procès en destitution, à savoir les présentations de l’accusation et de la défense, suivies des questions des sénateurs.

La durée des présentations et des questions fera partie des sujets qui seront débattus et soumis à des votes mardi. Si tout se déroule comme prévu, la présentation de l’accusation débutera mercredi.

Nouveaux éléments

Les procureurs démocrates ont rendu public samedi leur argumentaire. Dans un document de 106 pages, ils reprennent les principaux éléments contenus dans l’acte d’accusation adopté par la Chambre des représentants en décembre dernier. Ils accusent le président d’avoir conditionné une invitation à la Maison-Blanche et une aide militaire de 391 millions de dollars à l’Ukraine à l’annonce par le président de ce pays d’une enquête sur Joe Biden, candidat à l’investiture démocrate. Et ils reprochent au président d’avoir refusé de collaborer à l’enquête du Congrès sur cet abus de pouvoir présumé.

Les procureurs démocrates avancent également de nouveaux éléments qui pourraient avoir des répercussions importantes sur le procès. Ils font notamment référence aux documents fournis récemment par Lev Parnas, associé de l’avocat personnel de Donald Trump, Rudolph Giuliani. Dans des entrevues accordées aux médias, l’homme d’affaires originaire de l’ex-URSS a déclaré que le président était au courant de toutes ses actions clandestines pour réaliser ses objectifs politiques en Ukraine.

Les procureurs démocrates entendent par ailleurs évoquer les conclusions d’un nouveau rapport d’une agence gouvernementale non partisane, le Government Accounting Office (GOA), selon lesquelles la Maison-Blanche a enfreint la loi fédérale en gelant l’aide militaire à l’Ukraine approuvée par le Congrès.

Les avocats de Donald Trump ont répondu samedi à l’argumentaire des procureurs démocrates dans une lettre incendiaire de six pages. Ils ont notamment qualifié la procédure de destitution visant le président de « tentative effrontée et illégale de renverser les résultats de l’élection de 2016 et d’interférer avec l’élection de 2020 ». Ils ont jusqu’à midi pour présenter leur propre argumentaire.

Les caucus d’Iowa

Le chef de la majorité républicaine au Sénat Mitch McConnell aimerait que le procès ne dure pas plus de deux semaines. Tout comme Donald Trump, il voudrait que le président soit dûment acquitté lorsqu’il prononcera son discours sur l’état de l’Union, prévu le 4 février.

Rien n’est moins sûr.

Ce qui est certain, cependant, c’est que quatre des candidats à l’investiture démocrate seront retenus à Washington pendant les deux dernières semaines qui précéderont les caucus d’Iowa, premier test électoral de la course dans laquelle ils sont engagés. Il s’agit des sénateurs Bernie Sanders (Vermont), Elizabeth Warren (Massachusetts), Amy Klobuchar (Minnesota) et Michael Bennett (Colorado).

Ce contretemps a fait naître une théorie du complot que Donald Trump s’est fait un devoir de propager sur Twitter : la présidente de la Chambre Nancy Pelosi s’est organisée pour retarder le début du procès en destitution afin de nuire à Bernie Sanders et d’aider Joe Biden. « Ils truquent encore l’élection contre Bernie Sanders », a tweeté le président en faisant allusion à « Crazy Nancy » et à ses alliés démocrates.

Le sénateur du Vermont a rejeté cette théorie. Mais l’absence de quatre candidats en Iowa à la veille d’un scrutin important ajoute à l’incertitude d’une course extrêmement serrée.

L’après-verdict

Et quel profit Donald Trump pourra-t-il tirer d’un acquittement éventuel ? L’enquête en destitution et la mise en accusation le visant n’ont pas changé de façon importante ses appuis au sein de l’électorat. Elles ont cependant contribué à l’efficacité de ses sollicitations de dons auprès de ses partisans.

Le président n’hésitera sans doute pas à se déclarer disculpé « à 100 % » après un verdict d’acquittement. Ce message pourrait le servir non seulement auprès de la base républicaine, mais également de certains électeurs indépendants. Mais le vote d’un seul sénateur républicain en faveur de sa condamnation pourrait l’obscurcir.