(Washington) Malgré les gaffes, les doutes sur son âge, les quolibets de Donald Trump et les répercussions de l’affaire ukrainienne, l’ancien vice-président américain Joe Biden reste favori dans la primaire démocrate américaine, démontrant une capacité de résistance qui peut surprendre.

« Le cas de Biden est la chose la plus étrange que j’ai vue en politique », commentait récemment David Axelrod, ancien conseiller politique de l’ex-président démocrate Barack Obama.

Et de poursuivre, dans les pages de Politico, avec une comparaison imagée : « Le type est au-dessus du vide et tout le monde imagine qu’il va tomber […] Mais il continue d’avancer ».

Depuis une semaine, l’ancien vice-président américain le fait même d’un pas plus assuré, combatif.

« Si tu veux vérifier à quel point je suis en forme, on n’a qu’à faire des pompes ensemble, mec » : Joe Biden, 77 ans, a défié jeudi un électeur octogénaire sur un ton rare pour un candidat à la présidentielle américaine.

L’homme venait de mettre en doute ses capacités lors d’une réunion publique.

Avant d’accuser Joe Biden d’avoir profité de son influence pour placer son fils Hunter au conseil d’administration d’une compagnie gazière ukrainienne lorsqu’il était vice-président (2009-2017).

« Tu es un satané menteur, mec, ce n’est pas vrai », a rétorqué le candidat dans un échange qui a fait le tour des télévisions américaines.

C’est justement parce qu’il a demandé à Kiev d’enquêter sur Joe Biden, bien placé pour le défier lors de la présidentielle de 2020, que Donald Trump fait aujourd’hui l’objet d’une procédure de destitution.

Le démocrate devra trouver le ton juste, moins acerbe que celui employé face à cet électeur, pour rejeter au cours de sa campagne les soupçons de conflits d’intérêts qui entourent la nomination de son fils au sein du groupe gazier.

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Mais l’affaire ukrainienne pourrait lui bénéficier, selon le politologue Larry Sabato, puisqu’en demandant une enquête, « Trump a montré que c’est Biden qu’il craignait le plus ».

Semaine d’offensive

Défiant ainsi tous ceux qui augurent de son effondrement imminent depuis son entrée en lice en avril, le modéré Joe Biden reste fermement en tête des sondages nationaux.

Avec 28 % des voix, selon la moyenne établie par RealClearPolitics, il est loin devant le sénateur indépendant Bernie Sanders (16 %), la sénatrice progressiste Elizabeth Warren (14 %) et le jeune maire modéré Pete Buttigieg (11 %).

Et cette semaine, Joe Biden est passé à l’offensive.

Elizabeth Warren galvanise-t-elle plus les électeurs que lui ? « Regardez les sondages. Dites-moi où on a vu ce grand enthousiasme », a-t-il rétorqué lundi à plusieurs médias américains.

Alors qu’il affichait au troisième trimestre des comptes de campagne préoccupants, Joe Biden a claironné cette semaine avoir déjà amassé plus de fonds sur les seuls mois d’octobre et novembre que les trois mois précédents.

Puis il a décroché jeudi un soutien clé : celui de l’ex-chef de la diplomatie américaine et ancien candidat à la présidentielle John Kerry.

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Joe Biden et John Kerry lors d'un rassemblement à Cedar Rapids, vendredi

« Je me souviens des fois où Joe Biden […] a aidé le président Obama à prendre certaines de ses décisions les plus dures et solitaires », a-t-il déclaré vendredi. « C’est ce qui est important : l’expérience ».

C’est justement le grand argument de campagne de Joe Biden : ses décennies passées en politique sont un atout, pas un handicap.

Surtout face à un Donald Trump qui fait la risée des grands dirigeants étrangers, avance l’ancien vice-président dans un nouveau spot de campagne, lancé également cette semaine.

« Battre Trump » avant tout

Pour Larry Sabato, de l’Université de Virginie, l’équation est simple : « Les démocrates ont une envie dévorante de battre Trump. Or la plupart pensent que Biden a les plus grandes chances d’y parvenir, même si ce n’est pas garanti ».

Autre grande force du septuagénaire : son solide soutien chez les électeurs noirs, au poids potentiellement décisif dans la primaire démocrate, ainsi que chez les ouvriers qui ont basculé en faveur de Donald Trump en 2016.

Sa quatrième place dans les sondages de l’Iowa et du New Hampshire, qui voteront en premier lors de la primaire, en février 2020, a pourtant de quoi inquiéter.

Son équipe de campagne fait toutefois le pari, risqué, qu’il pourrait se relever de mauvais résultats puisqu’il devrait, tout de suite après, faire de biens meilleurs scores dans deux États (Nevada et Caroline du Sud) où les électeurs afro-américains et hispaniques sont plus nombreux.

Au final, « la grande question, c’est son âge », estime Larry Sabato. « Si Biden reste en forme, aucun problème. S’il fait une crise cardiaque comme [Bernie] Sanders, ce sera un problème ».