L’administration américaine menace de couper les fonds à des milliers de cliniques offrant des services de santé sexuelle et reproductive à des femmes défavorisées si elles continuent de les aider à obtenir un avortement.

Le département de la Santé a entrepris au printemps de revoir les modalités d’un important programme de financement fédéral qui avait été introduit en 1970 pour garantir qu’aucune Américaine ne serait privée d’une aide de planification familiale « en raison de sa situation économique ».

Les professionnels de la santé des cliniques qui reçoivent des fonds dans le cadre de ce programme ne peuvent plus, depuis des années, utiliser l’argent pour pratiquer des avortements.

Ils pouvaient cependant orienter les femmes souhaitant un avortement vers une organisation capable de leur offrir ce service, ce qui est interdit depuis le début du mois de juillet.

La réforme prévoit par ailleurs que les cliniques offrant dans le même bâtiment des services de santé sexuelle et reproductive et des avortements payés par d’autres sources ne pourront plus recevoir d’argent du programme fédéral à compter de 2020.

Le gouvernement maintient que la réforme, vivement contestée, est nécessaire pour garantir que l’argent fédéral ne sert pas à financer des avortements, même indirectement.

La plupart des cliniques vont préférer renoncer aux fonds fédéraux.

Laurie Sobel, de la Kaiser Family Foundation, une organisation non partisane établie à San Francisco qui analyse les questions de santé aux États-Unis

À l’heure actuelle, 4000 établissements reçoivent de l’argent dans le cadre du programme fédéral, doté d’un budget de près de 300 millions de dollars américains. En moyenne, près de 20 % de leur budget provient du gouvernement fédéral. Les fonds permettent de venir en aide à près de 4 millions de femmes par année.

La réforme, note Mme Sobel, risque d’avoir une incidence particulièrement marquée sur Planned Parenthood, qui vient en aide à 40 % des femmes soutenues grâce au programme.

Pour plaire « à sa base religieuse »

Plusieurs des cliniques de l’organisation offrent sous un même toit des services de consultation en santé sexuelle et reproductive et des services d’avortement et devraient assumer des dépenses importantes pour construire des cliniques physiquement distinctes afin de se conformer aux exigences de l’État.

Celles qui entendent renoncer aux fonds risquent d’être contraintes de faire des coupes dans les services de santé sexuelle et reproductrice, prévient Mme Sobel.

L’accès à la contraception et au dépistage de maladies transmises sexuellement, déjà difficile dans plusieurs régions, risque de devenir encore plus problématique, prévient-elle.

L’analyste note que la réforme engagée par l’administration vise à plaire « à sa base religieuse », qui se réjouit notamment de voir que les activités de Planned Parenthood risquent d’être sensiblement compliquées.

Les modifications au programme sont contestées devant les tribunaux par plus d’une vingtaine d’États et de nombreuses organisations qui bénéficient depuis longtemps du financement fédéral.

Des injonctions ont permis temporairement de freiner leur application, mais elles ont été annulées sur décision d’un tribunal d’appel de la Californie.

Décision idéologique

La National Family Planning and Reproductive Health Association (NFPRHA), qui chapeaute plus de 3000 établissements de santé actifs dans ce secteur, ne perd pas espoir de convaincre les tribunaux de bloquer la réforme.

Robin Summers, une vice-présidente de l’organisation, estime que le gouvernement cherche à « infliger le plus de dommages possible au réseau de planification familiale » pour des raisons idéologiques.

Le ministère de la Santé, souligne-t-elle en entrevue, n’a pas réussi à « trouver un seul exemple » d’une situation où les restrictions empêchant l’utilisation de fonds fédéraux pour réaliser des avortements ont pu être bafouées.

Le système est en place depuis des décennies et il n’y a jamais eu de problèmes.

Robin Summers, vice-présidente de la NFPRHA

À défaut de voir aboutir la contestation juridique, plusieurs États ont déjà fait savoir qu’ils entendaient verser des fonds aux cliniques pour leur permettre de renoncer au financement fédéral tout en maintenant les services existants.

Le gouverneur démocrate de l’Illinois, Jay Robert Pritzker, a déploré dans un communiqué que la réforme risque de compromettre les activités de cliniques soutenant des millions de femmes au pays.

« En Illinois, on ne laissera pas ça passer », a-t-il prévenu.