L'ancien directeur de campagne de Donald Tump, Paul Manafort, n'en a pas fini avec la justice : il a été inculpé pour fraude mercredi à New York, le jour même de sa seconde condamnation pour des malversations débusquées dans le cadre de l'enquête russe.

Une juge fédérale de Washington lui a infligé une peine de prison qui, ajoutée à une première sentence prononcée la semaine dernière en Virginie, le condamne à sept ans et demi derrière les barreaux pour diverses fraudes.

Quasi simultanément, l'ancien consultant de 69 ans a été inculpé par un grand jury new-yorkais qui l'accuse d'avoir obtenu de manière frauduleuse des prêts immobiliers entre 2015 et 2017.

Dans un échange avec des journalistes, le président américain s'est dit « très triste » pour Paul Manafort et n'a pas exclu de lui accorder une grâce. Interrogé sur cette éventualité, il a assuré ne pas l'avoir « à l'esprit dans l'immédiat ».

S'il détient le pouvoir d'effacer les sept ans et demi de prison infligés par des tribunaux fédéraux, Donald Trump ne peut pas intervenir au niveau de la justice des États et sera donc impuissant en cas de condamnation de Paul Manafort à New York.

Le président ne cesse de louer le « courage » de son ancien directeur de campagne, l'un des rares, selon lui, à ne pas avoir plié devant les pressions du procureur spécial Robert Mueller.

« Pas très franc »

Bête noire de Donald Trump, qui dénonce une « chasse aux sorcières », le procureur cherche à établir s'il y a eu collusion entre Moscou et l'équipe du candidat républicain lors de la présidentielle de 2016. Il s'est naturellement intéressé à Paul Manafort, qui a dirigé sa campagne pendant deux mois.

Dans le cadre de ses investigations, il a découvert que le consultant avait dissimulé 55 millions de dollars sur des comptes off-shore et menti à des banques pour obtenir des prêts. Ce sont ces fraudes qui ont été jugées en Virginie.

Il a également établi que Paul Manafort avait omis de déclarer ses activités de conseil auprès d'Ukrainiens prorusses, en violation des règles sur le lobbying. C'est sur ce volet qu'il était jugé à Washington, ainsi que pour avoir tenté d'influencer des témoins.

Paul Manafort n'est « pas l'ennemi public numéro un », a souligné la juge Amy Berman Jackson du tribunal de Washington, en rappelant qu'il n'était pas jugé pour collusion.

Mais il n'est « pas une victime non plus », a-t-elle poursuivi en évoquant ses « mensonges répétés et sur plusieurs années », destinés selon elle à « assurer le maintien de son train de vie » luxueux.  

En septembre, il avait plaidé coupable et avait accepté de coopérer à l'enquête russe, mais il a continué de mentir lors des interrogatoires, a-t-elle souligné.  

« Il n'a pas été très franc avec moi non plus », a remarqué la magistrate, avant d'ajouter : « le tribunal est l'un des endroits où les faits gardent leur importance ».

La juge Jackson a également exprimé ses doutes sur les « remords » et les « excuses » exprimés devant elle par Paul Manafort, notant qu'ils étaient arrivés tardivement.  

« Menteur »

« Je suis désolé de ce que j'ai fait », avait-il assuré un peu plus tôt. « Je ne peux pas changer le passé, mais je vous assure que le futur sera différent », avait-il ajouté, assis dans son fauteuil roulant, en jurant avoir été changé par ses neuf mois de détention.  

Soulignant avoir déjà perdu ses « propriétés, liquidités, assurance-vie et actions », l'ancien homme de réseau, qui a tout perdu de sa superbe, avait demandé à la juge de le laisser finir sa vie avec sa femme.

À la sortie du tribunal, son avocat Kevin Downing a déploré une peine « très lourde » « absolument pas nécessaire ». « La juge Jackson a concédé qu'il n'y avait eu aucune preuve de collusion avec la Russie », a-t-il ensuite assuré.

« Menteur, elle n'a jamais dit ça », ont rétorqué des manifestants.

La semaine dernière, le président Trump avait lui aussi prêté au juge de Virginie des propos qu'il n'a jamais tenus. Le magistrat a dit « clairement au monde entier qu'il n'y avait pas eu de COLLUSION », avait-il tweeté.  

En fait, le juge T. S. Ellis du tribunal d'Alexandria avait simplement souligné que les faits reprochés à Paul Manafort « n'avaient rien à voir avec une quelconque collusion ».