Le Québécois Jean-Frédéric Martin se trouvait dans sa chambre d’hôtel à Los Angeles quand il a senti le séisme de jeudi dernier. « Ma femme était au téléphone pour organiser notre prochaine activité et tout de suite, la dame au bout du fil a crié : “Raccrochez, nous avons un tremblement de terre” », a-t-il raconté.

En se rendant en vacances en Californie avec sa fille de 21 ans, son fils de 16 ans et sa femme, il connaissait bien les risques de sentir la terre bouger. Mais la réaction des Californiens ne l’a pas rassuré sur le coup. « On est sortis et les gens ont dit : “C’en est un gros” », a-t-il poursuivi, au téléphone.

Même si Los Angeles se trouve à environ 200 km de l’épicentre des séismes de jeudi et de vendredi, situé à Ridgecrest, c’est en effet deux tremblements assez importants qui ont eu lieu. Le premier a atteint 6,4 de magnitude et le deuxième, 7,1.

PHOTO ROBYN BECK, AGENCE FRANCE-PRESSE

De nombreuses bouteilles de vin n’ont pas résisté au tremblement de terre dans ce magasin de spiritueux de Ridgecrest, épicentre du séisme.

Les images de luminaires se balançant furieusement au plafond, de présentateurs télé paniqués et de produits déboulant des étagères ont fait le tour du monde.

Les probabilités d’avoir deux tremblements de terre d’une telle ampleur à une journée d’intervalle étaient pourtant faibles, a fait remarquer Maurice Lamontagne, sismologue à Ressources naturelles Canada. « C’est surprenant, coup sur coup », a-t-il dit au téléphone.

Heureusement, l’épicentre se situait dans une région peu densément peuplée et n’aurait fait que des blessés mineurs, selon les informations transmises hier par les autorités. Des fuites de gaz ont cependant provoqué des incendies.

Les résidants de la Californie ont l’habitude des séismes.

Martin Tremblay, retraité de 63 ans, se trouvait à un concert à Indio vendredi. « C’était comme si on était sur un bateau, a relaté au téléphone ce joueur de golf qui vit à Palm Desert depuis 2012. On a vu les projecteurs valser, il y a eu un murmure dans la salle, des “oh”, et certaines personnes se sont levées de leur siège. » Et les musiciens ? Ils n’ont pas manqué une seule note, s’amuse-t-il.

« Rien qu’on puisse faire »

Avant vendredi, le dernier séisme d’une magnitude de 7,1 dans le sud de la Californie datait de 20 ans. La puissance des deux tremblements de terre a réveillé le spectre du « Big One », un séisme d’une magnitude d’au moins 8 causé par la faille géologique de San Andreas que les Californiens redoutent. Et attendent. Parce qu’il y a une certitude : un jour, ce scénario va se concrétiser.

C’est sûr que ça va arriver. Ce ne sera pas nécessairement dans les prochains jours, mais ça peut être dans 10, 50 ans.

Maurice Lamontagne, sismologue

La faille de San Andreas, qui n’est pas en cause dans les séismes des derniers jours, passe par Los Angeles et San Francisco. Le « Big One » aurait vraisemblablement des conséquences majeures.

Si le photographe Éric Charbonneau est bien conscient des risques, il dit ne pas trop y penser. Résidant de Los Angeles depuis 30 ans, il a vécu son lot de séismes. Il connaît les consignes et les conseils, comme avoir une trousse d’urgence et accrocher la télévision au mur avec des câbles spéciaux. « La violence du tremblement de terre va tout faire tomber de toute façon, a-t-il commenté au téléphone. Il n’y a rien qu’on puisse faire. »

Vincent Thivierge, étudiant à l’Université de Californie à Santa Barbara, avait bien l’intention de préparer sa trousse de survie dans les prochains jours. Il était avec un ami lorsqu’il a senti le séisme vendredi, comme une « ondulation ». « On s’est dit qu’on devrait avoir un sac à dos prêt, avec des conserves, une trousse de premiers soins, les nécessités », a-t-il expliqué en entrevue téléphonique. Pas seulement pour les séismes, mais pour toutes les éventualités.

Catastrophes naturelles

La Californie a connu son lot de catastrophes naturelles au cours des dernières années : incendies de forêt majeurs, glissements de terrain, inondations.

« Je suis vraiment plus préoccupé par les crues éclair que les séismes », a d’ailleurs confié le Français Michel Patron, installé à Independence. S’il habite à environ 135 km de l’épicentre, l’homme de 75 ans dit avoir ressenti une banale vibration vendredi. Rien à voir avec le tremblement de terre de magnitude 6,9 de la région de San Francisco qui avait fait 67 morts et 3000 blessés en 1989, alors qu’il se trouvait à Los Angeles. « La baraque avait bougé, a-t-il dit. C’est une peur panique complète, on ne peut rien faire. On était sortis complètement ébahis. »

Les séismes ne peuvent être prévenus, mais la Californie a développé une véritable expertise pour en minimiser les conséquences, notamment avec son code de bâtiment, a expliqué M. Lamontagne. Le système de distribution d’eau d’une ville comme Los Angeles demeure cependant au nombre de ses vulnérabilités.

Après les séismes de jeudi et vendredi, la région devait maintenant composer avec les répliques.

Le fils de Jean-Frédéric Martin a senti une de ces secousses. « C’est son voyage de rêve, il trouvait ça le fun de dire qu’il avait vécu un tremblement de terre, a relaté son père. Mais, pour reprendre son expression, il a trouvé ça moins “cool” après cette réplique. »