La Mecque des nouvelles technologies dit non à l’utilisation de la reconnaissance faciale – mais cela ne veut pas dire que ce type de surveillance n’aura pas lieu sur son territoire, affirment des experts.

Non à la reconnaissance

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San Francisco est devenu la première ville américaine à interdire l’utilisation d’outils de reconnaissance faciale par la police et d’autres agences du gouvernement municipal.

Soucieux de protéger la vie privée de ses citoyens, San Francisco est devenu la première ville américaine à interdire l’utilisation d’outils de reconnaissance faciale par la police et d’autres agences du gouvernement municipal. « La propension à ce que la technologie de reconnaissance faciale mette en danger les droits civils et les libertés civiques contrebalance nettement ses prétendus bénéfices », écrivent les élus dans la résolution, qui a été adoptée à huit contre un mardi. Ils notent aussi que cette technologie a le potentiel d’« exacerber l’injustice raciale et [de] menacer notre capacité à vivre libres de toute surveillance permanente par le gouvernement ».

Voyage dans le temps

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La loi votée par San Francisco ne s’applique qu’à l’appareil municipal, et ne fait pas mention du gouvernement fédéral ni des entreprises privées présentes sur son territoire.

Or, l’interdiction votée à San Francisco relève davantage des « relations publiques », explique en entrevue avec La Presse Kalev Leetaru, agrégé supérieur de recherche au centre pour la cybersécurité et la sécurité intérieure de l’Université George Washington. « C’est comme s’ils venaient de bannir le voyage dans le temps, dit-il. Ils peuvent bien le faire, mais cela n’a aucune incidence sur ce qui se passe dans la réalité. » Le problème avec la loi, c’est qu’elle ne s’applique qu’à l’appareil municipal, et ne fait pas mention du gouvernement fédéral ni des entreprises privées présentes sur le territoire de San Francisco. « La loi aurait pu viser tout le monde, mais le fait qu’elle ne le fait pas est significatif. »

Service privé

PHOTO ROBERT GALBRAITH, REUTERS

« À l’aéroport de San Francisco, par exemple, le gouvernement fédéral pourra continuer d’utiliser la reconnaissance faciale sans être inquiété », note Kalev Leetaru, agrégé supérieur de recherche au centre pour la cybersécurité et la sécurité intérieure de l’Université George Washington.

M. Leetaru note que le gouvernement fédéral américain « est très impliqué » dans la mise au point et le déploiement des technologies de reconnaissance faciale. « À l’aéroport de San Francisco, par exemple, le gouvernement fédéral pourra continuer d’utiliser la reconnaissance faciale sans être inquiété. » Il note aussi que des entreprises qui fabriquent des caméras reliées à des sonnettes de porte d’entrée pourraient utiliser la reconnaissance faciale pour avertir l’occupant d’une maison que la personne qui sonne à sa porte fait l’objet d’un mandat de recherche. « Il n’est pas exclu que des gens puissent payer pour s’abonner à un tel service, et que les images soient ensuite vendues à des services de police. On peut très bien imaginer que cela connaîtrait du succès. »

Outil utile

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Un homme se fait peindre le visage en blanc lors d'une manifestation contre le système de reconnaissance faciale d'Amazon, Rekognition.

Pour ses détracteurs, la surveillance par reconnaissance faciale suscite des craintes liées au risque que des innocents soient identifiés à tort comme étant des délinquants et que ces systèmes empiètent au quotidien sur la vie privée. Notamment, ces systèmes font beaucoup d’erreurs lorsqu’ils tentent d’identifier des gens ayant la peau foncée. Pour ses défenseurs, cette surveillance est nécessaire pour « aider à retrouver des enfants disparus, des personnes atteintes de démence ou à combattre les trafics sexuels », note le groupe Stop Crime SF dans un communiqué. « Cette technologie va s’améliorer et pourrait se révéler un outil utile pour la sécurité publique si elle est maniée de manière responsable et avec le plus grand soin. Nous devrions laisser la porte ouverte à cette possibilité. »

Développement rapide

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L’utilisation par Pékin de caméras de reconnaissance faciale dans le cadre d’un système de surveillance généralisée de la population musulmane au Xinjiang est dénoncée par l’ONG Human Rights Watch.

Plusieurs gouvernements et juridictions tentent de trouver la bonne marche à suivre au sujet des technologies de reconnaissance faciale. Le service de police de San Francisco a affirmé publiquement ne pas utiliser ces technologies, mais plusieurs services de police ailleurs aux États-Unis ont déjà commencé à les utiliser. En Chine, le gouvernement s’est doté de vastes réseaux de caméras de surveillance sur son territoire. L’utilisation par Pékin de caméras de reconnaissance faciale dans le cadre d’un système de surveillance généralisée de la population musulmane au Xinjiang est d’ailleurs dénoncée par l’ONG Human Rights Watch.

— Avec l’Agence France-Presse